Notes & Docs - 20.02.2013

L'assemblée générale des entreprises pilier de la gouvernance d'entreprise

L’assemblée générale est au centre de la démocratie actionnariale et pilier de la gouvernance d'entreprise qui place les actionnaires au premier rang de l’entreprise. Elle est l’organe par lequel les actionnaires peuvent interagir avec l’entreprise.Si la gouvernance d’entreprise est une véritable source de réflexion et de débat d’idées, l’assemblée des actionnaires est l’outil de la mise en application des directives énoncées de la gouvernance.

L'assemblée générale est l'organe grâce auquel les actionnaires ont la possibilité de s'informer, de s’avertir, de former leur opinion, et surtout de s’exprimer et de voter. Légalement, l’assemblée générale est l'organe suprême de la société, elle jouit d’une souveraineté absolue et sans partage. De ce fait, elle possède des droits inaliénables sur tous les autres organes de décision de la société et sur la modification des statuts.

Dès qu'une entreprise a clôturé ses comptes annuels, elle doit convoquer ses actionnaires dans un délai de six mois pour les valider, en respect aux dispositions de l’article 275 du Code des Sociétés Commerciales. Cette disposition est valable pour toute société, cotée ou non sur les marchés financiers. Si les résultats sont arrêtés au 31 décembre, l'assemblée générale doit être convoquée avant le 30 juin. Ce rendez-vous annuel obligatoire obéît à un ensemble de formalismes où chaque actionnaire peut exprimer son opinion à la direction de l'entreprise.

Les droits de vote des actionnaires sont fonction des actions détenues dans la société. Les actionnaires ont la possibilité d’élire des représentants. Ces représentants sont membres du conseil d’administration. Ils sont amenés à voter les sujets qui leur sont soumis ou qu'eux-mêmes proposent. Le conseil d'administration est ainsi chargé de définir les stratégies à suivre et d'en contrôler l'application. La direction, nommée par le conseil d'administration, est alors responsable de la gestion et de l'exécution de ces différentes stratégies.

Fonctionnement de l’assemblée générale

À vrai dire, il n’y a pas une seule assemblée générale, mais plutôt trois : L’assemblée générale ordinaire (AGO), l’assemblée générale extraordinaire (AGE) et l’assemblée générale Mixte (AGM). La loi exige la tenue d’une assemblée générale ordinaire une fois l’an. Cette assemblée contrôle la gestion de l’entreprise, valide les comptes annuels, et décide de la politique des dividendes à suivre. Elle procède également à l’élection du conseil d’administration (ou conseil de surveillance), et vote les dispositions prises par le conseil d’administration durant l’exercice écoulé, principalement les conventions réglementées.

Pour l’assemblée générale extraordinaire, elle se réunit à la demande. La direction de l’entreprise appelle à la tenue d’une AGE lorsqu’il est question de procéder à une modification des statuts, à une augmentation ou réduction de capital, à une fusion/ acquisition, ou bien à une dissolution de l’entreprise.

L'assemblée générale ordinaire et l’assemblée générale se réunissent de manière distincte. Cependant,la direction a la possibilité de convoquer une assemblée générale mixte. Ce qui lui permet de réunir les ordres du jour des deux assemblées générales en une seule. Seules les modalités de vote changent en fonction de l’assemblée générale qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire.

Outre l’aspect organisation proprement dite de l’assemblée générale, les modalités du fonctionnement et de la prise de décision de l’assemblée générale à travers le vote constituent sans aucun doute une véritable problématique.

De ce fait, il est impératif que tout actionnaire se fasse enregistrer et indique son mode de vote. Le comptage des voix doit être rigoureux et ne doit souffrir d’aucune faille. Il faut prévoir à l’avance tous les types d’incidents qui pourraient naître et préparer la solution à l’avance, telle que le recomptage des voix et la promulgation des résultats des votes.

Critiques de l’assemblée générale

Cette démocratie du capital est différente de la démocratie des personnes. Le droit de vote est indexé sur le nombre des actions. Un actionnaire principal détenant un nombre d’actions majoritaires, est sans aucun doute le détenteur du vote le plus important. Les petits actionnaires, pourraient ainsi n’avoir aucun pouvoir de décision lors des assemblées générales de l’entreprise, où même leur rassemblement pourrait s’avérer vain, si la majorité des actions est détenue par un actionnaire contrôlant.

Si une personne détient la majorité des actions, à quoi pourrait servir la tenue des assemblées générales, puisque les décisions sont certainement prises en amont. Les petits actionnaires se trouveraient ainsi lésés. Ils pourraient essayer de rassembler leurs voix, mais ce rassemblement resterait illusoire et vain en présence d’un actionnaire principal qui tirerait les ficelles. Certains évoqueraient le respect de l’aspect légal et l’information des différents partenaires sur la situation de l’entreprise et sur les marches futures à suivre.

L’analyse de la tenue des assemblées générales doit ainsi permettre de quantifier le pouvoir et l’implication des différents types d’actionnaires dans la gestion de l’entreprise. Les règles de transparence et de clarté doivent dominer et imprégner les travaux de l’assemblée générale.

L’apport du CTGE : Le Guide Tunisien de la Gouvernance d’Entreprise

Le guide tunisien de la gouvernance d’entreprise a apporté plusieurs recommandations pour améliorer le fonctionnement de l’assemblée générale.
La loi exige la tenue des assemblées générales, 6 mois après la publication des comptes. Le guide tunisien de la gouvernance d’entreprise propose de convoquer l’assemblée générale des actionnaires au moins 30 jours avant la date de sa tenue. Ce délai minimum plus long que celui fixé par la loi permet aux actionnaires d’avoir une meilleure connaissance des documents fournis par l’entreprise et une prise de décision informée. Cette convocation, selon le guide, doit user de tous les moyens de communication disponibles et accessibles allant de la simple convocation postale à la convocation électronique. Une note pratique explicative des modalités de participation devrait également être mise à la disposition des actionnaires.

Le choix de la date et du lieu de la tenue de l’assemblée générale doivent favoriser la participation d’un maximum d’actionnaire et tout changement éventuel doit être communiqué à temps.

Il est impératif pour le guide tunisien de la gouvernance d’entreprise que la majorité des actionnaires prennent part aux travaux de l’assemblée générale, même ceux qui se trouvent dans l’incapacité d’assister aux travaux de l’assemblée générale doivent avoir la possibilité de voter in absentia, via une procuration spéciale ou par correspondance.

Les actionnaires minoritaires, ne devraient pas être ignorés. Le guide propose de donner la possibilité à un ou plusieurs actionnaires détenant, au moins 2,5 % du capital social ou détenant une participation d’une valeur au moins égale à un million de dinars de proposer l’inscription de résolutions supplémentaires à l’ordre du jour de l’assemblée générale des actionnaires.Ainsi que la présentation d’une note explicative portant sur la raison d’être et les conséquences des points importants de l’ordre du jour de l’assemblée générale des actionnaires.
Le plus important selon le guide est de rendre la présence et le vote au sein des assemblées générales la plus aisée possible, en évitant les procédures compliquées et en facilitant la disponibilité et l’accessibilité des informations et des notes explicatives aux actionnaires.Compte tenu des modalités de vote, la direction de l’entreprise ne doit pas se contenter d'indiquer l'ordre du jour, la date, l'heure et le lieu. Elle doit aussi fournir le texte des projets de résolution et les règles de participation à l'assemblée générale.

La clôture des travaux de l’assemblée générale devrait aboutir à l’élaboration d’un rapport de synthèse sur les travaux de l’assemblée tels que consignés dans le procès-verbal et accessible aux actionnaires. Les actionnaires auront la possibilité d’être informés de la tenue des travaux, des décisions prises, du nombre des votants, des résultats des votes, etc.

Selon le guide tunisien de la gouvernance d’entreprise, les actionnaires doivent être placés au centre d’intérêt de l’entreprise. En dehors de l’assemblée générale, le contact avec les actionnaires doit être gardé via un service qui veille à les tenir informés de l’évolution de l’activité de l’entreprise, de l’application des décisions de l’assemblée générale et éventuellement de résoudre les conflits potentiels qui pourraient émerger de la relation entreprise-actionnaires.

La réalité du terrain

Une enquête réalisée sur la période s’étalant de 01 au 30 septembre 2012, sur le fonctionnement des assemblées générales des entreprises tunisiennes cotées en bourse a permis de mieux cerner certains éléments liés à la convocation des assemblées générales et le degré de respect des dispositions légales et des recommandations du guide tunisien de la gouvernance d’entreprise.

Plus d’une cinquantaine d’entreprises, ont été l’objet de l’étude. Ces entreprises sont de tailles différentes, de secteurs d’activités différents et de compositions de conseils différentes.

Le délai moyen de convocation à l’assemblée générale, observé par ces entreprises est de 18 jours, dépassant le délai de 15 jours imposé par la loi, et en deçà du délai de 30 jours. De même que ces assemblées se sont déroulées entre le mois de mai et le mois de juin pour plus de 82% des entreprises objets de l’enquête.
Néanmoins certaines entreprises, ont dépassé ce délai de convocation à la tenue de l’assemblée générale de façon spectaculaire, dans un sens comme dans l’autre. Si certaines entreprises ont annoncés l’assemblée générale dans délais relativement corrects et légaux (15 jours, 20 jours ou même 28 jours), une entreprise a préconisé un délai de 62 jours ! Dans l’autre sens aussi, une entreprise tunisienne, leader dans son domaine, a battu tous les records appelant à la tenue de son assemblée générale quelques jours seulement avant sa date de tenue ! Ce qui est totalement illégal !

Si la convocation à l’assemblée générale est encadrée par la loi, l’établissement des procès-verbaux (PV) n’obéît à aucune mention légale. Le guide tunisien de la gouvernance d’entreprise appelle à rendre ce PV accessible aux différentes parties prenantes, dans les plus brefs délais.

Malgré l’absence de contraintes légales, les entreprises enquêtées, ont cependant essayé de rendre les PV accessibles, dans un délai moyen de 12,2 jours. Certaines entreprises ont même rendu leurs PV publics 2 jours seulement après la tenue de l’assemblée générale, d’autres après 4 ou 6 jours. Il faut noter également qu’une entreprise qui a respecté scrupuleusement le délai de convocation à l’assemblée générale, a mis plus de 77 jours pour rendre public le PV de l’assemblée générale.

Cette disparité dans le comportement des entreprises tunisiennes, démontre que beaucoup d’efforts restent à faire pour aller au-delà de la contrainte légale dans l’application des principes de bonne gouvernance. Beaucoup d’idées ont été certes annoncées mais très peu d’actions ont encore été entreprises.

Il est certain que des efforts d’amélioration de la tenue des assemblées générales, de la participation des petits actionnaires à la prise de décision et à l’élaboration des stratégies futures en parfaite harmonie avec les actionnaires majoritaires, sont souhaitables voire fortement conseillées et nécessaires. En effet, le système de gouvernance d’entreprise ne peut rester figer ou se priver de l’un de ses atouts les plus visibles et les plus fédérateurs qu’est l’assemblée générale.

Majdi Hassen
Universitaire
 

Tags : assembl   tunisien  
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1 Commentaire
Les Commentaires
sadok - 27-02-2013 19:03

Henry Fayol,Père du Management français,en début du XXè siècle faisait allusion à six fonctions de l'entreprise voire la production,la distribution,la finance,la direction,la comptabilité,et la sécurité des biens et des personnes.Selon Ronald Coase,économiste et Lauréat du Prix Nobel en Economie,en 1991,définissait l'entre- prise comme"un système de relations définissant l'emploi de ressources par un entrepreneur."

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