News - 20.08.2016
Qui est Zied Ladhari, ministre de l’industrie et du Commerce
Héritant d’un grand ministère heureusement regroupé l’industrie et le Commerce, Zied Ladhar, 42 ans, avocat, est confirmé en chef de file d’Ennahdha au sein du gouvernement. Récemment promu secrétaire général du parti, à l’issue du Xème congrès, il incarne depuis l’élection de l’Assemblée nationale constituante, d’octobre 2011, la génération d’avenir d’Ennahdha. De retour de Paris après près de 11 ans, élu à la Constituante (circonscription de Sousse), il sera nommé ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, dans le gouvernement Habib Essid. L’unique ministre d’Ennahdha en titre dans cette équipe.
Le chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi l’avait repéré par ses interventions à l’ANC, puis lors de certains voyages à Washington. Il en fera le porte-parole du parti, lors de la très délicate phase du Dialogue national, d’octobre 2013.
Avocat international, maitrisant parfaitement l’anglais, pondéré et discret, il fera son chemin.
Portrait
La ville de Msaken, à 11 km de Sousse, a toujours été, depuis la lutte pour l’indépendance, le fief d’un militantisme actif. Zied Ladhari héritera de son père, agriculteur de la région du Sahel, et de sa mère, femme au foyer, les valeurs de patriotisme, de travail et la volonté de réussir dans ses études. Cadet d’une fratrie de cinq frères et sœurs, il a toujours été un brillant élève, jusqu’à son arrestation, en février 1992, à l’âge de 16 ans. Il venait juste de perdre son père. Après 15 jours affreux passés avec les malfrats dans les geôles du commissariat de police de Sousse, Zied passera environ six mois dans un centre de détention de mineurs, à El Meghira (Ben Arous). Son délit: appartenance à une organisation non autorisée, le parti Ennahdha. Baignant depuis son jeune âge dans un milieu politisé avec une forte sensibilité islamique, Zied Ladhari a fini par rejoindre un cercle de lycéens formé à Msaken et relevant du Mouvement de la tendance islamique (MTI), l’ancêtre d’Ennahdha. Ce fut le point de départ de tout un engagement qui lui vaudra un lourd tribut à payer mais finira par réaliser son rêve.
Remis en liberté du Centre de détention mais renvoyé de l’enseignement public et soumis à un strict contrôle policier, Zied Ladhari ne baissera pas les bras. Il s’inscrira dans un établissement privé et décrochera son bac avec la mention très bien en 1994. Ayant obtenu de surcroît la meilleure moyenne de la section lettres au niveau national (avec une moyenne dépassant seize sur vingt, ce qui est très inhabituel pour cette section), il devait donc être reçu par le président de la République en tant que lauréat et recevoir de ses mains le prix présidentiel. En raison de son parcours politique et malgré son jeune âge, Zied a été privé du prix présidentiel qui a été du coup accordé au second candidat. Il s’inscrira dans un établissement privé, décrochera son bac en 1994, et le voilà rejoignant la faculté des Sciences juridiques de Tunis. Soumis à l’obligation de pointage deux et parfois trois fois par jour dans différents commissariats de police, il parviendra cependant à suivre le maximum de cours possibles et de réussir brillamment ses études, complétées ensuite par un diplôme de troisième cycle en droit privé. Le soir et le week-end, il suivait des cours d’économie et de finance à l’Institut des hautes études commerciales... Durant cette période, ses contacts avec les militants islamistes étaient limités, la plupart des dirigeants étaient alors qui en prison, qui en exil, mais les liens n’étaient pas rompus.
Paris lui ouvre la voie
Profitant d’une brèche d’apaisement ouverte par Ben Ali à la veille d’une visite en Europe, Zied Ladhari obtiendra son passeport en décembre 2000 et partira immédiatement poursuivre ses études à Paris, où il compte des parents pouvant l’accueillir. A la Sorbonne, il obtiendra un diplôme de troisième cycle axé sur le droit international et comparé et le droit des pays arabes et un second en droit bancaire et financier. Il suivra également les cours de l’Ecole de formation des avocats près la Cour d’appel de Paris et en obtiendra le certificat d’aptitude à la profession d’avocat. Bref, contrat rempli et le voilà, d’une part, inscrit au Barreau de Tunis en 2001 et, d’autre part, rejoindre de grands cabinets internationaux à Paris. Passionné par les questions politiques et internationales, Zied Ladhari poursuit en parallèle des études de sciences politiques et de relations internationales à l’Institut d’études politiques de Paris.
Zied Ladhari fera une brillante carrière d’avocat d’affaires, participant à des missions de conseil auprès de nombre de pays africains et d’organisations internationales, mais en parallèle, il s’engage à fond dans l’action associative. «Je n’étais pas dans les instances d’Ennahdha, ni en Tunisie, ni en France, mais dans les associations», dit-il à Leaders. On le retrouvera parmi les fondateurs de la section de la Ligue des droits de l’Homme à la Sorbonne, actif au sein de Transparency International, assidu dans les travaux de nombre de think-tanks, multipliant les voyages d’études en Amérique Latine et du Nord et dans les pays arabes.
Redémarrage à partir de Msaken
La révolution le ramènera en Tunisie, plus précisément à Msaken, où il retrouve, en plus de sa famille, ses amis de longue date investis comme lui dans l’activisme politique. Ce sont eux d’ailleurs qui le porteront sur la liste candidate à l’ANC. Zied poursuivra son ascension au sein d’Ennahdha, jusqu’à en devenir le porte-parole. «C’est une surprise pour moi, confie-t-il à Leaders. Je ne m’y attendais pas. J’ai compris que cheikh Rached, qui appréciait mes apparitions médiatiques, cherchait quelqu’un pour porter une parole officielle. Dans mes nouvelles fonctions, j’assiste aux réunions du bureau exécutif ainsi qu’à celles du comité des négociations chargé de suivre le dialogue national qui se tiennent 4 à 5 fois par semaine, commencent tôt et peuvent durer des heures. Je m’imprègne de la problématique et j’assimile les discussions. Parfois je consulte certains dirigeants, mais la plupart du temps, j’essaye de définir directement l’axe de communication». Zied Ladhari reconnaît avoir traversé des moments difficiles, surtout lors des négociations dans le cadre du Dialogue national, plus précisément les derniers jours. «Les négociations étaient longues et épuisantes, dit-il, se poursuivant parfois jusqu’à 4 heures du matin et il fallait trancher sur place et prendre des décisions qui engagent Ennahdha. Ce n’était pas facile et il ne fallait pas se tromper».
Modéré…
Quand on lui demande de se définir au sein d’Ennahdha et de dessiner la trajectoire future de son parti, Zied Ladhari répondait, déjà en 2013, sans hésitation. «De nature, je suis modéré. J’exprime mes convictions et je les défends. J’estime qu’Ennahdha est appelé à être à l’avenir le parti où un grand nombre de Tunisiens pourront se reconnaître, pour y parvenir, un travail d’ouverture est forcément nécessaire, notamment auprès des plus jeunes. Le défi est de présenter un projet rassembleur pour les Tunisiens et de casser cette image stéréotypée qui a été largement entretenue par l’ancien régime qui présentait Ennahdha comme un parti sectaire, minoritaire. Alors qu’il s’agit d’un vaste mouvement rassemblant des personnalités diverses, des courants, des parcours particuliers. Certains ont gardé les idées d’origine, sans intégrer les évolutions au sein du mouvement et dans le pays. Mais, dans l’ensemble, c’est un mouvement qui s’inscrit dans l’avenir».
Zied Ladhari garde un profil modeste, se tenant à l’écart des courants, n’affichant aucune ambition. Pour lui, la période d’apprentissage est encore longue et il doit enrichir davantage son expérience. Mais, dans son intime conviction, il fera un jour partie de la génération de relève au sein d’Ennahdha. Ghannouchi mise en effet beaucoup sur des quadras modernistes, compétents dans leur domaine et ouverts, à même de confirmer le nouvel ancrage centriste du mouvement.
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