Opinions - 07.11.2012

Engageons un débat avec les salafistes

L’émission télévisée d’Ettounsia du lundi  5 novembre 2012, a été pour moi une première dans la mesure où elle a mis, face à face, sur le même plateau, trois tendances salafistes avec des personnalités politiques qui ne partagent pas leurs convictions religieuses.

Chacun a défendu son carré et le téléspectateur a pu découvrir les divergences, parfois profondes, qui les opposent.

J’ai été agréablement surpris, malgré les contradictions que j’ai pu relever, d’entendre le jeune imam salafiste jihadiste  défendre ce qu’il estime être juste et vrai. J’ai suivi les réponses des divers intervenants.
Mais,ce qui m’a surpris, c’est que ni le présentateur del’émission, le dynamique Ben Gharbia , ni les personnalités présentes, n’ont tenté de saisir la perche tendue par le jeune salafiste jihadiste.

En effet, Il avait lancé un défi aux parties présentes de réaliser une confrontation idéologique sur un plateau de télévision entre les idéologues  salafistes jihadistes et ceux qui ne partagent pas leurs opinions et leurs pratiques.

En invitant ce jeune Imam salafistejihadiste, Ettounnsia a  réalisé, certes, un scoop, mais, à mon humble point de vue, elle n’est pas aller au fond des choses.

Oui,nous vivons une fracture sur le plan religieux au point  que certains de nos concitoyens  musulmans et pratiquants ont changé, plus d’une fois de mosquée, pour trouver l’Imam qui correspond à leurs convictions religieuses. Bien  d’autres ont pris la décision de fuir, à leurs cœurs défendant, les mosquées.
 Voilà une religion  qui  loin d’unir les musulmans, les divisent de plus en plus profondément à la grande joie des ennemis de l’Islam.

On vous met face à des tenues vestimentaires, des pratiques religieuses et un discours auxquels vos aïeux n’ont pas été habitués et à l’égard desquels vous êtes amenés, selon votre bagage intellectuel, à prendre position.
Le plus grave est que les plus jeunes seraient beaucoup moins outillés pour décider, d’où l’extension, à vue d’œil, du phénomène salafiste dans notre pays. La rencontre de Kairouan est frappante. Je dis simplement qu’il y a lieu de saisir la perche tendue par le jeune Imam salafiste jihadiste pour  provoquer cette confrontation d’idées entre les « savants » des diverses tendances à l’effet d’évacuer de l’esprit des jeunes et des moins jeunes, preuves à l’appui,  des « vérités » qui ne le sont pas.

A défaut d’une télévision spécialisée dans ces confrontations d’idées, les chaines en place, dans l’intérêt du pays, pourraient organiser ces débats.Le risque de réaliser une propagande inattendue et à peu de frais en faveur du phénomène salafiste jihadiste ne devra pas freiner notre élan, car la vérité finira par éclater.
 L’essentiel est que ces débats idéologiques soient réalisés dans une langue accessible au spectateur, qu’ils soient dirigés par des mains expertes  et  que les élites versées dans ce que nous appelons l’Islam que nous pratiquons en Tunisie, unificateur, tolérant et ouvert sur le monde, acceptent cette confrontation d’idées. Aujourd’hui les écrits de nos penseurs sont certainement importants mais il me semble davantage important et urgent que leur contenu soit rendu accessible à tous, à grande échelle, car le temps travaille contre  nous.
Ce péril gangrène notre société au point que dans une même famille il n’a plus d’unité religieuse. Ce périlmenace les fondements de notre société et l’avenir de notre démocratie trébuchante et retarde notre développement économique.

Mokhtar El Khlifi