Opinions - 03.10.2012

Ras le bol

Le grave incident survenu à si Brahim Kassas,  à Kélibia, m’a poussé à réagir contre le Pouvoir en place, car plus d’un citoyen, y compris certains que je connais et qui ont voté pour la « Troika » ont, vraiment, ras le bol. Bien évidemment, ils ne comptent pas voter, à nouveau, pour ce trio qui a conduit le pays dans une impasse politique et économique. Ils sont plutôt prêts à voter « NidaaTounes » ou pour un regroupement autre que la « Troika ».

Aujourd’hui, nulle personne de sensé, ne peut accepter que des adhérents à un parti, concurrent de la « Troika », puissent être empêchés de participer à une réunion. Pire encore, les forces de sécurité laissent faire et refusent d’intervenir pour protéger Si Brahim qui s’est exposé à la presse avec sa chemise déchirée et son genou sanguinolent. Les forces de l’ordre n’auraient pas été informées de la tenue de la réunion de NidaaTounes et n’auraient pas reçu d’instructions pour intervenir ! Est-ce sérieux ? On devine ce que sera la prochaine campagne électorale avec une administration entre les mains de la « troika » si aucune mesure n'est prise pour arrêter cette horde de voyous qui veulent faire échouer le processus démocratique. Sous quel ordre obéissent-ils ?

Aujourd’hui, aucune personne sensée ne peut accepter que le Pouvoir fasse taire les voix de journalistes qui font leur métier en relatant  honnêtement les faits. Où sont les voix, sur les ondes radiophoniques, deBoutheina Gouia, Walid Tlili, Khalthoum Saidi, Ezzedine ben Mahmoud et bientôt celle de Yousr el Harzi et j’en passe ? Ils auraient été appelés au back office et éloignés du public. A sa dernière émission, j’ai entendu Walid Tlili faire ses adieux à son public la voix étouffée par l’émotion ! Ce n’est pas le seul exemple où le pouvoir montre sa volonté de museler les médias. Je n’ai jamais cru, qu’après la « révolution » on fasse taire la voix et la plume de journalistes. Je pensais que c’était révolu.

Aujourd’hui,   aucune personne sensée ne peut accepter que la presse, l’opposition, les intellectuels ne fassent pas part de leur opinion sur l’action du Pouvoir en place à tous les niveaux,  en vue de le corriger, sans s’attirer ses critiques.

Aujourd’hui, aucune personne sensée ne peut accepter que la commission indépendante de préparation et de supervision des élections n’ait pas encore commencé à actualiser les listes électorales, que le code électoral n’ait pas encore été rédigé, que l’indépendance de la justice n’ait pas encore été reconnue par un texte de loi et que les textes d’application régissant les médias n’ait pas encore été préparé.

Aujourd’hui,  aucune personne sensée ne peut pas ne pas reconnaitre que nous avons perdu trop de temps à discuter du règlement intérieur de l’ANC,de l’article Un de la Constitution, des droits de la femme. L’ANC peine encore à définir le régime politique (présidentiel ou parlementaire aménagés malgré le va et vient des experts) alors que le bon sens et la volonté de gagner du temps pour respecter la date butoir du 23 octobre, auraient dû inciter l’ANC à travailler sur la base d’un texte préparé par les experts. Quand cette constitution sera-t-elle enfin préparée ?

Aujourd’hui,  aucune personne sensée ne peut  ne pas reconnaitre, qu’indépendamment du bien-fondé, des arguments juridiques justifiant la perte ou non de la légitimité électorale après le 23 octobre, la non réalisation des trois points précités, justifient largement à eux seuls, que le pouvoir a failli à la mission principale que le peuple lui a confié et que ce dernier est en droit de remettre en cause le mandat qui lui a été confié lequel ne peut se poursuivre indéfiniment.

Aujourd’hui,  aucune personne sensée ne peut accepter que la torture soit pratiquée encore  dans notre pays, comme l’a affirmé avec un luxe de détails, la militante des droits de l’homme Madame Nasraoui, dans une émission sur Ettounsia le lundi, premier octobre ! Devrions-nous nous taire pour ne pas faire ombrage au pouvoir quel qu’il soit ?

A leur place je recenserai les critiques d’où qu’elles viennent,  y répondrai et en tiendrai compte, s’il le faut,  pour corriger ma trajectoire. C’est l’apprentissage de la démocratie. Refuser cette démarche saine, surtout si on est à la tête d’Institutions qui se respectent, c’est adopter un réflexe d’autruche. C’est peut-être aussi une volonté de se placer au-dessus de tous, par orgueil, suffisance ou ignorance et perdre l’occasion de rapprocher les Tunisiens de leur gouvernement censé être celui de tous et non d’une fraction de la société et en qui ils ont fait confiance au départ, mais, hélas, ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Pour ces diverses raisons et j’ai, certainement, omis d’autres, je dis que plus d’un en a assez.

Oui, aujourd’hui tout doit être remis sur le tapis et discuté par l’ensemble des forces politiques, sans exclusive, sous l’égide de l’UGTT. Le timing pour achever le processus électoral dans toutes ses composantes y compris la neutralité de l’Administration, le rétablissement du règne de la Loi, la définition des  grandes lignes de notre programme économique et des priorités les plus urgentes de façon à clarifier l’horizon pour l’investisseur pour qu’il reprenne confiance et investisse dans le pays doivent être discutés franchement et sérieusement.
La feuille de route qui fera suite à cette rencontre contribuera à ramener  la confiance et la Paix sociale en redonnant de l’espoir à des concitoyens qui l’ont perdu et n’ont plus rien d’autre à perdre. C’est la tentative de la dernière chance.

Mokhtar El Khlifi