Opinions - 04.09.2012

Bizerte — Paris — Tombouctou

L'agression à Bizerte d'un élu français d'origine tunisienne par un groupe de salafistes a mis en émoi la classe politique française toutes tendances confondues et "délivré"  les commentateurs politiques "d'un coupable assoupissement". C'est le cas du talentueux  directeur de "L'Express", Christophe Barbier dont l'éditorial sonne comme une mise en garde : "Le choc des civilisations est comme toutes les guerres: Pour l’éviter, il faut s'y préparer" :

Trois petits tours et puis s’en va: le passage à tabac de Jamel Gharbi par les salafistes, à Bizerte, en Tunisie, n’aura été qu’un fait divers d’été, vite balayé par la déchéance d’Armstrong (Lance) et la mort d’Armstrong (Neil).
Encore la victime a-t-elle pu témoigner, fugacement, sur les antennes, en profitant dans son infortune de sa quadruple chance.

- Chance d’être un français: les autochtones souffrent tous les jours des exactions salafistes, sans que l’encre des journaux ne bouillonne.
- Chance d’être un français élu: un touriste lamda n’aurait sans doute pas vu l’état se mobiliser ainsi, et l’émoi devenir un quasi-incident diplomatique.
- Chance d’être un élu socialiste: un homme de droite aurait été suspect d’exagérer l’affaire à des fins politiques.
- Chance d’être un français élu socialiste issu de l’immigration, originaire du pays où il fut agressé: cette mise en abyme a donné à l’épisode un puissant écho.
Puisse ce drame qui aurait pu virer à la tragédie, nous tirer d’un coupable assoupissement. Nous avons laissé la Tunisie et les autres pays concernés dans les joies doucereuses du printemps arabe, notre réveil les trouve en proie aux mandibules islamiques. Où les dictateurs ont chu en 2011, l’intégrisme, a partout crû en 2012. Il ne faut pas s’étonner ni se résigner.

Ce n’est pas une surprise, car on ne passe pas de la fête à la fédération Thermidor sans frôler ou arpenter la case Terreur. De plus, l’hydre islamiste, aux tentacules enterrés, était une force invisible mais organisée, quand on la pensait impuissante, éradiquée.

Mais l’islamisme n’est pas une fatalité, pourvu qu’il soit combattu sans relâche. La France doit prendre sa part dans cette lutte, en commençant par le seul territoire qu’elle contrôle: le sien.
La loi sur le voile islamique est appliquée avec mollesse, et les révélation sur le parcours de Mohamed Merah prouvent que la mobilisation n’est pas toujours à la hauteur du risque. Quant à la diplomatie, elle confond souvent la patience et la faiblesse. Impossible de donner des leçons de vigilance en étant munichois.
Notre pays doit aussi en permanence exhorter à la fermeté les nouveaux gouvernements en place. Composer avec les intégristes plutôt que les combattre, c’est préparer leur avènement; tolérer aujourd’hui au sein du pouvoir, les plus modérés, c’est une chance de retrouver aux commandes, demai, les plus radicaux.
Entre le baiser qui tue et l’accolade suicide, la différence est parfois mince…

Néanmoins, il n’est pas de remède universel contre l’islamisme, et on ne s’oppose pas de la même manière à une puissance en quête de l’arme nucléaire — l’Iran — et à un autre qui la possède déjà — le Pakistan. De même, on ne combat pas avec les mêmes armes le salafisme des villes — au Maghreb — et le terrorisme du désert — au Nord Mali.

C’est ce dernier front qui est aujourd’hui la plus grande menace est déjà une urgence.
Alerter l’Afrique entière, amorcer la machine Onusienne, associer les Etats-Unis pour qu’ils soient engagés, quelque soit leur prochain président, ne renoncer à priori à rien, pas même à l’envoi de forces…
La France doit être à l’origine d’une vaste mobilisation, ou elle sera en tête des victimes de cet islamo-terrorisme d’un nouveau type.

Le choc des civilisations est comme toutes les guerres: Pour l’éviter, il faut s'y préparer.

Christophe Barbier

L'Express, 29 août 2012