News - 09.08.2012

Ghannouchi – Mourou : le duo en parfaite synergie

Leur duo vieux de 43 ans, né en 1963 avec le lancement du premier noyau de ce qui sera aujourd’hui Ennahdha, reprend du service. Et de plus belle maintenant que Abdelfettah Mourou a été réintégré en grande pompe lors du dernier congrès. Comme l'atteste l'Iftar offert par le parti islamiste à Gammarth à plus de 1000 convives, corps diplomatique en tête.

C'est Ghannouchi qui donne le ton en saluant parmi les invités qu’il énumère par corps, « le grand martyr », avant d'ajouter « ...vivant , Abdelfattah Mourou». Il condamne fermement l’agression dont il a été victime, reprenant le slogan : « Nous sommes tous Abdelfattah Mourou». Quant aux agresseurs, sans les nommer, il leur souhaite de revenir de leurs errements et de retrouver le droit chemin, puis se lance alors sur le thème de la tolérance. Le premier message est là. Destiné à la fois aux Tunisiens mais aussi aux diplomates présents, il est érigé en axe central du discours du chef d’Ennahdha en ces temps particulièrement tendus.

Ghannouchi s'emploie ensuite à démystifier ce qu’il qualifie de « fausses batailles » du moment. D’abord, «la complémentarité entre hommes et femmes» présentée comme une régression des droits de la femme. Il s’échinera, deuxième message, alors à réfuter cette allégation avec force citations coraniques et  rappels des positions de son parti, avant d’affirmer que « les droits acquis ne sont guère remis en question, bien au contraire, consolidés ». Avant de conclure, troisième message, sur l’attachement à la concorde et au consensus (Tawafak), érigés en principe de base de la bonne  gouvernance, et la nécessité de renforcer la complémentarité entre l’effort du gouvernement et celui de l’ensemble des forces du pays. Sans oublier de souligner la nécessité de faire progresser la lutte contre les malversations et la corruption. Le relais est alors passé à Abdelfettah Mourou.

Pansement sur le front, en relique, il entame avec son bagout habituel très apprécié par l’assistance, une envolée lyrique, d’abord sur un ton humoristique, puis switchant sur des messages plus musclés. «J’ai eu peur, commence-t-il par dire, en écoutant mon cher jumeau, Rached parler de moi en martyr et  me suis demandé : suis-je encore vivant parmi vous, question légitime que je me pose après tout ce qui se passe actuellement ! En tout cas, si je devais mourir en martyr, je voudrais bien que Cheikh Rached  me tienne compagnie». On est déjà au dessert, le thé vert à la menthe est servi. L’assistance se délecte. Mourou se lâche et s’adresse particulièrement aux représentants diplomatiques présents. Avec enthousiasme et  conviction, il reprend le thème de la tolérance, réitère l’attachement au Tawafek et fonce directement sur la modération, voire la modernité, le progrès, l’essor. L’atterrissage pour la conclusion, il le consacre aux mains tendues : la première à tous les Tunisiens et la seconde à tous les frères et amis de par le monde, sans que cela soit, et c’est le message aux diplomates, une demande d’aumône ou un signe d’allégeance. Deux discours qui se complètent. Le duo a bien fonctionné, comme aux premiers temps.

Sous la grande tente climatisée de ce prestigieux cinq étoiles de Gammarth, comme sur la terrasse adjacente où les férus d’air frais et de vue sur la baie, l’ambiance était conviviale. Les officiels (diplomates ainsi que certains membres du gouvernement de la coalition, avec Hamadi Jebali en tête), dirigeants de partis de l’opposition, mais aussi personnalités indépendantes, chefs d’entreprise, gens de lettres, des arts et du spectacle, journalistes et chercheurs étaient ravis de partager ces agapes ramadanesques entre eux et avec des dirigeants d’Ennahdha.

Passer en revue les convives non officiels reconstitue la nouvelle cartographie des amis significatifs du parti dominant. A la sortie, un cadeau-surprise attend les invités : un recueil des déclarations historiques d’Ennahdha lors de chacun de ses anniversaires, la déclaration finale de son dernier congrès et un livret sur sa lecture des grands préceptes de l’Islam. Aux nourritures terrestres s’ajoutent alors celles plus intellectuelles. En pole position sur l’échiquier politique, Ennahdha est maintenant bien rôdée dans ce genre d’exercice.