Opinions - 21.07.2012

18 Juillet 2012 : Une date historique

Comme sa définition l’indique la démocratie est le régime politique dans lequel  le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple sans qu'il y ait de distinctions dues à la naissance, la richesse, la compétence. En règle générale, les démocraties sont indirectes ou représentatives, le pouvoir s'exerçant par l'intermédiaire de représentants désignés lors d'élections au suffrage universel.
 
En ce 18 juillet 2012 au moment où M. Moncef Marzouki, Président provisoire de la République Tunisienne, cherchait à asseoir sa  légitimité auprès  de l’Assemblée Nationale Française, en Tunisie nous assistions en direct au sein de notre Assemblée Nationale Constituante à une pratique authentique de la démocratie. En effet, après de multiples tergiversations sur le limogeage ou le maintien du Gouverneur de la Banque Centrale à son poste, la décisions a enfin été soumis au vote des élus du peuple. Une journée historique pour nous Tunisiens qui pour la première fois avions notre mot à dire à travers nos élus.
 
Le Gouverneur de la Banque Centrale, Mustapha Kamel  Nabli, qui,  de par ses compétences jouit d’une stature internationale indiscutable, a fait un discours magistral qui fera date dans les annales de l’histoire de notre démocratie naissante.  Il a d’abord éclairé l’auditoire sur le contexte et les procédés parfois indignes utilisés pour son limogeage, comme par exemple l’utilisation de Facebook  par la Présidence de la République pour l’annoncer. Puis, il s’est courageusement et professionnellement  soumis aux règles démocratiques afin de s’expliquer et  défendre  son bilan des accusations et des critiques qui lui ont été adressées pour justifier son limogeage. Enfin, il a appelé,  au respect des institutions et l’obligation de l’indépendance de la Banque Centrale, rappelant aux députés qu’au delà des intérêts de leurs partis, leur vote devait essentiellement servir à  l’instauration de la démocratie en Tunisie.
 
Une stature de financier international. Par son discours à ce moment de notre Histoire, l’homme a subitement acquis la stature d’un Homme d’Etat.
 
Seulement en démocratie, et comme nous l’avons défini plus haut, les élus du peuple n’ont pas tous la même capacité et les mêmes compétences pour réagir  de manière homogène avec ce type de discours. Un discours  qui ne répond pas aux critères sur lesquels se construisent en général les discours démagogiques et  populistes d’une majorité qui n’a toujours connu que la dictature et ses mesquineries. Or après une révolution, ce sont généralement les classes populaires qui se retrouvent majoritaires au pouvoir. 

 
Ainsi la majorité des élus de notre Assemblée post-révolutionnaire, a finalement opté pour démettre le Gouverneur de la Banque Centrale de ses fonctions. Indépendance des institutions et compétence n’ont semblé être que des notions abstraites et handicapantes pour cette majorité plus concernée par l’exercice pratique d’un pouvoir nouvellement acquis. Une majorité qui n’avait connu par le passé que les abus de ses prédécesseurs et qui a aujourd’hui  du mal à accepter les critiques qui lui sont faites alors qu’elle détient pour une fois une vraie légitimité populaire sensée tout lui permettre.
 
Toutefois et en bons démocrates, nous ne pouvons que nous incliner devant la volonté des élus du peuple et accepter leur verdict même si nous ne le cautionnons pas. En effet, ce n’est qu’à travers sa propre expérience et ses propres erreurs que le peuple tunisien apprendra à bien choisir ses élus et à définir les meilleurs critères de choix pour servir ses intérêts et les intérêts des générations futures de la manière la plus efficiente et la plus durable.
 
Si demain le cours du Dinar s'effondre,  que le prix du pain flambe, le Tunisien fera obligatoirement  par lui-même le lien entre son pouvoir d’achat et les mauvais critères sur lesquels il a basé son choix électoral. Malheureusement, nous apprenons bien mieux par les erreurs que par les réussites.
 
Ceci dit, s’il est impossible à tout un chacun d’avoir les compétences de M. Mustapha Kamel Nabli, il sera  par contre bien plus facile à l’avenir  au commun des Tunisiens de  distinguer le bon grain de l'ivraie, d’autant qu’ils auront fatalement l’occasion un jour de comparer le  bilan de Monsieur Nabli avec celui de son successeur.
 
A travers cet exemple, il est nécessaire de rappeler pourquoi il a été fondamental de passer par l’éducation avant d’évoluer vers la démocratie. Malgré cela, il va falloir attendre qu’une maturité politique et qu’une culture démocratique s’enracinent dans la pensée du Tunisien afin de pouvoir évoluer « tous ensemble » dans la bonne direction. Tirer un peuple malgré lui vers le haut ne peut fonctionner qu’un temps, et le tirer vers le bas pour éviter les turbulences sociales, a bien démontré ses limites.
 
La Tunisie a bel et bien commencé sa marche vers son propre destin et désormais Mustapha Kamel Nabli y a mis son  empreinte. Souhaitons lui d’autres rendez- vous encore plus mémorables avec l'Histoire de son pays.
 
 
Neila Charchour Hachicha