Opinions - 18.07.2012

Nous n' avons pas les mêmes opinions politiques, mais nous partageons tous le même amour pour notre pays!

Il est temps de cesser de confondre opposants politiques et ennemis, rumeurs et actualités, militantisme et attaques personnelles pour pouvoir débattre de façon constructive.

Je vois tant d'énergie consacrée à dénoncer, parfois de façon irrationnelle, l'actuelle majorité alors qu'elle pourrait être utile à l'élaboration d' une plateforme de propositions que nous, opposition développerions une fois les élections gagnées.

Cessons de diaboliser un parti qui, pour être islamiste, n'en est pas moins légitimé par les urnes. On ne peut se prétendre démocrate si finalement nous ne sommes d'accord entre nous et ne reconnaissons les principes démocratiques qu'à la condition qu'ils servent notre camp. Plutôt que d'unir et construire, certains, dont la connaissance de la situation s'arrête à de fausses nouvelles pêchées sur internet tentent de convaincre nos compatriotes que nous sommes dans une Tunisie irakisée ou afghanisée!

Le souci majeur dans notre pays, c'est la misère qui se développe. et c'est elle qui devrait nous préoccuper le plus.

Malheureusement on ne peut, en Tunisie, relativiser la politique d'Ennahdha sans se voir accuser d'être un soutien de l'islamisme. Ce qui est mon cas, puisqu’à chaque fois que j'ai voulu appeler à plus de raison j'ai été taxé de soutien nahdaoui. En tant que député mon rôle est de rédiger une Constitution qui garantisse les libertés de tous et l'égalité pour tous. En tant que patriote, mon engagement est de ne jamais laisser une force d'où qu'elle vienne ralentir la marche démocratique et le développement économique de notre chère Tunisie. Pour être clair, Ennahdha ne sera plus mon adversaire politique mais mon ennemi le jour où elle portera atteinte à notre liberté et à notre démocratie.

Nous avons des islamistes au gouvernement et au parlement et s'ils y sont c'est parce qu'une majorité de voix exprimée s'est reportée sur eux. Si nous voulons changer les choses, nous devons travailler sur les voix non exprimées et les convaincre. dans tous les cas nous devons respecter les choix électoraux présents et à venir "le peuple aura toujours le dernier mot".

Nous n'avons et n'aurons ni charia dans la Constitution, ni police religieuse pour justifier la diabolisation de nos opposants. Tout cela devient à ce point irrationnel qu'il y a quelques jours j'assistais à un échange sur Facebook ou un des protagonistes prétendait que la commercialisation d'un générique du viagra était un cadeau d'Ennahda à ses électeurs! On finit par tout nahdaouiser pour le plus grand mal du débat démocratique.

Mes occupations professionnelles font que je me rends souvent en Turquie. Je me souviens de la première victoire des islamistes en 2002 et je retrouve dans les mots de certains amis turcs les mêmes exagérations, procès d'intention et craintes de lendemains qui déchantent. Pourtant, l’expérience turque a démontré deux choses:

-Que les islamistes ont pu réconcilier démocratie, modernisme et Islam.
-Que les gens qui n'ont fait que diaboliser l'AKP ont perdu de leur électorat parce que le peuple constatait un renforcement de la démocratie, un recul de l'autorité militaire et une évolution économique.

Si chacun pense que son camp détient la vérité absolue et qu'il est plus à même de protéger les valeurs tunisiennes et construire la Tunisie de demain, qu'il consacre son temps et son énergie à convaincre plutôt qu'à dénoncer.

 

Mahmoud El May
Membre de l’Assemblée nationale constituante