Hommage à Mahmoud Maamouri
Mahmoud Maamouri nous a quittés il y a quarante jours après avoir lutté en vain, mais dans la sérénité et avec le soutien constant de sa famille, contre une trop longue et éprouvante maladie.
Son intérêt de la chose publique qui s’est manifesté très tôt par son engagement dans le mouvement de Libération Nationale puis par son élection à la Première Assemblée Nationale et son désir de participer encore plus activement au développement de son pays le poussent à accepter la carrière diplomatique qu’on lui propose en 1962.
Ambassadeur durant vingt cinq ans, il réussit pleinement dans ses fonctions. Pour preuve, l’excellent souvenir qu’il laisse jusqu’à présent en Algérie et la réussite des missions diplomatiques importantes dont il est chargé auprès de la CNUCED, de l’ONUDI et de l’OUA., en sa qualité de chef de la délégation tunisienne.
Nous avons découvert, à l’occasion du congrès de chirurgie de mai 2005, ses talents de conteur et de conférencier quand il fit l’exposé de la philosophie d’Averroès, avec ses deux ordres de vérité, la raison et la croyance. Véritable plaidoyer en faveur d’une réforme rationalisante de la pensée islamique à laquelle l’auditoire adhéra pleinement.
« Averroès dont la pensée et les commentaires des philosophes grecs et du corpus aristotélicien en particulier ne sont pas étrangers à la renaissance européenne, n’a-t-il pas légitimé, en religion, le recours à la philosophie, à la raison et à la logique ? En fait, et c’est là le véritable miracle de cette époque, des penseurs musulmans, qui n’ont rien renié de leur foi, bien au contraire, ont fait assister le monde médiéval à la genèse d’un événement capital pour le monde des idées : l’existence en droit du philosophe et du savant dans la cité musulmane et la définition de la philosophie et de la logique comme possibilité d’un discours humain qui ne puiserait sa vérité qu’en lui-même et non dans la révélation ».
J’ai eu l’honneur de présenter lors du congrès de Chirurgie de mai 2007 à Nabeul Mahmoud Maamouri qui allait nous gratifier d’une conférence magistrale intitulée Orient-Occident, les défis d’une synthèse. L’Occident et l’Orient. Deux mondes plus souvent antagonistes que partenaires qui se sont souvent combattus. Un antagonisme marqué par l’arrogance de l’Occident.
« Les races supérieures ont un devoir vis-à-vis des races inférieures […]. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » C’est ainsi que Jules Ferry s’exprimait, lui qui avait rendu l’enseignement public gratuit, laïc et obligatoire pour justifier l’intervention militaire. Propos dénoncés comme une faute politique grave par le nouveau Président de la République Française François Hollande.
En fait, l’un des inventeurs de cette théorie de la mission civilisatrice de l’Occident qui constituera l’habillage de l’œuvre coloniale de l’Europe au XIXe siècle n’est autre que le Napoléon Bonaparte de l’expédition en Égypte.
A l’issue de cette conférence, il m’a demandé d’en faire une synthèse qui a reçu son aval pour être publiée.
Je vous la confie, elle est en effet d’un intérêt présent et le reflet de la culture d’historien de notre ami disparu.
Tout au long de sa carrière il a manifesté ses talents d’écrivain. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage sur l’expérience chinoise, Vent d’Est, ainsi que de plusieurs essais traitant de sujets politiques, économiques et sociaux.
Je dédie cet hommage d’amitié aux proches de Mahmoud Maamouri, à ses enfants et à son épouse Sarra qui a été toujours présente à ses côtés au cours de cette riche carrière et qui a su lui transmettre son goût et ses dons pour la peinture, la céramique er les arts plastiques.
Saadeddine Zmerli