Blogs - 07.05.2012

C'était il y a 31 ans...Comment le JT tunisien avait couvert l'élection de Mitterrand

Le journal télévisé de 20 heures, ce dimanche a fait son ouverture sur les élections présidentielles françaises, malgré une actualité nationale très fournie. Cela peut paraître normal, aujourd'hui. C’était l’évènement de la journée. Pourtant, en d’autres temps, l’information aurait été reléguée en fin de journal, bien après les moindres faits et gestes du président. Cela me projette trente un ans en arrière, lors de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la république française en 1981.

Cette victoire avait eu un retentissement énorme dans le monde pour deux raisons : d’abord, c’était la première victoire d’un socialiste après deux tentatives infructueuses en 1965, face à de Gaulle et en 1974, devant Valéry Giscard d’Estaing. La deuxième, parce que Mitterrand s’était allié aux communistes et leur avait promis quelques maroquins dans le gouvernement, contre l’avis des Etats Unis. Il faut se mettre dans le contexte de l’époque pour saisir la gravité  de cette décision. Il était inconcevable que des communistes fassent partie d’un gouvernement occidental. C’était courir le risque d’introduire le loup dans la bergerie (il ne faut pas oublier que l’URSS existait encore et rien ne laissait prévoir son implosion quelques années plus tard. Les communistes français étaient alors considérés comme la cinquième colonne des soviétiques). On parlait de l'oeil de Moscou. La panique était telle qu’on avait assisté à une fuite de capitaux  vers la Suisse d'une ampleur sans précédent. Tout donc militait  en faveur d’un bouleversement de la hiérarchie traditionnelle des informations.

Les autorités de l’époque, conscientes de l’importance de l’évènement, avaient accepté de déroger à cette loi d’airain du journal qui voulait que le journal devait commencer par les activités présidentielles, à une seule condition : que le vainqueur de ces élections soit Giscard d’Estaing. Mais en cas de défaite, il fallait tout simplement occulter l’information. La raison : Bourguiba n'appréciait pas particulièrement les socialistes et  encore moins leurs alliés communistes.C’est Mitterrand qui sera finalement  élu. Prenant son courage à deux mains, le responsable du journal décida quand même d’ouvrir sur cette information. La réaction ne s’est pas fait attendre : le rédacteur en chef sera limogé séance tenante. Il aura droit à un petit bureau où il se morfondra pendant quelques années, Sous Ben Ali, cela aurait pu être pire.Voilà, en tout cas, un exemple de ce qu’il en coûtait,  il y a trois décennies, à un journaliste de faire son métier convenablement  et de s'opposer au fait du prince(1).

Hédi

(1) Je vous rassure tout de suite. Le rédacteur en chef en question n'est pas l'auteur de ces lignes.