News - 11.03.2012

Deux heures de tête-à-tête: ce que se sont dit Ghannouchi et Abbassi

Que contenait l’enveloppe que Hassine Abbassi avait remise à Rached Ghannouchi ? Un petit cadeau que le secrétaire général de l’UGTT avait soigneusement choisi pour son hôte: une photo-souvenir prise dans les années 80 et montrant le leader d’Ennahdha et des membres de son mouvement, ne trouvant alors autre refuge que le siège de l’UGTT, place Mohamed Ali. Un clin d’œil pour la lutte commune et le soutien que la centrale syndicale a toujours apporté aux militants contre la dictature. Il faut dire qu’en prenant l’initiative de se rendre, samedi matin, au siège de l’UGTT à la rencontre de son secrétaire général, Ghannouchi voulait tourner la page  du malentendu surgi entre les deux parties et renouer le fil du dialogue. La tension était en effet montée à son comble avec la multiplication des agressions contre les locaux de la centrale ouvrière, le blocage de la signature des accords sociaux en faveur des employés municipaux et les greffiers des tribunaux, les escalades verbales lors des réunions entre l’UGTT et le gouvernement, quand il ne s’agissait pas d’accusations directes et d’attaques frontales sur les réseaux sociaux. 

«Farouchement attachée à son indépendance, explique un syndicaliste à Leaders, en évitant tout alignement politique et refusant la confrontation avec le gouvernement, la nouvelle équipe élue à Tabarka, s’est employée à retenir ses troupes et garder une attitude à la fois calme et ferme. Calme, pour éviter tout débordement. Ferme, ne cédant en rien sur les principe, mais dans le respect et la courtoisie ». Le travail de déminage entrepris par des figures nationales (Ahmed Ben Salah, Mohamed Ennaceur, Taieb Baccouche, etc.) et relayé par des proches de Jebali (Habib Kchaou et Lotfi Zitoun) a finit par préparer les esprits et favoriser la rencontre Abbassi-Ghannouchi.
 
Les yeux dans les yeux
 
La formule du tête-à-tête, sans la présence des lieutenants des deux, était appropriée pour un entretien les yeux dans les yeux, en toute franchise. En deux heures, par cette matinée glaciale, ces rafales de vent et tombées pluviales sur la place historique Mohamed Ali, les chefs de l’UGTT et d’Ennahda ont du réchauffer les relations, mais certainement se dire beaucoup de vérités. 
 
Pour Abbassi, c'était l’occasion d'évoquer les revendications syndicales demeurées sans suite (augmentations salariales pour les municipaux, les greffiers et d’autres catégories de travailleurs),de revendiquer l’implication de la centrale syndicale dans l’élaboration de la Constitution (un projet complet a été présenté) et appeler à une concertation plus positive de la part du gouvernement. Comme il lui importait de rassurer clairement son interlocuteur du non-alignement de l’UGTT sur un parti ou une formation, gardant précieusement son indépendance et se consacrant totalement à sa mission fondamentale. 
 
« Evidemment, souligne notre source, l’organisation historique, riche d’un parcours militant exceptionnel, et accueillant en son sein, sans distinction, adhérents et militants de toutes obédiences, ne saurait se tenir à l’écart de ce qui se passe dans le pays et se taire lorsque les libertés sont bafouées, les droits menacés et la démocratie compromise. Sur ces registres, elle ne pourra accepter le moindre compromis, défendant un modèle de liberté, de modernité et de démocratie. Une position qu’elle sait exprimer, dans les cadres idoines et de la manière appropriée, loin de toute récupération ou surenchère».
 
Au concret
 
Message bien reçu par Rached Ghannouchi qui, dans une déclaration à la presse a réitéré sa considération personnelle et celle de son mouvement au « rôle historique de l’UGTT et à la place qu’elle occupe, condamnant fermement les agressions subies par ses locaux et partageant les mêmes positions dénonçant la profanation du drapeau national et la violence. Sans dire plus quant à la teneur de ses entretiens, il a multiplié les propos d’apaisement et d’entente, soulignant la convergence d’intérêts et appelant à plus de dialogue et de concertation. 
 
La glace ainsi brisée et la tension désamorcée, les syndicalistes veulent  juger au concret : reprise des négociations, signatures des accords, prise en considération des propositions avancées pour la Constitution et défense des libertés.