Opinions - 08.03.2012

Femmes de Tunisie 2012 : sous le signe de l'ambiguïté

L’identité. ..Tel  est le maître-mot qu’on agite continuellement en ces jours . Un vocabulaire au nom duquel on a «justifié »  bien de dérapages. Mais de quelle identité   parle t-on ? Certes, la Tunisie a pour langue, l’arabe et pour religion l’Islam. L’Islam tel qu’il a été édicté par le Coran et la Sunna est profondément enraciné en terre tunisienne depuis Okba Ibn Nefâa. Il n’en demeure pas moins que la Tunisie a un vécu millénaire. Elle a été berbère, amazyghienne, punique, romaine, arabo-musulmane, africaine et surtout méditerranéenne.

Carrefour des civilisations et mosaïque des cultures, la Tunisie a pour  grande richesse sa diversité. La Tunisie qui a conçu et édifié l’université Ezzitouna puis à l’ère Fatimide l’université El Azhar au Caire, a par ailleurs exporté avec Moussa Ibn Noussaier la civilisation musulmane en Andalousie qui a constitué la source de la Renaissance en Europe et conquis l'Egypte avec Jawher al Siquili.

Pourquoi faudrait-il qu’au nom de notre identité musulmane, on remette, aujourd'hui, en question cette authenticité sociologique spécifiquement tunisienne. La Tunisie de Alissa, d’Al Kahena, de Jazia El Hilalia,de Aziza Othmana et de Bchira Ben Mrad devrait-elle se laisser dicter des comportements et des modes venus d’autres horizons. A coup d’insinuations, de suggestions et préconisations plus fantaisistes les unes que les autres ? Avec pour point d’orgue ce prêcheur surgi un beau jour pour haranguer les Tunisiens et « islamiser » la Tunisie en faisant l'apologie de l'excision des fillettes. Des émules de ces prophètes autoproclamés imbus de diktats ou « ijtihad » de différentes écoles théologiques et leurs imams qui ont essaimé ça et là des siècles après la codification de l’Islam et de la Sunna. Certains ont été jusqu’à déposer à l’Assemblée constituante un projet de loi portant suppression du mariage civil et l’instauration du maazoun dans les quartiers pour officier aux mariages avec pour seul viatique la bonne parole, sans paperasse "inutile".

Sinueuse, la peur pour les acquis de la démocratie et des droits élémentaires qu’elle implique s’installe chez les femmes.

Devraient-elles être les boucs émissaires de la belle et généreuse révolution du 14 janvier qu’elles ont portée à bout de bras aux premiers rangs du combat ?

Acculée par la dure réalité d’une économie exangue, la classe politique désormais aux manettes cultive l’ambiguité entre insinuations, symboles, amalgames et fantasmes débridés.

Pour occulter les vérités déplaisantes, l’anathème est jeté sur les femmes et leur statut issu d’un Islam éclairé tel que préconisé par Tahar Haddad et codifié par Bourguiba. Ainsi que contre les forces démocratiques, toutes tendances confondues, traitées d’hérétiques (koffar).

Les démocrates qui évoquent le respect des libertés sont excommuniés sans autre forme de procès, Et ce avec le silence complice de la direction du pays, de ceux là-même qui avaient promis durant la campagne électorale de ne pas toucher au Code du statut personnel et aux libertés individuelles.

Les femmes ont ainsi l’impression de faire l’objet d’un marché de dupes.

Salma Elloumi Rekik