Blogs - 03.02.2012

Heureusement, il y a le sport et la pluie

«Les grèves, les sit-in, les blocages de routes sont l’oeuvre de parties connues qui cherchent à déstabiliser le pays».

Un air connu dont les gouvernements qui se sont succédé depuis la révolution ont usé et abusé sans pour autant convaincre. Parties connues ? Voire. Quand on demande des noms, on vous jette en pâture, pêle mêle, les contre-révolutionnaires, les extrémistes de droite ou de gauche, les anciens du RCD et, pour faire
bonne mesure, des forces étrangères. Le plus visé parmi les hommes politiques,  Hamma Hammami qui a tout du coupable idéal, même si personne n'a le courage de le citer nommément, car les preuves manquent cruellement. Si Béji  s'y étaient essayé lui aussi quelques semaines après son arrivée à la Kasbah en accusant des groupuscules de gauche d'être les instigateurs des évènements qui avaient éclaté le printemps derniers à Séliana. Mais Hamma Hammami et Chokri Belaïd désignés par la rumeur publique s'en étaient défendus.

Prenant son courage à deux mains, le chef du gouvernement s'est décidé de lâcher devant l’Assemblée nationale constituante un petit indice pour nous aiguiller : « Un ancien responsable syndical qui a repris du service après une longue éclipse » est à l’origine d’une grève à l'usine de câbles de Béja. Quand la politique tourne au jeu des devinettes.

Il est un fait que le gouvernement est aux abois. Installé depuis un mois, Hamadi Jebali est confronté à la dure réalité du pouvoir. La période de l'état de grâce a été exceptionnellement courte. Le taux de croissance est tombé en 2011 à -1,8%( un record historique), les investissements sont en chute libre, le chômage augmente et les pays du Golfe dont on attendait monts et merveilles rechignent à mettre la main à la poche.

Les 365 promesses du programme électoral d’Ennahdha annoncées en grande pompe sont sagement
rangées dans les tiroirs. Sur un ton grave, churchillien même, Hamadi Jebali dresse un tableau très sombre de la situation. Les mouvements sociaux ont coûté 2,5 milliards de dinars. Finies les promesses des lendemains qui chantent, annoncées dans l’euphorie de la victoire électorale du 23 octobre. On peut faire de l’opposition à coups de « y a qu’à… ». L’exercice du pouvoir exige d’autres qualités. Il en appelle au sens des responsabilités des partis, des syndicats, sans grand espoir d'être entendu.  La patrie est en danger. Tout tangue. Car il n'y a pas que l'économie.

On n’a rien dit si on n’a pas évoqué le problème sécuritaire. On peut comprendre que le gouvernement
hésite encore à utiliser la force publique pour débloquer les routes et lever les sit-in. Mais comment interpréter
son louvoiement s’agissant des salafistes qui perturbent les cours à la Manouba et à Sousse depuis plus de
deux mois ? En tout cas, sans sécurité, point d’investissement, ni emploi, donc de normalisation. Les gens
d’Ennahdha le savent pertinemment. Du coup, on pense à un remaniement.

Le microcosme politique bruit de toutes les rumeurs : on songe au choc psychologique. Peut-être qu’en
changeant quelques noms, on va provoquer le sursaut salvateur. On parle de gouvernement d’union nationale.
Mais le PDP, le principal parti d'opposition et son allié Afek démentent : « Nous sommes dans l’opposition et nous y resterons » ? déclarent à l’unisson Maya Jeribi et Yassine Brahim.

Un fin observateur de la vie politique tunisienne commente : «Ce gouvernement a un pêché originel. Il fallait dès
le début opter pour un gouvernement d’union nationale regroupant toutes les forces vives du pays (syndicats,
partis, société civile) et dire tout de suite au peuple ce qui l’attend, à charge pour ces partenaires de calmer
leurs troupes et de les sensibiliser à la gravité de la situation. Au lieu de quoi, le mouvement Ennahdha avait
préféré conclure en catimini, et bien avant les élections, un accord léonin avec deux partis, le CPR et Ettakatol, grâce auxquels, il disposera d'une majorité confortable, à l’insu de leurs bases respectives, dans l’espoir d’en faire de simples faire-valoir. Car c'est lui en tant que parti dominant qui détiendra la réalité du pouvoir. Il n’y a qu’à voir la composition de l’actuel gouvernement pour s’en apercevoir. L’écrasante majorité est constituée d’islamistes ou de crypto-islamistes sans que les deux autres partis de la Troïka aient trouvé à redire.
D’ailleurs, je leur rends hommage pour le nombre de couleuvres qu’ils ont dû avaler depuis leur entrée au
gouvernement. Ennahdha n’avait pas besoin de comparses, ni même de ce que Lénine appelait « les idiots
utiles », mais de véritables partenaires qui ont une réelle assise populaire».

.Il se fait tard. Le président de l’ANC lève la séance. Elle reprendra le lendemain. La plupart des élus s’engouffrent dans leur voiture. Soudain, une clameur s’élève dans le ciel venue de nulle part. Un élu se renseigne auprès d’un membre du service d’ordre, l’air inquiet : « Le match Tunisie-Maroc comptant pour la CAN vient de se terminer par la victoire des nôtres », répond ce dernier. Gavé depuis son entrée à l’ANC, de mauvaises nouvelles, l’élu sourit : « Heureusement, il y a le sport et la pluie », commente-t-il avant de démarrer.


H.B.

 

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1 Commentaire
Les Commentaires
alia - 05-02-2012 12:31

ce sont les marginaux qui ont fait la révolution et c'est les nahdaouis qui ont fait main basse dessus 1m 400 ooo tuniens les ont élu.on ne parle pas des abstentions.marzouki leur sert de vitrine et quand a ben jaafar les défections de son parti se multiplient.quand à la minorité plus qu'agissante les salafistes ils font la pluie et le beau temps.le couffin du tunisien est de plus en plus vide l insécurité obsédante bien sur qu' il fallait un gouvernement d 'union nationale mais comment sortir des idéologies ou des croyances religieuses jusqu'auboutistes?

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