News - 06.12.2011

Dure journée au Bardo : le poids de l'opposition, les concessions d'Ennahda

Longue et dure journée, mardi au Bardo, l’Assemblée nationale constituante entrant dans le vif avec l’examen du projet d’organisation provisoire des pouvoirs publics. Montée au créneau de l’opposition qui entend jouer pleinement son rôle, soutenue certes par une bonne partie des sit-inneurs rassemblés devant les portes et bonne réaction d’Ennahda qui marque sa compréhension et « fait preuve de souplesse » acceptant certains amendements jugés significatifs. Toute la journée verra alors de vifs échanges, procéduriers au départ, conceptuels ensuite, poussant à un meilleur équilibre des forces en présence, au-delà du nombre des sièges occupés.

Deux grandes questions essentielles sont posées : le vote à la majorité simple de la motion de censure contre le gouvernement (et non à la majorité des deux tiers) et l’élévation des textes relatifs au statut personnel au niveau des lois organiques exigeant une majorité qualifiée des deux tiers. Les élus de diverses familles de l’opposition en font un principe, multipliant les arguments en leur faveur. Dans un geste « d’apaisement et de consensus », Noureddine Bhiri finit par y répondre positivement au nom d’Ennahda. « La mèche est éteinte» dira un élu.
 
Vient alors une série d’autres revendications : l’indépendance de la Banque Centrale, la neutralité de l’administration, l’équilibre des pouvoirs entre le président de la République et le Premier ministre, l’élection du comité qui sera en charge de la justice etc.
 
Nous ne sommes qu’au tout début et juste à l’examen du rapport introductif du projet d’organisation provisoire des pouvoirs, avant de délibérer sur le texte lui-même, mais nombre d’élus de l’opposition ont tenu à baliser leur territoire et se prononcer sur les principes généraux. Issam Chebbi (PDP) surprendra l’assistance en relevant que le mandat de la Constituante est limité, selon l’engagement pris par 11 partis, à un an au maximum d’où la nécessité de fixer le même délai à cette organisation provisoire. Il va falloir y réfléchir. L’essentiel c’est de faire avancer les débats.
 
Un démarrage très difficile
 
Convoqués à 9 heures du matin, les élus n’ont pu commencer leurs travaux que vers 10H15. Le retard est dû à une réunion préparatoire convoquée en dernière minute par le président de l’Assemblée en vue de convenir avec les présidents des groupes parlementaires de l’ordre du jour. Une fois la séance plénière ouverte, le Dr Ben Jaafar aura beaucoup de mal à faire accepter l’agenda proposé. 
 
Pourtant, il avait commencé, après avoir invité l’assistance à réciter la Fatiha à la mémoire de Farhat Hached, par souligner les grands enjeux de la situation et l’urgence de doter l’Etat de ses nouveaux dirigeants, sans plus tarder pour faire face à des impératifs de tout premier ordre. Il espérait pouvoir engager dès le matin, l’examen du rapport introductif de l’organisation provisoire des pouvoirs publics et le débat général y afférent, afin de commencer, en début d’après-midi, les délibérations sur le texte lui même. Puis, dès l’adoption des articles 8 et 9 relatifs à l’élection du président de la République, la publication d’un communiqué de presse précisant les modalités de candidatures et les conditions requises, afin d’en informer l’opinion publique et tout candidat potentiel. Mais, c’était sans compter avec l’éclatement d’un débat très animé, entre une opposition qui « ne veut pas se laisser faire », criant à la « confusion entre célérité et précipitation », dénonçant « une mainmise et une volonté d’imposer des dictats négociés hors du Bardo », d’un côté et, de l’autre, une coalition qui se défend fermement rappelant l’adoption des textes en commission après divers amendements et la nécessité d’avancer rapidement pour faire face à une situation d’extrême urgence.
 
En apprentissage de la démocratie
 
Un accord est finalement trouvé. La séance a été levée à 12 heures pour reprendre à 16 heures (en fait avec retard) et l’Assemblée a pu, enfin, entrer dans le vif. A 18 heures, des élus ont demandé une pause pour effectuer la prière d’El Maghrib. Mais, le président Ben Jaafar a préféré ne pas y donner suite, laissant à chacun la liberté de sortir s’il le souhaite. Tollé général sur nombre de bancs, applaudissements sur d’autres.
 
Tour-à-tour, Moncef Marzouki, Hamadi Jebali et Ahmed Néjib Chebbi sont contraints de quitter la salle : ils doivent recevoir des délégations étrangères venues les rencontrer.  C’est ainsi que le Dr.Norbert Lammert, président du parlement allemand (Bundestag) a tenu à se rendre en visite à Tunis rencontrer les dirigeants des principaux partis politiques. A Ahmed Néjib Chebbi, il a notamment mentionné que l’Allemagne sera particulièrement attentive à la place qui sera accordée à l’opposition et au respect de son statut d’acteur majeur dans l’édification de la démocratie, aux côtés des autres forces politiques. Message répété aux autres interlocuteurs e bien perçu par tous.
 
Cette première journée de débats au Bardo aura eu le mérite de montrer clairement qu’une opposition positive peut peser de tout son poids sur la coalition majoritaire et l’amener à reconsidérer ses positions et prendre en considération les revendications des autres familles politiques. Une première démonstration en aura été faite, en apprentissage de la démocratie. La poursuite des travaux doit le confirmer.

 

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