Taieb Baccouche: l'admission de la Palestine à l'Unesco, le rôle de l'Unesco en faveur de la Tunisie et ce qu'il compte faire à l'avenir
Non sans grande émotion, même contenue, M. Taieb Baccouche, ministre de l’Education vient de vivre, Place Fontenoy à Paris, l’admission de la Palestine à l’Unesco, première agence spécialisée des Nations Unies à reconnaître l’Etat palestinien. L’universitaire, le syndicaliste et le militant des Droits de l’Homme, ne pouvait être insensible à cet acte historique. Comment l'a-t-il ressenti? Quel rôle peut désormais jouer l’Unesco en faveur de la Tunisie ? Et, à titre personnel, en ces grands changements gouvernementaux, comment M. Taieb Baccouche compte-t-il continuer à servir la Tunisie et à partir de quel poste? Trois questions que Leaders lui a posées. Interview express.
Comment avez-vous vécu l’admission de la Palestine à l’Unesco ?
J’ai eu l’honneur de présider la délégation tunisienne qui a contribué à cet événement mémorable. J’y vois personnellement l’illustration d’une double réussite. Celle de la Palestine dont l’Autorité a œuvré inlassablement en vue de recouvrer ce droit inaliénable et celle de l’UNESCO qui a été fidèle à sa vocation: favoriser le rapprochement entre les peuples à travers la valorisation et le partage d’un patrimoine universel. En devenant membre à part entière de cette prestigieuse institution, la Palestine a incontestablement conforté sa position sur la voie d’une reconnaissance internationale tant attendue. Désormais, elle pourra également faire valoir son legs culturel pour accéder au statut d’Etat souverain.
Quel rôle peut désormais jouer l’Unesco en faveur de la Tunisie ?
Eu égard à la noble mission qu’elle accomplit dans le monde, l’UNESCO est en mesure de jouer, aujourd’hui plus que jamais, un rôle déterminant dans la Tunisie nouvelle issue de la Révolution. En effet, cette prestigieuse organisation internationale pourrait :
-contribuer à la réforme du système éducatif (objectif stratégique pour le pays depuis l’avènement de la Révolution du 14 janvier). Un tel apport -scientifique surtout- permettra de réaliser des actions concrètes dans les domaines :
- des programmes : redéfinition des finalités, recentrage sur les fondamentaux, actualisation des contenus et des supports didactiques.
- des pratiques pédagogiques : modernisation des méthodes d’enseignement grâce notamment à une meilleure intégration des TIC.
- de la formation : diversification de l’offre, mutualisation des ressources notamment numériques, focalisation sur la formation continue et à distance, capitalisation des acquis, création d’une synergie entre formation et orientation et de relais entre formation et emploi…
- de l’évaluation : diffusion d’une culture de l’évaluation dans le but d’améliorer la qualité de l’enseignement et de hisser les performances nationales au rang des standards internationaux.
En vue de mettre en œuvre le principe républicain de l’égalité des chances, ces actions devraient cibler les élèves en difficulté, les écoles prioritaires et les régions déshéritées.
- Consolider l’éducation à la citoyenneté, aux droits de l’homme et à l’égalité entre les genres. Cette collaboration pourrait concerner l’élaboration de manuels et de kits pédagogiques spécifiques, la tenue de séminaires dédiés à l’exercice de la démocratie, l’organisation de manifestations culturelles et de concours thématiques à l’échelle nationale et internationale.
- mettre son expertise, son potentiel logistique et ses ressources humaines et matérielles au service de la préservation du patrimoine culturel du pays et de sa diffusion à large échelle intra et extra muros.
- promouvoir l’interculturel:
- en favorisant la mobilité des élèves, des étudiants et des enseignants,
- en facilitant les séjours linguistiques,
- en mettant en place un système de cotutelle et de certification commune,
- en encourageant la traduction,
- en créant des mécanismes empathiques favorisant la promotion du « relationnel » (écoute, dialogue, représentation démocratique, bonne gouvernance, partage de bonnes pratiques, connexions entre établissements et entre classes, jumelage…)
- en organisant des activités artistiques transfrontalières (comme la musique qui est un langage universel).
De par son large spectre et son pouvoir de rassemblement, l’UNESCO est en mesure de gagner ce pari de l’interculturel dans un monde qui a besoin d’être à la fois pluriel et solidaire. La réouverture du bureau de l’Unesco en Tunisie pourrait être un facteur déterminant dans la promotion d’une telle collaboration.
Comment comptez-vous continuer à servir la Tunisie et à partir de quel poste ?
Il y a mille et une manières de servir son pays : par la plume, par la participation aux débats nationaux, par la formation des jeunes sur le plan politique et associatif, soit à travers la présidence honorifique de l’IADH, soit à travers d’autres organisations de la société civile.
Quant aux responsabilités à caractère politique, il est prématuré d’en parler car j’estime que j’ai pratiquement mené à terme l’engagement que j’ai pris dans la phase transitoire qui a conduit à la tenue des élections du 23 octobre 2011.