News - 19.10.2011

Rached Ghannouchi se veut "rassurant et rassembleur"

A quatre jours seulement du scrutin du 23 octobre, le leader d’Ennahdha, cheikh Rached Ghannouchi a tenu un discours qui se veut «rassurant et rassembleur», invitant à une participation massive au vote et  tendant la main à toutes les forces de rupture d’avec la dictature pour participer ensemble au gouvernement, au-delà des résultats ». A ses yeux, « le mot clef qui vaut aujourd’hui pour la Tunisie, comme pour de nombreux autres pays en transition, est l’entente à trouver et consolider entre tous les acteurs, en évitant surtout une bipolarisation entre laïcs et islamistes ».

Le leader d’Ennahdha, entouré de Hamadi Jebali, Ali Lariedh et Abdelhamid Jelassi, a plaidé mercredi, lors d’une conférence de presse marquée par la présence d’un grand nombre d’envoyés spéciaux de grands médias, pour une « réconciliation nationale qui exclut toute justice collective et ouvre la voie au repentir et à l’indemnisation des victimes ». Ghannouchi a réitéré l’attachement aux droits acquis de la femme et leur consolidation et rendu hommage au rôle de l’administration et à la compétence de ses agents et cadres qui ont assuré la pérennité de l’Etat et la continuité des services publics. Il a particulièrement salué la « noble mission accomplie par l’armée » et s’est félicité de «l’amorce de conversion de l’institution sécuritaire qui entame une transformation prometteuse».

« Notre message central, insiste-t-il, c’est d’appeler à la plus grande participation possible au vote, chacun selon ses convictions et choix », avant d’ajouter que son mouvement est confiant quant à l’aboutissement du processus électoral, « unique alternative pour réaliser effectivement la révolution ». il considère que nombre d’éléments sont réunis pour que les élections se déroulent dans de bonnes conditions et ne soit pas entachées de manipulations. « Tant que le scrutin sera transparent, et quel que soit le verdit des urnes, que nous soyons le premier parti, le parti majoritaire ou non, a-t-il souligné, nous serons les premiers à féliciter les autres élus et à composer avec tous ceux qui se rallient aux idéaux de la révolution, pour former ensemble le gouvernement d’unité nationale.»

« Au cas où les manipulations seraient avérées, a prévenu le leader d’Ennahdha, nous nous rallierons aux gardiens de la révolution, ceux là mêmes qui avaient destitué la dictature, puis les gouvernements Ghannouchi 1 et 2. Mais, nous demeurons confiants, même si des questions sont importantes à résoudre avec l’ISIE, quant au bon déroulement du scrutin ». Extraits.

Compétition électorale : Autant nous avons focalisé dans notre campagne sur la promotion de notre projet sociétal pour la Tunisie et la sensibilisation aux enjeux, sans jamais nous confronter à aucune autre partie, autant d’autres formations ont fait de l’attaque systématique contre Ennahdha un véritable fonds de commerce, s’échinant à détruire ce que nous essayons de construire».

Résultats des élections : « Tant que l’opération se déroulera en toute transparence et indépendance, nous reconnaitrons le verdict des urnes, féliciteront les gagnants et collaboreront avec eux, en espérant qu’ils fassent autant avec nous, car la Tunisie a besoin de tous, que l’on remporte le plus de voix, ou que l’on soit majoritaire ».

Formation du gouvernement : « Nous estimons que nous serons le premier parti et devons nous mettre au service de notre peuple, au niveau du gouvernement et c’est pourquoi nous invitons les autres parties à participer avec nous. Car, même si nous remportons la majorité, nous n'avons pas l'intention de gouverner seuls. Nous sommes ouverts à tous et prêts à coopérer avec ceux qui le veulent. Des partis minoritaires peuvent se coaliser entre eux pour nous affronter, mais ca sera là une confiscation de la révolution ».

Entente : « Le mot clef, c’est l’entente et la concordance. Nous y tenons beaucoup dans la formation du gouvernement de transition et c’est ce qui doit nous guider pour favoriser la transition et éviter les périls des guerres civiles. Nous ne saurons admettre une bi-polarisation opposant islamistes et laïcs, car la fracture idéologique constituera une grave menace». Hamadi Jebali ajoutera pour sa part : « cette bipolarisation sera catastrophique, elle a été utilisée par Ben Ali et nous en connaissons tous les dégâts. Nous appelons à une large alliance entre les forces de la révolution, contre celles antirévolutionnaires, une coalition des adeptes de la liberté et de la modération, d’une société solidaire, contre les forces du retour en arrière ».

Ahmed Néjib Chebbi : « Il avait joué un rôle important pour constituer une plateforme commune entre les courants islamistes et laïcs et il était parvenu à y rallier 6 ou 7 partis au sein du mouvement du 18 Octobre, ce qui a permis d’affronter ensemble et avec force la dictature. Ce mouvement a nettement séparé les forces du changement et celle de la dictature. Comment parler alors d’un clivage entre nous, alors que nous avons bâti ensemble une plateforme commune ?.

Chebbi refuse de faire partie d’un gouvernement constitué par Ennahdha : « C’est son droit le plus absolu. Même si nous parions sur un gouvernement de salut public, élargi à tous. Nous sommes un parti centriste, modéré et cela nous met en bonne position pour dialoguer avec tous. La maison Ennahdha est la maison la plus large en Tunisie, ouverte pour tous ».

Administration, compétences et pérennité de l’Etat : « Nous devons associer les compétences administratives, dans le gouvernement à former, quelles que soient leurs appartenances politiques. Il faut rendre hommage à l’administration et à ses cadres qui ont assuré la pérennité de l’Etat et le maintien de tous les services public. Si l’ancien régime était tombé, l’Etat ne s’est pas effondré, et  celà grâce à l’administration ».

Réconciliation : « Nous n’avons aucun esprit de revanche ou de vengeance. Nous sommes attachés à la réconciliation nationale générale, nous mettons en œuvre l’amnistie générale, nous indemnisons les victimes et nous rassemblons tous les Tunisiens. Le dossier du parti dissous doit être traité, sur des bases juridiques, loin de toute revanche ou jugement collectif ou vindicte. La Tunisie n’en a nullement besoin".

Jugements : Hamadi Jebali précisera encore plus la position d’Ennahdha : "Nous n’avons jamais dit que nous allons ouvrir partout dans le pays des procès  contre tous ceux qui ont pu s’impliquer avec l’ancien régime. Nous ne voulons guère y recourir, nous cherchons plutôt la réconciliation nationale, pour panser les plaies. Une réconciliation sur la base de la vérité et de l’équité. S’il y a eu des cas flagrants d’abus et d’appropriation illégale des biens de l’Etat, que leurs auteurs s’en excusent auprès du peuple et de leurs victimes, restituent les biens et indemnisent. Si poursuite est nécessaire, elle doit être individuelle et non collective, dans la sérénité de la justice indépendante. »

Double langage : « Cela ne mène pas loin. Ceux qui le pratiquent finiront pas être démasqués. Et d’ailleurs, très rapidement puisque les Tunisiens retourneront dans un an aux urnes. Trahir aujourd’hui  la cause des femmes, c’est subir demain leur sanction !  Je le répète donc pour la millionième fois : aucun retour en arrière quant aux droits acquis, aucune remise en cause du code du statut personnel, bien au contraire, nous voulons faire plus et aller de l’avant notamment pour ce qui est de l’égalité des salaires entre hommes et femmes, congé de maternité et autres mesures en faveur de la femme et de la famille.

Salafistes : "Les islamistes, sont comme tous les mouvements politiques, composés de différents courants et ce n’est pas propre à la Tunisie. Le courant salafiste existe chez-nous, comme il existe en Libye, Egypte, Arabie saoudite et ailleurs. Nous ne sommes pas une entité globale unique, faut-il qu’on s’entretue entre-nous pour nous croire. C’est une réalité qui remonte à très loin et qui se caractérise par des différences réelles. Certains courants, chez-nous vont jusqu’à interdire les élections et les considérer comme un péché. Alors, comment pourriez-vous croire que nous pourrons nous allier avec les ennemis des élections. Il n’y a ni partage de rôles, ni entente secrète. L’islam n’a pas d’église et Ennahdha n’est pas son porte-parole officiel. Elle n’est qu’une de ses voix, exprimant un point de vue qui est le sien. »

Persépolis et Nessma TV : "Nous n’avons pas organisé la manifestation mais ce sont les masses populaires qui ont voulu exprimer leur indignation. Ces masses ne rassemblaient pas un courant particulier, salafiste, mais de larges franges dont les adhérents d’Ennahdha. Quant à la violence prétendue et l’attaque contre le siège de Nessma et la résidence de son directeur, le ministère de l’Intérieur a démenti les exagérations. Maintenant que vous me demandez qui est derrière cette manifestation, pourquoi vous ne vous interrogez pas qui est derrière l’autre manifestation (Aatakni) ? Ce que je retiendrai, pour ma part, c’est que des Tunisiens qui s’étaient sentis offensés ont manifesté leur indignation et que d’autres Tunisiens ont tenu, eux aussi, à s’exprimer. L’essentiel, c’est que ces manifestations se déroulent sans violence, dans le respect de la règlementation et de l’autre ».

Minorités religieuses : « Notre société est très homogènes sur ce plan. Néanmoins, nous sommes un pays musulman qui respecte les droits des non-musulmans et qui accueille sur sa terre, depuis très longtemps, des concitoyens de confession israélite dont nous garantissons tous les droits ».

Lire aussi :

Comment Ennahdha a conçu sa campagne électorale et la finance

Ahmed Néjib Chebbi : « Oui au rassemblement des forces démocratiques, Non à une alliance contre-nature avec Ennahdha »

Afek Tounès : «Nous défendrons un projet progressiste et moderniste sans rupture avec notre identité»

Ben Jaafar : Au gouvernement sortant, nous dirons Asslama, Besslama

Jalila Baccar, émouvante, au meeting d’Al Qotb à Sidi Bou Saïd