News - 12.10.2011

Jalloul Ayed : Quelle que soit sa configuration, le nouveau gouvernement gagnera à mettre en œuvre le plan jasmin, la Tunisie ne peut pas attendre

Quatre grands préalables sont nécessaires à réunir pour réussir et pérenniser la transition démocratique en Tunisie, estime Jalloul Ayed, ministre des Finances : un gouvernement fort, un état de droit, une société civile forte et la prospérité économique et sociale. « C’est ce qui nous a poussé, dit-il à mettre les turbos dans l’économie à travers le programme économique et social appelé Plan Jasmin et la mise en marche de deux réacteurs: la Caisse des Dépôts et Consignations et le fonds intergénérationnel, Ajial ».

Présentant les grandes lignes du plan et de ses différents leviers, mercredi matin, lors d’une conférence co-organisée avec le Forum Nou-R (*), devant des financiers tunisiens et étrangers ainsi que les représentants de divers partis politiques (Ennahdha y était représentée par son secrétaire général, Hamadi Jebali), le ministre a été tour-à-tour sur les registres techniques et politiques. Techniques, en expliquant la notion d’un fonds souverain orienté vers le pays lui-même et non l’étranger, couvrant des fonds sectoriels pouvant être ouverts à l’investissement étranger et apportant des financements innovants et appropriés qui confèreront à l’Etat un nouveau rôle d’investisseur éclairé, stimulateur et capable d’imprimer  les pratiques de bonne gouvernance, de transparence et de développement durable.

Des orientations globales incontestables

Politiques, en appelant le futur gouvernement à se concentrer sur la vision commune et les orientations fixées, en mobilisant pour leur mise en œuvre, toutes les ressources indispensables. « Quelle que soit la configuration gouvernementale future, a-t-il affirmé, la Tunisie ne peut attendre davantage pour accélérer sa relance économique, ni se permettre de remettre en cause cette grande plateforme stratégique que nous avons élaborée, loin de toute idéologie particulière, dans un esprit de large centre, et qui demeure paramétrable. Ses orientations globales, sont celles de l’économie de marché, de l’équité sociale et de création de la valeur. Les réformes qu’elle préconise sont fondamentales et urgentes et je ne pourrais pas imaginer qu’il y ait un gouvernement qui ne la mettrait pas en œuvre. Toutes les forces doivent s’y conjuguer et trouver le bon arbitrage entre stabilité sociale et développement économique».

Le grand défi, c’est de trouver des compétences tunisiennes

Evoquant l’agenda d’exécution, le ministre a indiqué que la CDC, dont le décret-loi est déjà promulgué, commence à se mettre en place. Quant au fonds intergénérationnel Ajiel, il est programmé à l’ordre du jour du prochain conseil des ministres. Une feuille de route de la création de la structure de base, en commençant par un fonds généraliste, sera finalisée avant la fin de l’année. Des fonds bilatéraux (avec le Qatar, etc.) sont envisageables. Le début de concrétisation ne dépassera pas le deuxième semestre 2012.  Le grand défi qui se pose, estime Jalloul Ayed, c’est l’identification des compétences tunisiennes de haut niveau, dans un domaine aussi nouveau qu’exigeant, indiquant que des conditions attractives leurs seront offertes.

Le ministre des Finances a également saisi cette occasion pour traiter succinctement de différentes questions adjacentes, notamment l’endettement, le poids de la caisse de compensation, le nouveau rôle de la diplomatie tunisienne, la connectivité internet, l’économie sociale et solidaire, les marchés de capitaux et la réforme du système financier. Extraits.

Marché de capitaux et marchés bancaires : « Il y a beaucoup de confusion entre les deux. Nous devons fournir une large gamme de financements appropriés et réformer le système financier afin qu’il couvre toute la chaîne de création de valeur, à commencer par la microfinance, jusqu’aux autres besoins. Comme il nous appartient de développer le marché des capitaux et trouver des formules pour les très petites entreprises. D’ailleurs, je m’étonne qu’il n’ya ait pas encore en Tunisie des fonds Mezzanine pour répondre aux besoins des entreprises familiales qui résistent à l’ouverture de leur capital, et nous gagnons à leur apporter le financement approprié, l’objectif général est de stimuler l’investissement et de le doter d’une bonne législation. Soignez l’investissement, vous aurez le développement. »

Connectivité: « Mon rêve à moi, c’est de voir la Tunisie devenir le premier pays arabe et africain en terme de connectivité internet et d’utilisation de la toile, pour permettre à tout-un-chacun, non seulement de s’informer, mais aussi de s’exprimer, d’interroger l’administration et de faire valoir ses droits et ses jugements. C’est ce qui donnera à la révolution de meilleures chances de réussite. Je travaille beaucoup avec mon équipe sur l’e-government et j’y crois beaucoup ».

Révolutionner le ministère des Affaires étrangères :
« Chaque ambassade doit jouer un rôle plus direct dans l’identification des opportunités utiles à l’économie et se convertir en centre d’affaires. J’ai été outré d’apprendre il y a quelques temps, qu'on avait fermé la porte d’accès, lors des recrutements, aux diplômés des écoles de commerce et de gestion. Nous devons utiliser la Tunisie comme plateforme d’accès aux marchés proches et pour toute notre relance économique, nous devons révolutionner le ministère des Affaires étrangères».

Economie sociale et solidaire : « C’est une voie d’avenir, importante à explorer. Elle représente actuellement 7 à 8 % en Europe. Et nous devons nous y mettre ».

Egalitarisme et rémunérations : « Il faut annoncer un jour ou l’autre que le temps de la rémunération identique pour tous est révolu. Nous devons tenir compte de l’effort personnel de chacun de sa plus value et de son mérite et l’y motiver encore plus ».

Caisse de compensation : « Savez-vous combien elle engloutit au juste ? Pas moins de 7 milliards de dinars (y compris la subvention des produits énergétiques). C'est-à-dire, plus que le titre II du budget de l’Etat. C’est une aberration que de continuer à subventionner sans discernement, cet arbitrage se fait au détriment du futur et nos devons avoir le courage de le revoir ».

(*) Avec  le concours de l’IFC (Banque Mondiale), Swicorp, Tunisie-Valeurs, Tuninvest – Africinvest, Tunisiana et la British Embassy