Opinions - 10.10.2011

La dynamisation du Système National d'Innovation Tunisien passe par la Professionnalisation de la Recherche (Management, Réseautage et Mobilité)

Le Système National d’Innovation (SNI) Tunisien  est en construction, bien qu’il souffre encore de barrières et de freins - qu’il convient d’identifier et éliminer –.  Les acteurs principaux qui ont à charge la promotion de la Recherche et de l’Innovation ont travaillé ensemble, depuis deux ans, pour lancer un Programme d’Appui susceptible de le dynamiser pour en faire un vrai levier stratégique de développement socioéconomique. 
La révolution tunisienne du 14 janvier 2011 a conféré à ce programme un caractère prioritaire évident.

Ce Programme d’Appui au Système de Recherche et d’Innovation (PASRI), financé par l’Union Européenne à hauteur de 12 millions d’euros, a démarré  courant 2011 et continuera jusqu‘à 2014. Il sera lancé officiellement le 12 octobre prochain conjointement par les deux principaux ministères bénéficiaires (Enseignement Supérieur et Recherche Scientifique et Industrie et Technologie).

Le Programme PASRI intervient pour (re)construire le Système National d’Innovation, dynamiser les liens entre ses composantes et ses acteurs,  y introduire de nouveaux concepts et processus, créer les nouveaux métiers qui permettent de le développer et le pérenniser.

Dans ce cadre, les nombreuses activités du PASRI toucheront tous les aspects réputés barrières et freins contre la vigueur et la vitalité de notre SNI. Cela se fera à travers trois axes importants : i) la gouvernance du SNI, il s’agit notamment de booster les interactions entre les composantes et les acteurs du Système, produire de la synergie et de l’efficience, ii) l’interfaçage et la dynamisation des milieux aussi bien de la recherche  que de l’entreprise par le partenariat, la valorisation, l’interfaçage de proximité, le montage de projets innovants, la mobilité, la formation aux nouveaux métiers de transfert…, iii) Le Réseautage, et il s’agira de connecter le SNI tunisien aux systèmes internationaux les plus compétitifs, intensifier le réseautage en recherche et en entrepreneuriat  avec les structures homologues notamment européennes en augmentant la participation tunisienne dans les programmes de recherche européens.

Notons à l’occasion que la faiblesse chronique du partenariat entre la recherche et l’industrie est à analyser dans le contexte  de faiblesses systémiques dans les deux secteurs.

L’entreprise, en général pressée de résoudre des problèmes concrets et immédiats, s’est installée dans un modèle de développement excluant les dimensions aussi bien stratégiques que technologiques. Deux dimensions considérées, depuis toujours, comme les deux mamelles de la compétitivité économique durable.  
En parallèle, l’université, et en absence de demande (client) et par conséquent de contacts réguliers avec la réalité socioéconomique, a favorisé (le développement d’) une recherche en général recluse sur elle même fonctionnant à huis clos et par conséquent en dehors de toute logique socioéconomique.

Cette situation a engendré, d’un côté, des attitudes et des distorsions dont le redressement demandera du temps et de la méthode et d’un autre côté, un environnement non propice à l’innovation faute d’activités économiques adossées à la recherche (pas d’organe faute de fonction).

En ce qui concerne le secteur de la recherche, les efforts  doivent prendre le chemin de la professionnalisation des activités sur les deux plans :

1. Interne. Promouvoir la recherche sur projet et en réseau conduite selon les standards reconnus de la qualité managériale avec un personnel scientifique, technique et administratif ayant les profils et les statuts adéquats.
2. Externe. La recherche appliquée universitaire doit bénéficier d’un soutien conséquent sur trois plans : i) des ressources dédiées (personnel technique et administratif statutaire, fonds…), ii) un lien de collaboration plus fort avec la recherche fondamentale et iii) un lien organique avec  le milieu naturel/professionnel. Elle doit, autant que faire se peut, faire preuve de mobilité et se déployer au plus près de l’application/l’utilisateur (Mobilité, Open Living Labs). C’est déjà une tradition dans quelques secteurs comme la santé et l’agriculture. Il faudra l’impulser dans d’autres où la demande potentielle est importante comme l’industrie, les services (TIC’s, Finance…), l’aménagement urbain, le développement local et régional, le tourisme, etc.  Dans ce cadre, la consolidation des potentialités de recherche et d’innovation dans l’entreprise, ou plus généralement dans le milieu professionnel, tout en construisant un partenariat effectif avec l’université, doit intégrer les  spécificités de son environnement et se développer dans le cadre d’une vision et une stratégie d’entreprise.

Ainsi, l’immersion de la recherche et des chercheurs dans le milieu socioprofessionnel, en plus qu’elle réduit les barrières de communication entre les deux mondes, est le meilleur moyen de promouvoir la multidisciplinarité, l’implication des sciences humaines et sociales dans les projets à caractère technologique. L’approche socioéconomique de la recherche permet ainsi de faire face, en meilleure posture et avec de meilleurs  moyens, à la complexité du système sociotechnique, désormais au centre de la problématique du développement durable.

Bahri Rezig
DG-Agence Nationale de Promotion de la Recherche
Responsable National du PASRI.