Mohamed Charfi : Ah, comme il nous manque
Je vous livre le témoignage du modeste collaborateur de Mohamed Charfi que j'ai été. Sans lui, l'IPEST et l'Ecole Polytechnique n'auraient pas vu le jour. Il avait l'intelligence vive, pour comprendre l'essentiel des enjeux dans tous les domaines, et pas seulement le sien. Et le courage politique de faire, d'assumer, d'aller à contre-courant, lorsqu'il sait qu'il le faut.
Sa période à l'éducation a été un apostolat, le Président de la LTDH qu'il était n'était pas fan de Ben Ali, mais il fallait sortir l'éducation des ornières où elle avait été conduite par le manque de courage, et l'aveuglement. Quand il a fallu quitter un gouvernement marqué par la dérive répressive, quand il a fallu s'élever contre la présidence à vie, il n'a pas non plus hésité.
Ce penseur était un homme politique d'envergure, le meilleur Minisitre de l'Education que nous ayions jamais eu. Ministre, il l'était pleinement : à lui l'arbitrage, l'orientation, mais dans la reconnaissance de l'apport de tous, dans la valorisation de chacun. Mohamed Charfi était un leader, il agrégeait, il synthétisait, il réunissait. Travailler avec lui a été une des plus grandes et des plus belles expériences de ma vie. J'y ai rencontré une équipe fantastique, et par dessus tout l'écoute, le respect, la volonté de réaliser, en surmontant tous les obstacles, dans la cohérence et dans la rigueur. Et j'ai surtout rencontré un grand homme d'état dont je suis heureux et fier d'avoir croisé le chemin. Oui, décidément, Mohamed Charfi nous manque, et il manque surtout - cruellement - à la Tunisie démocratique naissante.
Mohamed JAOUA