Accord à peine signé à Deauville : 1ère tranche française de 85 M€ sur les 350 M€ attribués la Tunisie
Tout est bouclé : dès la publication dans les tout prochains jours du décret-loi relatif aux accords tuniso-français signés le 27 mai à Deauville, une première tranche de 85 M€ sera immédiatement versée au trésor public tunisien. Ce montant fait partie des 185 M€ à décaissement rapide au titre de l’assistance budgétaire, l’enveloppe totale de l’offre française à la transition tunisienne étant de 350 M€. Pénalisée par l’abaissement de sa notation souveraine, la Tunisie s’efforce, en effet de sortir sur le marché financier, comptant, pour obtenir des facilités de décaissements rapides sur ses principaux partenaires habituels, à savoir la Banque Mondiale, la BAD, l’Union Européenne et la France (AFD).
« Jamais, selon les analystes proches du dossier, tant à Tunis qu’à Paris, interrogés par Leaders, une opération de cette envergure et spécificité n’a été finalisée dans des délais aussi courts et des conditions aussi particulières. » La France sera ainsi la première –parmi tous les partenaires extérieurs ayant fait des déclarations d’intention– à concrétiser la sienne. Le top départ avait été donné lors de la visite à Tunis, le 22 février, de Christine Lagarde, et les équipes tunisiennes et françaises ont pu progresser rapidement ce qui a permis à Alain Juppé d’annoncer lors de son voyage à Tunis les 20 et 21 avril, le montant de 350 M€, et de signer les accords le 27 mai. Le tout en trois mois.
Outre cette célérité du montage et de la finalisation, les analystes soulignant le caractère ciblé des actions, en réponse à des demandes précises formulées par la Tunisie selon les priorités retenues. Quant aux conditions financières, Il s’agit de prêts sur 17 ans avec six ans de différé d’amortissement, et un taux de 3.5% ce qui est plus favorable que le marché financier.
A quoi servira ce financement ? Analyse.
Le Plan d’Appui à la Relance (PAR) préparé par la Tunisie et soutenu par les quatre principaux bailleurs de fonds de la Tunisie : la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Union européenne et l’Agence française de développement, s’articule autour de quatre piliers à savoir : la gouvernance, l’emploi et la formation, le secteur financier et l’action sociale et le rééquilibrage régional. Engagée sur les 3 derniers piliers (hors gouvernance), la France déploie d’ores et déjà, à travers l’AFD, les 185 M€ à décaissement rapide, signés à Deauville, alloués, d’une part, à la formation professionnelle, facteur d’insertion des chômeurs, notamment jeunes diplômés ; et d’autre part, à la préservation et la modernisation du secteur financier et bancaire et à travers lui des entreprises et des emplois ;
Le solde sera affecté à des investissements d’amélioration des conditions de vies et de rattrapage, au profit des régions et populations en retard de développement. La modalité retenue est celle du financement de projets. Ces projets sont actuellement au stade de la préparation.
Pour ce qui est de l’emploi et de la formation, les fonds sont destinés à :
La création d’emplois dans les secteurs porteurs à moyen terme, mais également dans ceux pouvant offrir un nombre conséquent de postes à court terme, notamment à travers des incitations pour les entreprises ;
La préservation des emplois menacés, en visant des actions de formation continue permettant d’adapter les personnels aux évolutions technologiques de leurs postes ou de favoriser leur évolution vers d’autres secteurs ;
L’accompagnement à la recherche active d’emploi au bénéfice de plusieurs dizaines de milliers de jeunes (diplômés de l’enseignement supérieur, primo demandeurs d’emplois et au chômage depuis au moins 6 mois), grâce au programme AMAL, qui prévoit, en contrepartie de l’engagement du candidat dans des parcours de formations pré déterminés, une bourse mensuelle d’insertion limitée dans le temps ;
Le développement de l’entreprenariat et micro entreprise en renforçant la capacité des services de l’Etat à encourager et sécuriser les parcours de création d’entreprises.
Pour ce qui est du secteur financier et bancaire, il s’agit de répondre aux difficultés structurelles et apporter un soutien aux entreprises touchées par la crise ou en cours de création. La double stratégie du gouvernement, consiste à : d’une part, diversifier le secteur financier en développant fortement la micro finance et le capital investissement ; et d’autre part à améliorer l’efficacité du secteur financier dans son ensemble, notamment la gouvernance des banques, le rôle des banques publiques et la supervision bancaire. C’est la mise en œuvre de cette stratégie qui bénéficie de ce soutien.
Au titre du 3ème axe, à savoir le rééquilibrage régional et social, des projets sont par ailleurs en préparation, en complément des 185 M€ signés à Deauville et concerneront des investissements d’amélioration des conditions de vie dans les villes, notamment les petites municipalités, et dans les zones rurales. Dans les villes, les investissements visés portent sur la réhabilitation des quartiers populaires et l’amélioration de l’habitat, l’assainissement, les équipements communaux, les marchés et abattoirs, etc ; alors que dans les zones rurales, ils concernent l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, les infrastructures de petite irrigation, les pistes rurales, etc.
En plus des financements inclus dans l’annonce française des 350 M€, des sources interrogées par Leaders ajoutent que l’AFD tient à la disposition de la Tunisie la part non encore décaissée des projets engagés au cours des dernières années. Ces « restes à verser » s’élèvent à environ 500 M€, dont la plus grande partie est en pleine cohérence avec les axes du PAR :
- 15 M€ restent à décaisser sur différents projets de formation professionnelle;
- 50 M€ restent à décaisser au bénéfice des entreprises, à travers le système bancaire ;
- 175 M€ restent à décaisser sur des projets d’amélioration des conditions de vie des populations : réhabilitation de quartiers populaires, équipements communaux, assainissement des eaux usées, accès à l’eau potable en zone rurale, petits périmètres irrigués, etc ;
- 210 M€ sont à décaisser sur des grandes infrastructures à forte utilité sociale : métro et RFR de Tunis, desserte en gaz de l’Ouest du pays.
Interrogé par notre confrère de Bordeaux, Sud Ouest, sur le rôle joué par la France dans le plan d’aide internationale en faveur de l’économie tunisienne, le directeur général de l’AFD, Dov Zerah, ne cachait pas sa fierté : « Un rôle pionnier », répond-il avant d’ajouter : « dès le début, nous avons accompagné nos partenaires tunisiens dans leur plan d’appui à la relance. Nous avons travaillé ensemble sur les secteurs où nous pouvons apporter du financement mais aussi une plus-value technique».