Opinions - 06.06.2011

Combinaison optimale des Ressources pour financer le PRI de 25 Milliards US$ (2)

Plaçons la gestion de l’endettement extérieur au centre de nos préoccupations :
Dans le cadre des réflexions entamées au sujet de la problématique de financement idéal de notre Plan de Redressement Intégral (PRI), appelé par le G8 ‘’Mini-Plan Marshall Tunisien’’ (25 Md$), des réflexions se construisent pour tenter d’approcher des solutions séduisantes, alliant à la fois, la réalisation de nos objectifs socioéconomiques (croissance, emplois, …) et la préservation des Grands Équilibres de nos finances (endettement, balance des paiements).
 
Pour le moment, aucune information n’a  été communiquée concernant la consistance du Plan de Développement Économique et Social, notamment en ce qui concerne sa décomposition en ‘‘investissements d’infrastructure’’ et en ‘’projets productifs’’, en vue d’apprécier les limites d’endettement sans incidence négative, ni sur les fondamentaux économiques et financiers, ni sur la pression fiscale qui pourrait être exercée sur la génération future.  Toutefois, il a été signalé, dans le rapport final du sommet G8 26-27 mai, le soutien des pays du G8 de la Tunisie et l'Égypte quant au bouclage de leurs besoins exprimés dans les limites de 40 milliards de dollars, principalement sous forme de dettes à long terme, et ce, auprès des Institutions financières Internationales, des pays du G8 ainsi que des pays du CCG.
 
La dette extérieure brute désigne l’ensemble des dettes qui sont dues par une nation (Etat, entreprises, ménages) à des prêteurs étrangers (1). Dans l’absolu, le niveau d’endettement d’un pays ne veut pas dire grand-chose. Il s’apprécie par rapport à la richesse créée qui permet de rembourser les sommes empruntées. On compare donc la dette par rapport au produit intérieur brut (PIB), et ne devrait pas dépasser 60%. Aussi, ne faudrait-il pas rapporter ces chiffres aux PIB pour que le classement soit parlant, particulièrement pour comparer la Tunisie au Maroc et à l’Egypte.
 
Quels sont les principaux indicateurs comparatifs de l’Endettement Extérieur de ces 3 pays ?
 
Pour ce qui est de l’Egypte, sa dette extérieure s’est élevée fin septembre 2010 à 34,7 milliards de dollars, soit 14% du PIB (contre 31% du PIB en 2005). L’essentiel de ce montant (90%) est émis sur le long terme. Les principaux créanciers bilatéraux sont le Japon (4,1Md$), l’Allemagne et la France (3,6 Md$) et les USA (3,2Md$). Le service de la dette s’établit autour de 1,5 Md$ par an (2010-2016).
 
Concernant le Maroc, sa dette extérieure est estimée à 20,2 Milliards de dollars à fin Juin 2010, contre à peu près 12,5 milliards de dollars en 2005. Cet encours représente  près de 20% du PIB (PIB’2010 = environ 100 Md $). Le service de la dette avoisine 2,2 Md$ (2010-2013).
 
Avec un encours de 18,8 Milliards de dollars au 31-12-2010, le poids de la dette extérieure de la Tunisie atteignait 37 % du PIB fin 2010, contre 40 % trois ans plus tôt, alors que le service de cette dette s’établissait à 2,8 Md$ en 2010. La BCT s’évertue à opérer une gestion active de la dette extérieure (rachat de la dette onéreuse, reconversion de la dette en investissement, privilège accordé aux maturités moyennes et longues...).
 
Ainsi, ramenée au PIB, l'Egypte (15%)et le Maroc (20%) sont mieux lotis que la Tunisie (37%) en terme de Dette Extérieure. Il en est de même si l’on retient le ratio ‘‘Dette/ Tête d'Habitant’’: Les Marocains et les Égyptiens paraissent donc moins chargés que les Tunisiens.
 
Comparés aux Dettes Extérieures, quel est le coût de sa rémunération annuelle des IDE ?

Avant d’aborder l’appréciation de notre capacité future d’endettement en devises, il y a lieu de souligner que la partie immergée de l’Iceberg est bien le service des IDEs. Les analyses comparatives révèlent que les IDE sont plus coûteux que l’endettement extérieur, soit environ 12% de l’encours ou 5% du PIB, contre respectivement 5% de l’encours et 2% du PIB.

En fait, si notre endettement extérieur représente environ 37% PIB, les IDE pèsent 40% du PIB. En outre, si le loyer de notre endettement extérieur a progressé parallèlement au PIB durant la dernière décennie (1 Md$ en moyenne, soit 2% PIB), les Dividendes IDE ont progressé 2 fois plus vite que le PIB, décalage dont il est prévu le comblement en contractant un Crédit Extérieur, d'où un service de dette additionnel à régler ultérieurement. (2)
Il y a lieu de souligner que les IDE (on-shore et off shore) ont pour principaux objectifs :
- développement des Nouvelles Technologies à haute valeur ajoutée (NTIC, pharmaceutique, …)
- accroissement des exportations
- promotion de la sous-traitance locale à l’exportation
- création d’emplois (main d’œuvre qualifiée, techniciens, diplômés enseignement supérieur)
S’agissant des IDE off-shore,  leurs dividendes sont payés en devises sur le résultat des activités (toutes exportatrices),  et ce, après règlement des achats (importés + locaux) et des charges locales. En dépit d’exonération fiscale sur les résultats, l’apport des IDE off-shore est avantageux, et la rémunération du capital n’affecte pas les indicateurs.
 
Quant aux IDE on-shore, ils sont positionnés dans les unités économiques les plus rentables du pays, c’est à dire celles dégageant une rentabilité des fonds propres assez confortable, voire bien confortable pour certains cas. De ce fait, le coût de ces IDE on-shore a un impact élevé sur la balance courante. (2bis)
 
Ainsi, il paraît plus favorable pour le pays que la privatisation des entreprises publiques on-shore soit concrétisée avec des investisseurs nationaux, ou, à la rigueur, un mix Nationaux-Internationaux assez proche de la structure des ventes Local/export, et ce, afin de ne pas impacter la balance des paiements.

Aussi, ne faudrait-il pas que les Médias soulèvent cette face cachée de notre endettement extérieur, pour tenter d’atténuer son impact déplaisant sur la balance courante, sinon nous risquerons d’enfoncer nos enfants dans le sable mouvant. (2Ter) 

Jusqu’à quel niveau pourrions-nous supporter un nouvel endettement ?

Revenons à notre endettement extérieur, dont l’encours est d'environ 18,8 Md$ au 31-12-2010 ; il devrait passer à 17,3 Md$ au 31-12-2011, si aucun crédit n'était contracté. Le service actuel de la dette de la Tunisie a été de 2,8 Md$ en 2010: dont 1 ,7Md$ en Principal et 1,1 Md$ en Intérêts.

Si l’on retenait cette hypothèse ambitieuse en terme de financement du PRI (25 Milliards Dollars) en recourant principalement aux Emprunts extérieurs, l’encours de notre endettement serait quasiment doublée, d’où un ratio d’endettement voisin de 70% du PIB.

En outres, le fait de doubler l’encours de notre Dette Extérieure, entrainerait plus qu'un doublement des services de la dette (6  à 7Md$)......, c'est-à-dire un poids lourd sur nos recettes des exportations, soit 40% contre 18% actuellement.   

A cet effet, il faudrait que le PIB croisse à 2 chiffres par an (15% au moins), pour que les fondamentaux ne soient pas fragilisés, ce qui semble être difficile de par la dominance des Investissements d'Infrastructure (à rentabilité faible ou différée) dans notre Plan de Redressement Intégral (entre 15 et 18Md $, paraît-il).
Par conséquent, à moins d'une surprise agréable, nous serions impérativement amenés à structurer le financement du PRI à la faveur d'une dose consistante en ‘‘Ressources stables & quasi-stables’’, et ce, au moyen des axes suivants:

• émission d'un Emprunt National de 2 à 3Md DT voire même 5Md DT,
• cession des actifs financiers et corporels de la famille en Tunisie, sans recourir à l’IDE (3)
• privatisation d'Entreprises Publiques à des nationaux (pour limiter l'exportation des devises),
• généralisation de la TVA aux activités exemptées,
• instauration de l’équité fiscale par le traitement des 350.000 forfaitaires,
• développement des recettes parafiscales (au moins temporairement),   (3bis)
• limitation des importations abusives des produits de confort et des articles de luxes (une économie annuelle de 1,5 à 2 Md DT est réalisable : voitures, matériaux de construction, articles de luxe, ….),
• amnistie pour les Tunisiens (VIP ou autres) ayant des avoirs illicites à l'étranger, en vue de les déclarer et les rapatrier, encouragement des TRE à transférer leurs épargnes dans les banques tunisiennes, etc....
• rapatriement partiel des avoirs dérobés à la Nation (estimés de 10 à 15 Milliard US$), conservés dans plusieurs pays sous forme de fonds ou d’actifs corporels (immobilier, bijouterie, objets d’art, ….),
 
Toujours si l’on suppose que, sur un Budget quinquennal de 25 Milliards de dollars, nous pouvons récolter entre 10 et 15 Milliards de dollars à la faveur des mesures sus-indiquées, le reliquat du budget (soit 10 à 15 Milliards US$) pourr t-il être nourri sur des crédits extérieurs ? Pour répondre à ce souci, il faudrait logiquement que le PIB additionnel, qui serait généré par le PRI (directement et indirectement), puisse permettre de couvrir aisément le service annuel de la nouvelle dette.
 
Les simulations à ce sujet révèlent que la Tunisie pourrait bien supporter un endettement additionnel de 10 Milliards $ sur 5 ans, soit environ 2 Md $ / an, c’est à dire un peu plus que le remboursement annuel en principal (1,5Md$), le reliquat venant augmenter l’encours de l’endettement. Si on pousse à l’extrême avec  un ticket d’endettement de 15 Md$, les fondamentaux seraient moins confortables, mais demeureraient plus ou moins acceptables.(4)
 
Auprès de qui devrions-nous idéalement financer notre PRI ?
 
En matière de constitution de réserves de changes, c’est la Chine qui est la championne des avoirs en devises avec le montant faramineux de 1.800 Md$ (2008) devant le Japon (1.000 Md$), la Russie (500Md$) et l’Inde (300Md$).  Ce sont là des pays Cash Rich Nets auxquels nous pourrions nous adresser pour entrevoir des opportunités de partenariat à des conditions clémentes. (5)
 
Dans ce contexte, le classement de l’Algérie est flatteur. En 2009, ses 140 Md$ lui permettent de pointer en 11ème position juste derrière l’Allemagne, mais devant des pays industrialisés comme la France, l’Italie et le Royaume-Uni. N'oublions pas l'aide consistante ayant été consentie à la Tunisie lors de la visite de BCE à Alger: 100 Millions $ dont 40M$ de Dons. (6)
 
Cependant, au lieu de taper aux portes de ceux qui prêtent aux US+UE, à savoir les 4 pays BRIC et les 6 pays frères pétroliers, nous nous sommes adressés à des intermédiaires de Fonds, exigeant :

• Une tarification épicée pour les rémunérer confortablement
• Des conditions en matière d’affectation des fonds : recours à des consultants agréés par le G8, acquisition de bien d’équipements d’origine UE en général, Know how G8, …
• Des conditions en matière de priorisation des projets d’infrastructure et de production
• Des conditions en matière d’éligibilité des projets à financer : l’agriculture ne devant pas être concernée, l’exploitation de carrières, l’industrie touristique, ….
• Exigence en matière de gestion des affaires étrangères : rester gentil avec Israël, ne pas soutenir les révolutionnaires Palestiniens, ne pas exporter la révolution vers les pays du CCG (intérêts économiques des US), ….
 
En revanche, le fait de recourir à la Chine et/ou l’Inde nous procurerait d’inépuisables possibilités de coopération, allant jusqu’à l’enseignement supérieur et la Recherche & Développement.... Même le Koweït et les EAU auraient exprimé leur souhait (à travers des banques dans lesquelles ils sont administrateurs) de participer au financement de notre PRI.
 
Il est évident que ‘‘le carnet d'adresses’’ et ‘’les anciens réflexes’’ rendent difficile pour un Technocrate de se libérer de son ‘’daily business’’ et d'engager des aventures de prospection dont la probabilité de succès n’est pas certaine. Espérons que le Ministre des Finances puisse recueillir au terme de sa tournée en Asie (CCG + Chine + …) des signaux d'encouragement pour persévérer dans cette direction.
 
A présent, il nous appartient de faire entendre notre voix dans le but d'encourager notre Gouvernant à franchir le mur de la soumission, et à prospecter de nouveaux partenaires à l'est ou en Amérique du sud. Naturellement, ceci déplairait à l'Occident, qui pourrait semer le trouble et stimuler des conflits, en vue de défaire des alliances et rétablir l'équilibre en sa faveur.
 
A suivre ....

(1) A partir du classement général des pays consommateurs bruts (base : 2009), l’on extrait le Classement de certains pays:
1 États-Unis : 13.640 Md$ (mais placeur en net)
2 Royaume-Uni : 9.170 M$$ (mais placeur en net)
3 Allemagne : 5.250 Md$ (mais placeur en net)
4 France : 5.002 Md$ (mais placeur en net)
6 Italie : 2.328 Md$ (mais placeur en net)
20 Grèce : 505 Md$
21 Portugal : 485 Md$
44 Iraq : 68 Md$
60 Liban : 34 Md$
62 Égypte : 32,1Md$
69 Maroc : 21,2 Md$
70 Tunisie : 20,8 Md$
 
(2) Parmi les principaux IDE, on recense : Tunisiana + TunTel + Orange + BGT + Serept + Sitep + Ubci + BT + Atb + Biat ...+ Best, les ex banques de développement (TQB, BTE, Stusid), certaines Compagnies de Leasing, les 4 Cimenteries + SFBT + Henkel + Codépar + DéliceDanon + Cotusal + Astral + Air Liquide + Sicoac + Laboratoires pharmaceutiques + Nestlé + Monoprix ...
Les IDE sont plus coûteux que la dette, soit environ ≈ 12% de l’encours, ou 5% du PIB.
D’après l’INS, les dividendes nets payés à l’étranger par la Tunisie, qui sont le loyer des IDE, sont passés de 0,7MdD en 2000 à 2,5MdD en 2008 ; alors que le PIB s’est accru de 26,7MdD en 2000 à 49,5MdD en 2008. Cet écart de croissance est dû à l’augmentation des IDEs, mais surtout au fait qu’ils sont beaucoup plus rentables que la moyenne de l’économie nationale, dans la mesure où les IDE « écrèment» l’économie nationale en se positionnant sur les entreprises on-shore les plus profitables du pays (et paradoxalement faiblement exportateurs).
(2bis) : Etant donné que la profitabilité des IDEoff-shore est le plus souvent dégagée par le jeu de la tarification (achats, ventes), les IDE on-shore sont au moins rémunéré à 12% de leurs encours.  Même s’ils s’acquittent de la TVA et l’I/R, les IDEs coûtent 2,5 plus cher que la dette extérieure (12% contre 4,5% en moyenne).
(2ter) Il semblerait qu’il soit possible d’arrêter cette hémorragie - au moins temporairement - car la conversion des profits en devises n'est pas ratifiée par le parlement. Il ne s'agit que d'une "fleur" accordée par la BCT (www.bct.gov.tn/bct/siteprod/documents/cir9317.pdf) qui peut être suspendue surtout si l'urgence des besoins de première nécessité l'exige (subventions alimentaires et énergétique). Cela ne revient pas du tout à trahir nos engagements ni à confisquer les profits qui continueront à être payés en dinars.

(3) L'Etat devrait se dégager des secteurs de production pour se consacrer aux secteurs stratégiques et d'Infrastructure. Privatiser une Entreprise Nationale procure des Fonds Propres à l'Etat (nécessaires pour le Plan Marshall), augmente l'efficacité et la compétitivité de l'Entreprise, suscite des investissements d'extension, d'où de nouvelles créations d'emplois, ... et ceci sans coûter des fuites de devises  au titre de dividendes (pour les éventuels étrangers). Je me trompe peut-être, mais, c'est ce que je pense.

(4) : Simulation Endettement/PIB :
Encore  que le PIB additionnel, qui serait généré par le PRI (directement et indirectement), devrait permettre de couvrir aisément le service annuel de la nouvelle dette, soit environ 1,6 Milliards $ par an (Principal=1 + Intérêts=0,6). Pour ce faire, il est supposé dans la simulation que la nouvelle dette, débloquée par cinquième en 2011-2015, commencera à être remboursée à partir de 2016 jusqu'à 2025, à raison du dixième.