News - 08.05.2011

L'appel de Béji Caid Essebsi aux Tunisiens : aidez-nous à rétablir la sécurité

«J’avais d’autres déclarations à vous faire, mais comme vous m’en avez pas posé la question, on laissera cela pour une autre fois. » Interviewé dimanche soir par 3 journalistes de Watanya TV (Naima Jouini), Nessma (Rim Saidani) et Hannibal (Lotfi Laamari), le Premier Ministre, M. Béji Caid Essebsi n’a pourtant pas laissé les Tunisiens totalement sur leur faim. Une charge en règle réfutant les déclarations de Farhat Rajhi qu’il n’a pas hésité de qualifier de « menteur », confirmation de la volonté du gouvernement de maintenir la date du 24 juillet pour l’élection de la constituante, en dépit du retard pris,  sans exclure leur report « en cas de force majeur », mise en garde contre l'impact de la non-reprise économique, détermination à restaurer l’ordre et appel aux partis politiques et à la société civile pour dénoncer les fauteurs de troubles et contribuer au retour de la quiétude: les messages étaient clairs. Ce qu'il demande aux Tunisiens: patience, vigilance et relance.
 
 
En une heure, M. Béji Caid Essebsi devait répondre à une large panoplie de questions, son objectif étant de confirmer son propre leadership et celui du gouvernement et de rallier les forces politiques à son action. « Ni gouvernement de l’ombre, ni du soleil, je n’ai pas appris à partager l’exercice du pouvoir avec quiconque, je m’en acquitte en mon âme et conscience », affirme-t-il au sujet des allégations de Rajhi quant à Kamel Eltaief. Balayant un à un les affirmations de son ancien ministre de l’Intérieur (« il n ‘a travaillé avec moi que pendant 3 semaines et je n’étais pas satisfait de ses services »), il a bien souligné leur gravité prenant à témoins les incidents qu’ils ont provoqués et laissant à la justice, activée par le ministère de la Défense, de se prononcer à leur sujet. Le Premier Ministre n’exclut pas que Rajhi ait fait l’objet d’une manipulation orchestrée par des parties opposées au retour de l’ordre et à la tenue des élections à la date fixée,  refusant de les nommer mais écartant à cet égard une implication d’Ennahdha, en réponse à la question d’une journaliste.
 
«Chaque fois, fait-il remarquer, que la situation sécuritaire s’améliore et que le compromis politique se renforce, de nouveaux incidents sont fomentés pour torpiller ces acquis, afin de déstabiliser le processus engagé, citant la coïncidence troublante entre les déclarations de Rajhi et  l’accord de la Haute Instance sur l’article 15. »
 
«Nous connaissons bien les fauteurs de troubles et nous n’hésiterons pas à les dénoncer. Aussi, beaucoup d’argent circule, y compris de l’argent provenant de l’étranger; nous n’en avons pas pour le moment la preuve formelle, mais nous le saurons, précise-t-il. »
 
Bavures policières : M. Caïd Essebsi déplore les exactions commises soulignant que pour la première fois le ministère a présenté ses excuses aux journalistes victimes de ces incidents. Il a cependant expliqué le grand malaise vécu par les forces de l’ordre qui traversent une véritable crise de confiance, devant assumer la responsabilité d’actes commis sur instructions officielles reçues de leurs supérieurs. « Tout doit concourir, appelle-t-il à la solution de la situation et à la restauration de la confiance. » Quant aux snipers, il en a nié l’existence comme l’avait reconnu Rajhi.
 
Evasion des prisons : Même état d’esprit du personnel pénitentiaire estime-t-il, avec en plus des revendications salariales répétées et un relâchement. « Toutes ces questions seront prises en charge rapidement et sérieusement a affirmé M. Caid Essebsi. »
 
Retard dans la récupération des biens du clan Ben Ali à l’étranger et la tenue des procès en Tunisie : pour le Premier Ministre, « comprenant parfaitement l’impatience des Tunisiens, toutes les actions nécessaires ont été engagées, mais des délais pouvant paraître longs sont inévitables ». Quant à la tenue des procès, il a reconnu une lenteur relative dans l’instruction annonçant la décision de multiplier le nombre des juges d’instruction. Il n’a cessé d’affirmer, par ailleurs, son respect total de l’indépendance de la justice qui doit s’exercer en toute sérénité et équité.
 
Dégradation de la situation économique : « Le plan de relance économique exige des financements de l’ordre de 5 milliards de dinars par an sur 5 ans. Pour mobiliser ces montants importants, nous avons trouvé un bon écho auprès de nos partenaires, tout récemment le président de la Banque Mondiale était à Tunis et l’a bien confirmé, a indiqué le Premier Ministre. Aussi et pour la première fois, la Tunisie est invitée à la réunion du G8, ce mois-ci en France. Mais comment rassurer la communauté internationale et l’inciter à investir alors que les capacités de production sont plombées et que la sécurité n’est pas totalement assurée ? La révolution s’est déclenchée pour résorber le chômage et nous voilà perdre chaque mois 7000 emplois au lieu d’en créer. Regardez comment la saison touristique qui fait vivre plus d’un million de personnes est sérieusement compromise. Alors, je me demande, où sont les partis politiques pour nous aider à l’expliquer aux Tunisiens et à œuvrer pour cette relance. A l’exception de deux ou trois parmi eux, je n’ai pas vu les autres à l’œuvre. »
 
Concertations avec les partis politiques : « Je me réunirai avec leurs dirigeants dès le début de la semaine et j’y attache une grande importance.  Leur rôle ne se limite pas à participer aux élections et ils doivent contribuer à cet élan général que nous entendons imprimer au pays. »
 
Déficit de communication gouvernementale : « C’est vrai, reconnaît le Premier Ministre. Cela est peut être dû à ma conception de la conduite des affaires du gouvernement. Mais, là je m’y résout et je crée une cellule de communication. A temps, nous allons rendre publiques nombre d’informations. »
 
Libye : « La situation est dramatique et la souffrance du peuple frère et voisin est immense. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir.  Déclarer la guerre, impossible ! Ouvrir notre territoire, ou même de notre espace aérien, à des forces étrangères pour intervenir, c’est inacceptable. Il s’agit de notre souveraineté et de nos principes. Notre devoir est d’offrir hospitalité aux réfugiés et soins aux victimes. »