Imen Rabhi-Essafi, une carrière internationale à partir de Tunis
Heureuse lauréate du prix l’Oréal-UNESCO for women in science en septembre 2010, Imen Rabhi travaille sur le développement biotechnologique des molécules à usage thérapeutique et récemment sur les maladies infectieuses à l’Institut Pasteur de Tunis. Elle fait partie de ces personnes de l’ombre dont la reconnaissance internationale n’est pas toujours relayée au niveau de son propre pays, vérifiant l’adage, nul n’est prophète dans son propre pays. Parcours …
Lorsqu’elle débarque de Paris où elle née, Imen n’a que six ans en cette fin des années 1970 et elle ne parle pas un seul mot d’arabe. Malgré cela, ses parents veillent à l’inscrire, avec sa sœur jumelle, dans une école publique à Sidi Rezig, petite cité paisible de la banlieue sud de Tunis. C’est là qu’Imen passera son enfance avec ses sœurs, entourées de leurs chers et aimants grands parents, de leur tante et oncles et alternant des allers retour entre Tunis et Paris où résidaient leurs parents.
Les deux petites parisiennes sont d’abord l’objet de toutes les curiosités mais elles s’intègreront rapidement et se distingueront dans leurs études qu’elles poursuivront au lycée de jeunes filles de Radès. Dés leur jeune âge leurs parents et chère tante leur ont inculqué la noblesse de la recherche scientifique, le sens du dévouement et du travail. C’est tout naturellement qu’Imen s’engage dans des études de Biologie qu’elle entreprend entre L’Université Paris XIII et le Campus de Tunis.
En 2002, la jeune chercheuse intègre l’Institut Pasteur de Tunis pour une thèse en Biotechnologie moléculaire sous la conduite du Professeur Mohamed-Dahmani Fathallah qui débarque des Etats-Unis d’Amérique avec des idées de projets scientifiques brevetables et destinés à connaître des applications au sein dans l’industrie mondiale de la biotechnologie. Ce côté pragmatique de la recherche intéresse beaucoup Imen bien que les traditions universitaires tunisiennes étaient (et sont encore) réticentes à ce type d’approche, valorisant davantage la recherche académique qu’appliquée.
Imen soutient sa thèse avec brio à la fin de l’année 2007 et enchaîne avec un post-doc au laboratoire d’Immunopathologie, Vaccinologie et Génétique Moléculaire à l’Institut Pasteur dans l’équipe du Dr Lamia Guizani-Tabbane. Entretemps, elle donne des cours de Biochimie respectivement à l’Institut Supérieur de Biotechnologie de Monastir et de Sidi Thabet, se préparant ainsi à assumer une carrière complète d’enseignant-chercheur.
Entre ses publications scientifiques et ses séminaires, Imen tombe un jour sur un appel d’offres du projet l’Oréal-UNESCO for women in science qui octroie des prix aux jeunes femmes chercheurs issues des pays panarabes. Ces prix sont destinés à financer des projets scientifiques. Elle présente un projet qui porte sur l’étude de l’interaction Hôte-pathogène dans le cas de l’infection du macrophage par le parasite Leismania.major et dont l’objectif est la validation biologique de l’effet des infections dues au parasite leishmania sur le métabolisme du macrophage. Sur les 160 chercheurs femmes arabes qui présentent des dossiers, seuls cinq recueillent l’assentiment du jury, deux Egyptiennes, une Libanaise, une Saoudienne et la Tunisienne Imen Rabhi. Et c’est avec beaucoup de fierté qu’elle partira à Dubaï, pour recevoir son prix, d’une valeur de plusieurs milliers de dollars, qui tombe à point, comme elle le précise « au vu des budgets importants nécessaires pour mener des recherches actuellement dans notre domaine. Rien qu’un petit exemple : le prix d’une enzyme peut atteindre les 1.000 dollars ». En outre, ce prix lui permet d’assurer une visibilité internationale pour ses travaux dans la communauté scientifique et lui ouvre les portes de futures collaborations avec des laboratoires similaires ailleurs dans le monde. Une ambition qui serait en voie de concrétisation puisqu’Imen se prépare à passer un séjour dans un laboratoire aux Etats-Unis d’Amérique dans le cadre d’un projet de recherche international.
Cette reconnaissance internationale de la qualité scientifique de ses travaux réalisés exclusivement en Tunisie (2 brevets internationaux et plusieurs publications internationales) ne s’est cependant pas traduite par son acceptation dans le système universitaire tunisien où Imen, avec un CV non classique, échoue, depuis plusieurs années, au concours d’entrée au métier d’enseignant chercheur. Son statut demeure précaire (contractuelle depuis Septembre 2007). Elle ne baisse cependant pas les bras. Elle expliquera son courage ainsi : « La recherche est une passion, un processus d’apprentissage long, demandant beaucoup de persévérance et de travail acharné, la satisfaction ultime est le partage des résultats publiés avec la grande famille scientifique mondiale, une modeste contribution à la connaissance ». Elle ajoute : « j’ai beaucoup de chance d’être entourée par ma famille et mon mari qui m’encouragent sans cesse dans ce long chemin de la connaissance, j’ai sans cesse une grande pensée et une immense reconnaissance à ma tante défunte Latifa à qui je dois d’avoir appris à lire et à écrire. Mes pensées vont à mes chers Baba Hmid et Baba Slah, auprès de qui j’ai longuement discuté autour de l’histoire de la libération de mon pays, ces discussions seront à jamais gravées dans ma mémoire. Je terminerai par une citation que mon père et ma tante Latifa ne cessaient de me rappeler depuis mon jeune âge : «???? ????? ?? ????? ??? ?????».
Anissa Ben Hassine