Opinions - 02.03.2011

Quid de la gouvernance et de la transparence des partis politiques et des organisations syndicales en Tunisie?

La gouvernance désigne l'ensemble des mesures, des règles, des organes de décision, d'information et de surveillance qui permettent d'assurer le bon fonctionnement et le contrôle d'un Etat, d'une institution ou d'une organisation qu'elle soit publique ou privée, régionale, nationale ou internationale.

La gouvernance se définit également par la répartition judicieuse des pouvoirs de contrôle et de décision dans une organisation désignée. Ce concept, de plus en plus développé en théorie et en pratique, renvoi surtout aux notions de pouvoir et de contre-pouvoir.

Aujourd’hui, dans une Tunisie post-révolution, aspirant à une vie politique, sociale et économique dont le maître mot, serait la bonne gouvernance, nous assistons avec stupeur et inquiétude mais surtout avec beaucoup d’interrogations, à des positions et à des  agissements de plus en plus contestés du mouvement syndical notamment mais aussi de certains partis politiques.

Prenant d’abord le cas de l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT) : ce syndicat libre et historique, s’implique de plus en plus et d’une manière ostentatoire dans les décisions politiques et économiques concernant le présent et l’avenir de notre pays. Est-ce le rôle d’un syndicat de participer à un gouvernement ou de contester la nomination de ses membres ou de son chef ? Est-ce le rôle d’un syndicat d’être consulté sur un projet de feuille de route gouvernementale ou d’être impliqué dans le choix et la nomination des gouverneurs de la république ? Où était l’UGTT ou temps où Ben Ali décidait de tout et neutralisait tout contre-pouvoir ayant pour vocation ou pour objectif de contrecarrer ou même d’oser critiquer son mode de gouvernance ? Et à propos de gouvernance, quid de celle de l’UGTT aujourd’hui ?

Qui contrôle le bureau exécutif de ce syndicat ? Qui surveille les fédérations et les structures régionales ? Y’-a-t-il des garde-fous au sein de cette organisation ? Existe-il une séparation des pouvoirs entre le contrôle et la direction exécutive ? Les différentes parties prenantes sont-ils bien représentées ? Y-a-t-il un vrai système de gouvernance à l’UGTT ?

Si l’UGTT a la volonté de continuer encore à jouer ce rôle et à entraver la bonne marche d’un ensemble d’entreprises dans cette période sensible, il est urgent pour cette organisation de retrouver un minimum de légitimité et de crédibilité, en nous exposant son système de gouvernance et en nous expliquant clairement son organigramme, son mode opératoire, son processus de prise de décision, la représentativité de ses différentes structures et le contrôle de ses dépenses et de son bureau exécutif.

Il est de notre droit, comme citoyens, d’avoir un peu plus d’informations de la part de cette organisation qui doit développer plus de transparence et de fiabilité dans son fonctionnement et sa communication afin de mieux justifier son rôle et ses orientations pour le bien du présent et de l’avenir de la Tunisie.

De l’autre côté du spectre, quid de la gouvernance et de la transparence des partis politiques ? Aujourd’hui, quand on prend connaissance plus amplement, preuves à l’appui, des dérives de certains partis politiques, RCD en tête, on s’interroge sur le minimum de règles de transparence instituées dans ce pays ? Y a-t-il une charte qui définit les principes de base du jeu politique ? Le cadre constitutionnel actuel est-il adapté aux nouvelles exigences et aux dernières évolutions ?

Force est de constater aujourd’hui en Tunisie, une quasi-absence d’une institution de référence, indépendante et compétente en matière de gouvernance et de régulation de la vie politique. Une institution, à l’image d’un haut Conseil de l’Etat, qui statue sur les règles de conduite des partis politiques et sur le respect stricte de la constitution.     

Le financement, l’organisation, la communication et les périmètres d’action de ces partis doivent être bien définis, du moins dans les grandes lignes, et suivis pour assurer un contrôle minimum, interne et externe, afin d’éviter toute dérive et d’œuvrer pour l’intérêt d’une vie démocratique saine.

Hélas, la réalité sur le terrain est autre et on assiste, ébranlé et médusé, à des agissements très contreproductifs de la part de certains partis : financement externe occulte, actions de déstabilisation et poursuite d’intérêts personnels exigües, opacité et malversations avérées dans plusieurs cas….   

Notre pays qui vit aujourd’hui une transition très sensible, mais ô combien vitale pour la suite du processus démocratique, a plus que jamais besoin d’une charte d’éthique politique qui définit clairement les règles élémentaires et les principes de base d’organisation et d’évolution des partis politiques, et de toute organisation gravitant autour de ces mêmes partis ou ayant la moindre implication dans la vie politique nationale.  
 

Dr. Moez JOUDI
Expert international en gouvernance et en stratégie des organisations
Vice-président de l’Institut Tunisien des Administrateurs (ITA)