News - 13.02.2011

Bob Simon, le journaliste-vedette de CBS à Tunis: M.K. Nabli et S. Amamou, interviewés

« It is a big story, a very big one, i have to be in Tunis to tell about it! » Bob Simon, 70 ans, le journaliste TV américain le plus primé au monde, et vedette de la chaine CBS où il présente sa célèbre émission « 60 minutes », n’a pu résister à l’appel de la révolution tunisienne. A la tête d’une forte équipe de production, il a débarqué vendredi à Tunis, pour une série d’interviews et de reportages, le conduisant jusqu’à Sidi Bouzid. Parmi ses invités, Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie Slim Amamou, icône de la cyberlutte et secrétaire d’Etat à la jeunesse. Mais aussi d’autres acteurs de la révolution, ainsi que des victimes de Ben Ali et de son clan.

 

Bob Simon est une véritable institution du journalisme TV des grands évènements. Depuis le début des années 70, il est en première ligne de l’actualité brûlante : le Vietnam, le Liban,  l’intifadha, Israël, l’invasion du Koweït, la Bosnie, l’Irak, etc. Son nom et ses reportages sont liés aux grandes guerres et nobles causes, à tel point que pour de nombreux américains, un événement de par le monde n’a de réelle importance que s’il est couvert par Bob. La seule fois qu’il est venu en Tunisie, c’était dans lors de l’arrivée des Palestiniens, pour interviewer Yasser Arafat.

 

Grand spécialiste du monde arabe où il a été basé pendant plus de 20 ans, il en a connu tous les dirigeants ainsi que leurs dissidents significatifs. C’est aussi dans cette région qu’il a failli périr, lors de la guerre du Golfe, lorsque le 25 janvier 1991, il a été fait prisonnier, ainsi que son équipe, par l’armée irakienne, non loin des frontières koweitiennes et saoudiennes. Emprisonnés à Bagdad, il a subi pendant près de deux mois d’atroces tortures, avant d’être finalement libéré, comme il le racontera dans un livre remarquable. Loin d’être échaudé par cette mésaventure, il a continué à faire son travail, avec encore plus de conviction.

 

« Exceptionnelle »

 

« En fait, dira-t-il à Leaders, ce qui se passe en Tunisie est tout à fait exceptionnel, par rapport à tout ce qu’a vécu le monde arabe durant plusieurs dizaines d’années. Une révolution qui n’a rien à voir avec toutes les précédentes et qui en déclenchera beaucoup d’autres. J’aurais tant voulu venir, dès le premier jour, pour essayer de comprendre et en parler. Et, je suis impressionné, par ce que je viens de voir et recueillir comme témoignages.» L’exemple tunisien servira-t-il de déclencheur en Afrique sub-saharienne et Amérique Latine ?  « C’est différent, dans ces régions. Mais, son impact immédiat sera dans le monde arabe, répond-il ? »

 

Ce samedi matin, à Dar El Jeld, l’équipe de CBS est à pied d’œuvre depuis très tôt, pour installer les lumières et les caméras, alors que Bob Simon et ses assistants révisent les questions des interviews. Les techniciens sont arrivés de Cape Town en Afrique du Sud et d’Italie, alors que les assistants viennent directement de New-York. Ils avaient tous précédé Bob pour préparer les tournages. A 10 heures, Slim Amamou débarque avec le Dr Zied Mhirsi (Zizoo). Tenue décontractée et anglais parfait, l’interview commence. Bob « cuisine » son invité, revenant sur des détails, explorant le mental, cherchant les vrais ressorts. Comment les réseaux sociaux ont-ils pu acquérir toute cette puissance d’alerte, de mobilisation et de lutte ? Pourquoi ce sont les jeunes qui ont conduit la révolution ? A quel avenir se prépare désormais la Tunisie ? Puis, il posera l’inévitable question : A qui le tour, après la Tunisie et l’Egypte ? Slim dira que tout pays qui vit dans des conditions similaires.

 

Le plus grand défi pour Mustapha Kamel Nabli

 

Changement de décor, l’équipe s’installe à quelques mètres, au Diwan Dar El Jeld, pour recevoir Mustapha Kamel Nabli. Ponctuel, costume bleu clair et chemise à col ouvert sans cravate, le gouverneur de la Banque Centrale, PhD de l’UCLA, a humblement le look d’un grand universitaire beaucoup plus que d’un directeur à la Banque Mondiale. Bob Simon, lui, a mis un beau costume et une cravate rouge : « pour bien recevoir une figure de la trempe de Mr Nabli, confiera-t-il à Leaders. » A force de potasser ses notes, il sait qu’il a affaire à « une grosse prise » qu’il interrogera pendant plus de 45 minutes. 

 

Tout y passe : comment a-t-il appris la fuite de Ben Ali ? Où était-Il exactement ? Pourquoi a-t-il accepté de renoncer à son poste à Washington et revenir présider aux destinées de la BCT ? Quel est l’état des lieux ? Comment était structurée la corruption ? Combien le clan déchu a-t-il pillé ? Quelles sont les véritables origines de la révolution ? Comment se présentent les finances ? A quelles conditions l’économie pourra-t-elle redémarrer ? La Tunisie pourra-t-elle devenir un nouveau tigre ? Et des dizaines d’autres questions. Lorsqu’il en oublie une, ses assistants profitent de la première pause, pour la lui rappeler. Puis, vient la fatidique question : « Who is next ? » 

 

Mustapha Kamel Nabli y répondra avec perspicacité sans désigner un pays particulier, mais citant des conditions appropriées. Bob Simon sort alors sa dernière charge : « je comprends parfaitement que vous ne pouviez-pas le prédire avec certitude, mais, vous pouvez certainement nous dire, ce que vous, vous comptez faire, seriez-vous candidat ? » Réponse immédiate, sur un ton calme et déterminé : «  je n’y pense pas du tout. Je me concentre uniquement sur le double défi qu’il appartient à la Tunisie de relever le plus rapidement possible : le retour de la sécurité et la reprise économique. »

 

Bob en est bien impressionné et le félicite, sincèrement, de sa prestation. Maintenant, pour connaître les réponses, ou du moins ce qui en sera retenu, il va falloir attendre le dimanche 20 février pour regarder l’émission sur CBS et suivre cette grande édition spéciale consacrée à la Tunisie.