Conseil de sécurité: Vives contestations de la reconnaissance du Somaliland par Israël
New – York – Communiqué - Après la reconnaissance officielle du Somaliland en tant qu’État indépendant et souverain, le 26 décembre, par le Premier Ministre israélien, la réunion du Conseil de sécurité convoquée à la demande des A3+ (Algérie, Guyana, Sierra Leone et Somalie) a entendu (lundi 29 décembre 2025) de nombreuses délégations s’opposer à cette mesure qualifiée d’illégale. Le Sous-Secrétaire général chargé du Moyen-Orient, de l’Asie et du Pacifique a fait part des nombreuses réactions d’opposition dans la région et au-delà. La Somalie, en premier lieu, a dénoncé la déclaration d’Israël, tandis que celui-ci l’a justifiée par une coopération de longue date avec le Somaliland et des arguments historiques.
Pour le Somaliland, la décision d’Israël est historique et fondée sur des principes; elle serait une étape vers la légitimité internationale, l’établissement de relations diplomatiques complètes et un développement de la coopération, a rapporté le Sous-Secrétaire général Mohammed Khaled Khiari avant de souligner la réaction immédiate du Gouvernement fédéral de Somalie réaffirmant son attachement « absolu et non négociable » à sa souveraineté, à son unité nationale et à son intégrité territoriale.
La Somalie, a informé M. Khiari, a donc rejeté catégoriquement et sans équivoque toute reconnaissance visant à remettre en cause ces principes consacrés par sa Constitution provisoire, la Charte des Nations Unies et l’Acte constitutif de l’Union africaine. « Cette reconnaissance est nulle et non avenue, sans effet juridique ni politique au regard du droit international », a confirmé le délégué de la Somalie en déclarant ne vouloir tolérer aucune base militaire étrangère ni aucun arrangement de nature à importer des conflits par procuration.
Sur le plan international, M. Khiari a souligné les vives réactions de nombreux États et organisations régionales qu’ont suscitées la déclaration d’Israël. Il a cité à ce titre la Ligue des États arabes (présente à la réunion), la Communauté d’Afrique de l’Est, l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et l’Union européenne. De même, la Commission de l’Union africaine (UA) a mis en garde contre un « dangereux précédent » aux implications profondes pour la stabilité du continent.
Rejet quasi-unanime et craintes pour la région
La Somalie, au nom des A3+, a condamné avec force une attaque directe contre son unité et son intégrité territoriale. Le Somaliland ne saurait être reconnu comme entité indépendante ni entrer dans un quelconque accord juridique international, a-t-elle martelé, jugeant tout arrangement allant dans ce sens « nul et non avenu ». Cette reconnaissance constitue selon la Somalie « une violation directe de la Charte de l’Union africaine et des principes fondamentaux du droit international », visant à encourager le morcellement du territoire somalien et à déstabiliser la Corne de l’Afrique ainsi que la région de la mer Rouge.
Les A3+ ont appelé à rejeter et condamner sans équivoque cette « action illégale qui met en péril les fondements mêmes de l’ordre international ». Ils ont dénoncé une tentative visant à promouvoir la réinstallation forcée de Palestiniens dans des territoires tiers, des mesures qualifiées d’illégales et moralement répréhensibles, contraires au droit international et à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice relatif au déplacement forcé des populations.
Cette même crainte a été exprimée par le Pakistan, l’Égypte et la Ligue des États arabes pour laquelle cette reconnaissance israélienne illégale s’inscrit dans une tentative dangereuse de redessiner la carte géopolitique en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, au large des côtes somaliennes. L’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA souligne la nécessité de respecter les frontières en vigueur au moment de l’accession à l’indépendance, a rappelé l’observateur de cette organisation continentale.
Israël a justifié la reconnaissance du Somaliland par une coopération de longue date, relevant qu’Israël figure parmi d’autres pays ayant reconnu l’indépendance de cette entité. Le représentant israélien (… a déclaré que cette reconnaissance est conforme aux principes des Accords de paix des Accords d’Abraham).
La délégation des États-Unis a pour sa part mis en avant le droit d’Israël d’établir des relations diplomatiques avec tout État souverain. (…)
Le respect de l’intégrité territoriale de la Somalie avant tout
Répondant aux déclarations d’Israël, la Somalie a rejeté avec force toute accusation de génocide portée contre elle, qualifiant ces allégations de « ridicules ». La Somalie est un pays uni, lié par une même religion et un même sentiment national, a-t-elle déclaré en affirmant que le Somaliland constitue une partie intégrante du territoire somalien, héritée de la période coloniale britannique. La Somalie a jugé inacceptable toute « leçon de morale » sur les droits humains, l’indépendance ou la démocratie. Pour elle, il s’agissait d’un affront à la dignité nationale et à la réalité historique du pays.
De nombreuses délégations ont plaidé pour le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Somalie, la primauté du droit international et le maintien de la stabilité régionale dans la Corne de l’Afrique, la mer Rouge et le golfe d’Aden. Le Royaume-Uni a rappelé qu’il ne reconnaît pas l’indépendance du Somaliland. « Toute modification de son statut doit résulter d’un accord mutuel entre Mogadiscio et Hargeisa, par le dialogue et conformément à la Charte des Nations Unies. » Cette délégation a salué les progrès démocratiques récents en Somalie et appelé à un consensus politique inclusif.
Le Somaliland fait partie intégrante de la Somalie et aucun État ne doit s’ingérer dans ses affaires intérieures, a aussi martelé la Chine. Elle a appelé à la cessation de toute activité séparatiste et à la reprise du dialogue avec le Gouvernement fédéral somalien. La France a réitéré son attachement à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Somalie, son opposition à tout déplacement forcé de populations civiles et son soutien à la résolution des différends internes par le dialogue.
Préoccupée par « une décision politiquement motivée d’Israël », la Fédération de Russie a prévenu que cette mesure est porteuse de risques d’escalade régionale. Elle a aussi appelé à un règlement des différends intra-somaliens par un dialogue national inclusif, sans ingérence extérieure. Le Pakistan a condamné une reconnaissance « unilatérale et illégale », y voyant une atteinte directe aux frontières internationalement reconnues de la Somalie et un risque de répercussions graves pour la paix et la sécurité régionales et internationales. Il a également rejeté toute référence au Somaliland comme destination potentielle de déportation de Palestiniens.
Pour beaucoup, un précédent dangereux
Djibouti s’est inquiété du « précédent dangereux » que constitue la décision d’Israël, susceptible d’aggraver les tensions régionales, d’encourager les groupes armés et terroristes et de saper les acquis des efforts conjoints de l’ONU, de l’UA et du Gouvernement somalien. L’Afrique du Sud, s’appuyant sur le principe d’uti possidetis, a qualifié la reconnaissance israélienne de violation flagrante du droit international.
Quant à l’Égypte, elle a fait remarquer que la sécurité et la stabilité de la Somalie sont indissociables de sa propre sécurité. Toute action susceptible d’attiser les troubles en Somalie aura non seulement des répercussions dans le pays, mais risquera aussi de semer l’incertitude et de déstabiliser l’ensemble de la région. De plus, cela confortera les organisations terroristes, notamment les Chabab, dans leur volonté d’exploiter la situation actuelle et d’étendre leurs activités terroristes.
La plupart des délégations ont conclu que le Conseil devait agir pour empêcher toute escalade susceptible de déstabiliser la région. L’accent a été mis sur l’importance de privilégier des solutions fondées sur le droit international et la coopération multilatérale afin de préserver la stabilité en Somalie et dans l’ensemble de la Corne de l’Afrique.
M. Khiari a d’ailleurs rappelé que la nécessité du respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’indépendance politique et de l’unité de la Somalie avait été rappelée dans la résolution 2809 (2025) du 23 décembre. Il a encouragé les parties prenantes somaliennes à s’engager dans un dialogue pacifique et constructif, en rappelant en particulier le communiqué de Djibouti de 2023 relatif aux pourparlers entre le Gouvernement fédéral de Somalie et le Somaliland.