Tahar Bekri: Je voudrais t’aimer monde
Loin des ailes sombres
Des sirènes Des feux qui déchirent ton ciel
Des cimetières anonymes Des maisons comme des tombes
Je voudrais t’aimer monde
Champ de blé gerbe d’épis bercés par les envolées
Des oiseaux migrateurs par-dessus les plaines
Nourricières les vallées dans la résonance des chants libres
Ce vent emportant mon pollen jusqu’à l’éclosion de tes saisons
Un bourgeon compagnon de l’autre les fruits en partage
Loin des visages de l’ombre
Des bottes d’enfer Des balles sifflantes Des plombs durcis
Des mots aux venins versés sur les ondes de l’abîme
Je voudrais t’aimer monde
Tournesol veillant sur les chemins de lumière
Sans épouvantail les pétales s’alliant à ta beauté
Où que tu te tournes se trouve le rêve
Ami des rivières les roselières dans le zéphyr
Disant à l’eau sois douce pour l’océan
Tant de sels alourdissent sa houle
Loin des abandonnés dans les décombres
Des potentats aux griffes de vautours
Leurs becs grand-ouverts comme des mâchoires le sang autour
D’invasion en spoliation, ennemis des primevères
Je voudrais t’aimer monde
Amandier en fleurs oranger suave olivier debout
Chanson remplie comme une coupe par les soirs de retour
Un verre s’élève l’autre se pose entre l’horizon et le rivage
Les vagues apportant tes embruns flocons de caresse
Loin des fosses en nombre
Des murs qui séparent des pierres qui se lamentent
Des drones Des chars Des appareils de haine
Marchant sur mon poème les césures béantes
Les stigmates des balles sur le front des demeures
Je voudrais t’aimer monde
Fenêtre ouverte sur le monde sans barreaux ni chaînes
Ma plume attachée aux lueurs du jour
Les pas rythmés sur les lignes aux rencontres festives
Les baisers comme des sillons fertiles
Loin des errants qui sombrent
Des camps indignes Des dunes ondulantes
Dans l’effacement des traces les ensablements sans gloire
L’Histoire au gré des arrogances poussière
Je voudrais t’aimer monde
Pluie attendue sur les paumes en prière
Palmeraie aux portes de la mer vivante
L’eau arrivant aux parcelles reine des séguias
Tant de miracles surgis des sources
Tes verdures larges hautes offrandes
Loin des pluies acides des nuages toxiques
Des nappes orphelines des tourterelles tristes
Sur les cimes des adieux dans la solitude
Je voudrais t’aimer monde
Vol d’hirondelles accueillant ton soleil qui se couche
Par les nuits où se dessine ta voie lactée
De vision en vision l’utopie remuée
Songe dissipant les raisons obscures
Loin des affres de l’exil
Des naufrages De la terre qui tremble Des nuées nuisibles
Des arbres réduits en cendre Des forêts qui flambent
L’une tombe l’autre s’effondre
Je voudrais t’aimer monde
Port d’attache Parole de salut érigée comme un sourire
Les Humains des poignées de rosée fraternelle
Serrées par les matins où éclosent tes soleils
Invitant les sept merveilles
Ô monde !
Tahar Bekri