Budget économique 2026: Cinq grands choix nationaux
Année charnière inaugurant le nouveau plan de développement économique et social 2026-2030, 2026 a été fondée sur cinq grands thèmes principaux retenus par le gouvernement. Ces choix portent sur l’emploi, le capital humain, la compétitivité, le développement régional et l’inclusion du développement dans sa globalité. Pour chacun de ces axes, le gouvernement a inscrit, outre la poursuite des projets en cours, de nouveaux programmes conçus sur la base des indicateurs actualisés, les prévisions et les attentes.
Ni ligne TGV, ni nouvel aéroport, ni ville nouvelle ou autres grands mégaprojets structurants ne figurent au titre de 2026. Le projet de budget économique a été voulu « réaliste », affirme le gouvernement, en le présentant fin octobre devant les élus des deux chambres du parlement. Le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Abdelhafidh, prudent, mais restant optimisme, n’a pas caché les différentes contraintes, tout en mettant en exergue des indices précurseurs de reprise. Malgré un déficit de la balance commerciale couvert à 75% par les transferts des Tunisiens à l’étranger et les recettes touristiques, la baisse de l’extraction du phosphate et de la production pétrolière, la maîtrise de l’inflation, le taux de couverture des importations à plus de 100 jours, l’amélioration du rating, l’accroissement des investissements et la bonne récolte oléicole augurent de perspectives meilleures.
L’objectif de croissance du PIB est fixé à 3.3%, contre des prévisions de 2.6% en 2025, pouvant augmenter à fin décembre. Elle se détaille comme suit:
• Agriculture: 2.9%
• Industrie: 4.8%
• Services: 2.9%
Cet objectif est considéré comme « significatif», bien qu’il ne réponde pas aux impératifs de création suffisante d’emplois et de relance économique accélérée. Le revenu individuel croîtra de 7.4%, pour atteindre 15 691 D.
L’efficience énergétique occupe une place centrale dans les objectifs de développement. Une augmentation substantielle et rapide de la capacité de production d’énergie photovoltaïque est indispensable pour combler le déficit énergétique, renforcer la compétitivité et bénéficier des opportunités qui s’offrent à la Tunisie.
La compression de l’inflation (de 6.5% en 2024 à 5%, à fin septembre 2025) demeure une priorité, exigeant la poursuite de l’amélioration de l’offre, la maîtrise de l’approvisionnement des marchés et leur contrôle. Les deux augmentations successives du Smig en 2025, décidées pour la première fois au cours d’une même année, entendent accroître le pouvoir d’achat, pour faire face à la hausse du coût de la vie qui demeure persistante.
La Tunisie, qui compte parmi ses points forts sa stabilité politique et sa cohésion sociale, doit répondre plus efficacement à des défis majeurs. Il s’agit de résorber la persistance du chômage, notamment celui des jeunes diplômés, réduire le déficit commercial, s’investir dans la transition énergétique, accélérer son programme de réformes, et renforcer la gouvernance des entreprises publiques avec une stratégie soutenue en faveur des entreprises en difficulté.
S’agissant de la première année du nouveau plan, un «message de considération » a été adressé aux conseils locaux « en reconnaissance de leurs efforts dans la formulation de leurs propositions ». C’est ainsi que 583 projets, pour un montant de 940 MD, sont proposés dans le budget de l’Etat pour l’année 2026. Ils concernent principalement l’infrastructure de base, les équipements collectifs et l’agriculture. Est-ce une anticipation par rapport à l’adoption par les deux Chambres parlementaires? Nullement, répond le gouvernement, mais une réponse immédiate à des actions urgentes qui ne sauraient susciter objection.
Le budget économique pour 2026 mentionne par ailleurs une série de projets de loi en cours d’élaboration. Il s’agit notamment des codes des eaux, des énergies nouvelles et renouvelables, du statut des personnes âgées, des pensions de divorce et des enfants à charge, du statut des conseils municipaux, du placement à l’étranger, et autres. Le code de l’urbanisme, la réglementation du commerce électronique et la loi sur l’enseignement supérieur privé seront révisés.
Emploi, promotion des sociétés communautaires et inclusion sociale
Renforcement de l’employabilité des jeunes, partenariat avec de grands employeurs afin de répondre à leurs besoins en assurant la formation et le perfectionnement demandés, et exploration de nouveaux métiers sont fixés parmi les priorités. Il s’agit également de l’adoption de la stratégie nationale de l’emploi, du démarrage de l’élaboration des plans régionaux, de la révision des programmes du Fonds national pour l’emploi, et d’une nouvelle conception de la filière nationale de l’accompagnement et de la formation. L’année 2026 doit voir adopter un projet de loi relatif au placement à l’étranger et la publication de ses textes d’application.
La constitution des sociétés communautaires ne cesse de progresser. C’est ainsi que 255 sociétés ont obtenu, à fin août dernier, leur identifiant fiscal et 220 sociétés ont été inscrites au registre national des entreprises. Parmi elles, 157 entreprises ont bénéficié de la subvention d’accompagnement. L’accès à la ligne de crédit créée par la loi de finances pour 2023 a été prorogé à fin 2027 et un montant additionnel de 35 MD sera alloué à des conditions préférentielles.
L’aide mensuelle aux familles nécessiteuses a été augmentée de 240 à 260 D et élargie au profit de 385 000 bénéficiaires, dans une action appelée à se poursuivre.
Le parc des logements sociaux sera renforcé par la construction de 913 nouveaux logements, outre l’avancement des chantiers de construction de 2 926 habitats déjà en cours.
L’action en faveur de la famille et des personnes âgées sera marquée en 2026 par l’adoption d’un projet de loi relatif à la pension de divorce et celle de la garde des enfants ainsi que le statut des personnes âgées reposant notamment sur une prise en charge sanitaire et sociale et une priorité d’accès à une série de prestations.
Développement du capital humain
Approche transversale, elle vise à renforcer les ressources humaines et les compétences nationales, ce qui nécessite la promotion de la qualité de l’enseignement, l’introduction de l’enseignement digital dans tous les cycles, et le renforcement de la formation professionnelle. Cet axe porte également sur l’encouragement de la recherche scientifique et de l’innovation, le développement des activités sportives, et le soutien à la culture. La santé demeure une pierre angulaire, tout comme l’attention à porter à l’enfance.
La gouvernance de la filière des médicaments, le développement des industries pharmaceutiques avec notamment une cartographie pour la production des vaccins, et la numérisation des services de santé ainsi que la création d’un hôpital numérique de téléconsultations s’ajoutent aux divers projets de construction d’hôpitaux et de centres spécialisés. De plus, un fichier national de patients non- résidents sera constitué.
En matière d’enseignement, début 2026 verra la mise en place opérationnelle du Conseil supérieur de l’éducation, son installation dans son nouveau siège et l’élaboration de son règlement intérieur. Un projet d’amendement de la loi 2000 -73 relative à l’enseignement supérieur privé ainsi que la révision de ses cahiers des charges est en cours d’élaboration. Le projet de connexion au réseau internet à haut débit de l’ensemble des établissements scolaires sera finalisé et des réseaux internes de communication y seront installés, ce qui facilitera l’utilisation des supports pédagogiques interactifs.
Renforcer l’investissement et améliorer la compétitivité
L’amélioration du climat des affaires repose notamment sur la simplification des procédures et la suppression de nombreuses autorisations préalable ainsi que la révision de cahiers des charges inappropriés. L’amendement du décret gouvernemental N° 417 – 2018 fixant la liste des activités économiques soumises à autorisation est très avancé. Aussi, pas moins de 100 cahiers des charges sur les 167 en vigueur, couvrant 16 domaines, auront été révisés d’ici à la fin de cette année. Plus généralement, une revue de l’ensemble du dispositif législatif et réglementaire concernant l’investissement interviendra en 2026, avec notamment la mise à jour des secteurs prioritaires.
Parmi les mesures envisagées pour le développement des industries mécaniques figure le projet d’aménagement d’une ville intelligente pour les industries automobiles, s’étalant sur 300 ha, et dotée d’une infrastructure technologique avancées. Elle permettra d’accueillir des projets de composants automobiles innovants à même de renforcer la compétitivité du secteur. Le développement de l’infrastructure industrielle bénéficiera de la mise à disposition de nouveaux fonds fonciers et de restructuration de certaines zones existantes, ainsi que la construction de locaux industriels.
Le secteur des technologies de la communication prévoit la généralisation en 2026 de l’interconnexion entre tous les organismes administratifs, le déploiement à plus grande échelle du réseau 5G, et l’extension des paiements électroniques. Une mise à jour du statut réglementaire du commerce électronique sera entreprise tant pour développer les pratiques sur le marché intérieur que pour promouvoir les transactions avec l’étranger.
Développement régional
La gouvernance du programme de développement régional intégré sera révisée pour une meilleure efficience. Les projets répondront davantage aux besoins effectifs prioritaires et aux nouvelles exigences de transition énergétique et de développement durable. Un projet de loi relatif au statut des conseils municipaux sera finalisé et le code de l’urbanisme revisité.
Inclusion du développement dans sa globalité
La prise en compte des dimensions économique, sociale et environnementale est réitérée à la faveur de programmes spécifiques. L’attention en matière d’agriculture porte sur l’approvisionnement continu des aliments pour bétail et volailles, le soutien à l’exportation, notamment de l’huile d’olive, la préservation des forêts, la lutte contre la pêche anarchique, le développement du dispositif hydraulique, et l’interconnexion des barrages. La promulgation du code des eaux, escomptée en 2026, mettra en place des outils efficaces pour une gouvernance appropriée. Pour ce qui est de l’eau potable, la Sonede a programmé la rénovation de 200 km de canalisations et l’accroissement de sa capacité de production à 829.4 millions de m3.
C’est en somme un budget économique axé sur la continuité et la prudence, prévoyant une croissance modérée mais mieux structurée. Il cherche à stabiliser la macroéconomie, stimuler la croissance par la compétitivité et préparer la transition énergétique et numérique, tout en renforçant la cohésion sociale. Son succès dépendra de la mise en œuvre effective des réformes, de la mobilisation de l’investissement privé, et de la résilience face aux risques externes.
Les hypothèses macroéconomiques de référence
| 2025 | 2026 | |
| Demande extérieure adressée à la Tunisie (%) | 0.2 | 1.4 |
| Céréales (en millions de quintaux) | 20 | 18 |
| Olives à huile (en milliers de tonnes) | 1700 | 1700 |
| Phosphates (en millions de tonnes) | 4.5 | 5.5 |
| Touristes (en millions) | 11 | 11.5 |
Les prix internationaux de référence
| Brent (le baril) | 63,6 US $ |
| Phosphate (la tonne) | 160 US $ |
| S DAP (la tonne) | 550 US $ |
| Blé tendre (la tonne) | 227 US $ |
| Huile d'olive (le litre, en moyenne) | 4,6 euros |