Zoubeida khaldi: La petite gazelle de Gaza

Même si les mots sont pâles, las et creux,
Je voudrais dire, ne serait-ce qu’un peu,
Dire mon amour et mon admiration
Pour les suprêmes Sages de Sion,
Ces gentlemen tout empathie et compassion.
Comment ne pas se prosterner
Devant ces êtres, à grandir, destinés?
Comment ne pas être reconnaissant
A ces artistes dans le sang, oui, dans le sang?
Nous leur devons tant et tant depuis longtemps.
Magiques, ces gens! Grâce à eux, l’Orient
Va enfin devenir grand et même grandiose
Avec des horizons bleus et roses. Qui ose
Douter de leur abnégation et de leur beauté?...
Avec humilité, ces sauveurs de l’humanité
Apportent la vérité et nous tirent de l’obscurité.
Un bonheur sans borne, avec eux, nous attend.
Comment ne pas leur être reconnaissant?
A moins d’être une personne épouvantable
On ne peut qu’adorer ces êtres adorables.
Ces infiniment grands aiment les infiniment petits.
Jour et nuit, ils pensent à notre bonheur d’ailleurs et d’ici,
Ils viennent justement de trouver un raccourci
Qui mène droit aux éternels paradis
Seul un salaud ne salue pas ceux qui pensent à son salut!
Pour être un élu et connaître le bonheur absolu,
Faut suivre leurs vénérables druides,
Qui, avec une faucille en or, ont ouvert un chemin fluide.
Suivez donc ces infaillibles guides!
Venez! Vers le paradis faut-il vous trainer,
Solidement enchaînés?
Dépêchez-vous! Le chemin est tout tracé.
Jésus, Mohammed et même Moïse, c’est dépassé!
Aux oubliettes, ces pauvres croyances rances!
L’abrahamique-maçonnique, en masses, embrassez!
Cette religion rentable rend les gens beaux et agréables...
De plus, elle doit faire le bonheur du père Abraham,
Qui, d’aise, dans sa tombe, doit se retourner.
Sauvez du feu votre corps et votre âme!
Venez vite, venez ! Ne faut pas se débiner!
Écoutez-les quand ils veulent vous enseigner
Comment Dieu, après eux, vous devez adorer!
Quand, du monde ils tiendront fermement les rênes,
Nous allons tous nous retrouver rois et reines...
Plus d’horreur, ni de laideur, ni de douleur!
Le monde sera si beau et si zen,
Sans guerres, ni misère, ni mauvaise haleine,
Sans peines, ni une once de haine,
Que l’on ne les remerciera jamais assez.
Les a-t-on jamais vu trahir? Loin d’eux tout vil désir!
Promesses fermes, zéro germe. Souriant avenir.
Ni affliction, ni tristesse! Jeunes et vieux en liesse...
Plus-value des terrains et des vertus... Paix, richesse...
Et aux colombes cent pour cent bons faucons,
Ovations, Nobel et noblesse...
Mille fois Mille années heureuses nous connaîtrons.
Une kippa sur le crâne, nous crânerons,
Chanterons et fêterons soir et matin,
Ce gai présent et nos chantants lendemains.
Saura-t-on leur être assez reconnaissant?
Ces géants portent tous les fardeaux avec grâce
Et ne cessent de vaquer au bonheur de toutes les races...
Unis et amoureux les uns des autres, nous vivrons.
Comment, devant eux, ne pas tomber en pâmoison?
Aucun peuple ne leur arrive à la cheville.
Le reste vers, peu luisants, et nuisibles chenilles.
Lumière dans la nuit, ces hommes, les meilleurs,
Savent redonner à la vie sens, parfum et couleur.
De ces vaillants guerriers, la peur est inconnue.
A mains nues, ils escaladent les monts et les nues,
Mais n’aiment guère la guerre. Et comment la faire,
Quand ils ne voient en nous que de tendres frères?
Pas étonnant que leurs fans soient frénétiques!
Mais comment font-ils pour être aussi magnanimes
Et aussi magnifiques ?
Et quand on est aussi beau, nul besoin d’armes.
Rien qu’avec leur charme, des armées, ils désarment.
Devant leurs inédits exploits, on reste coi et ... de joie,
Les plus durs, d’entre nous, fondent en larmes...
Comme il se doit, je voudrais les remercier un à un
D’être infiniment beaux et infiniment humains.
Et là, puis-je vous lire une lettre trouvée à Gaza?...
Celle d’une gazelle ayant vécu ce qu’ils ont vécu là-bas:
«Vous, fats faux dieux faits, non d’argile, mais de fange,
Autant assoiffés de sang que de louanges,
Qui avez refusé à des nuées d’innocents et d’anges
La vie, l’abri, l’air, l’eau et le pain...
Qui avez tué, sans regret, l’amour et la beauté des matins...
Qui avez de sombres liens, des liens bien forts
Avec le mal absolu, le malheur et la mort...
Savez-vous que votre loi ne sera pas?...
Savez-vous ce qui, bientôt, naîtra
De ces monts de cadavres et de gravats?
Même si vous changez l’eau en vin,
Qui vous pardonnera demain?
Un jour prochain, devant Dieu, on se verra.»
—Mais belle Gazelle, lui dis-je, pourquoi tant de passion?
—Ainsi parlent les gazelles, répliqua-t-elle,
Quand elles se meurent d’admiration.
Bah, me suis-je dit, point ne nous fâchons!
Que chacun aime et admire à sa façon!
Zoubeida khaldi