Opinions - 19.09.2025

Reconnaissance de l’État palestinien : une illusion diplomatique qui masque l’urgence des sanctions ?

Reconnaissance de l’État palestinien : une illusion diplomatique qui masque l’urgence des sanctions ?

L’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté, le 12 septembre 2025, à une large majorité, une résolution appelée «Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États». Présentée comme une avancée diplomatique majeure, cette reconnaissance n’est pourtant qu’un trompe-l’œil. Elle ne met fin ni à l’occupation, ni aux bombardements, ni au processus d’extermination à Gaza. Elle ne protège pas le peuple palestinien et ne contraint pas l’entité sioniste à respecter le droit international.

La fiction des deux États: de 1967 aux accords bilatéraux de normalisation

La «solution des deux États», issue de la guerre de 1967 et consacrée par la résolution 242 du Conseil de Sécurité, n’a jamais été autre chose qu’une construction illusoire. L’ONU y appelait à un retrait israélien des territoires occupés, en échange d’une reconnaissance mutuelle et d’une coexistence pacifique. Cinquante-sept ans plus tard, force est de constater que cette logique n’a produit que l’inverse: une colonisation accélérée, une fragmentation du territoire palestinien et un affaiblissement systématique de ses institutions.

Dans les années 1990, les Accords d’Oslo, portés par Yitzhak Rabin, semblaient ouvrir une fenêtre historique vers une coexistence pacifique. La reconnaissance mutuelle entre Israël et l’OLP, la promesse d’un retrait progressif des territoires occupés et la création d’une Autorité palestinienne devaient constituer les premiers jalons d’un État palestinien. Mais cette dynamique fut brisée par les extrémistes israéliens eux-mêmes: Rabin fut assassiné en novembre 1995 par un militant de l’extrême droite raciste, opposé à toute concession aux Palestiniens. Cet acte, loin d’être marginal, a révélé la puissance des forces radicales en Israël et a définitivement enterré l’esprit d’Oslo. Depuis, chaque invocation de la « solution de deux États » n’a servi qu’à masquer la réalité d’une colonisation sans frein.

L’Initiative de paix arabe, lancée à Beyrouth en 2002 promettait la normalisation avec Israël en échange de la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967. Là encore, cette ouverture n’a fait qu’encourager l’intransigeance israélienne, permettant à Tel-Aviv de gagner du temps tout en poursuivant son expansion coloniale et en imposant un état de fait irréversible.

Enfin, les Accords bilatéraux, signés en 2020 sous parrainage américain, ont consacré la normalisation des relations entre Israël et plusieurs États arabes. Pour la première fois, des pays arabes ont accepté d’établir des relations diplomatiques, commerciales et sécuritaires avec Israël sans conditionner cette reconnaissance à la résolution de la question palestinienne. Cette rupture avec le consensus arabe de 2002 a eu pour effet d’isoler davantage les Palestiniens, de marginaliser leur cause et d’encourager l’entité sioniste à poursuivre son entreprise coloniale avec encore plus d’assurance. En légitimant Israël sans contrepartie, ces accords ont contribué à vider de toute substance l’idée même de solution négociée, confirmant que le paradigme des deux États n’était plus qu’un instrument rhétorique, dépourvu de toute effectivité.

Le droit international systématiquement bafoué

La résolution de l’Assemblée générale du 12 septembre 2025 n’a pas de valeur contraignante, contrairement aux résolutions du Conseil de sécurité. Israël le sait et en tire profit. Dans les faits, l’entité sioniste viole quotidiennement:

• La Charte des Nations Unies (1945), qui impose le respect de la souveraineté et l’interdiction de l’acquisition de territoires par la force (article 2, §4).

• La Charte des Nations Unies (1945),La IVe Convention de Genève (1949), qui protège les populations civiles en temps de guerre et interdit le transfert de population de la puissance occupante vers le territoire occupé.

• La Charte des Nations Unies (1945),Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (1998), qui qualifie de crimes de guerre les transferts forcés de population, les attaques contre des civils et la destruction disproportionnée d’infrastructures civiles.

• La Charte des Nations Unies (1945),La résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, qui réaffirme l’illégalité des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.

Dans ce contexte, proclamer l’existence d’un État palestinien sans mécanisme contraignant revient à consacrer la continuité de l’impuissance du droit international.

La Communauté internationale face à ses responsabilités

La Communauté internationale, qui se veut porteuse d’un projet fondé sur le droit et la paix, ne peut continuer de se réfugier derrière des déclarations creuses. L’Occident est directement lié à Israël par maints accords d’association qui offrent un accès préférentiel à ses marchés. Ces conventions prévoient explicitement que le respect des droits humains et des principes démocratiques constitue un élément essentiel de ces partenariats.

Dès lors, l’Occident est face à une évidence : maintenir ces accords alors qu’Israël viole massivement et systématiquement le droit international équivaut à une complicité. La responsabilité juridique et morale de l’Occident est engagée. Comme l’a rappelé l’Espagne, des mesures concrètes s’imposent:

Suspension immédiate de l’accord d’association UE-Israël.

Interdiction d’entrée sur le territoire européen des dirigeants et officiers israéliens impliqués dans les crimes de guerre.

Gel des avoirs israéliens dans l’espace européen.

Arrêt des coopérations sécuritaires, technologiques et militaires avec Israël.

Ces mesures ne sont pas des options: elles découlent du droit international lui-même, qui impose aux États tiers de ne pas reconnaître comme légitime une situation issue d’une violation grave du droit, ni de prêter aide ou assistance à son maintien.

La cohérence de la position tunisienne

La Tunisie, pour sa part, a maintenu, lors du vote de 12 septembre 2025 à l’Assemblée Générale, sa ligne de principe : elle n’a pas voté la résolution, parce qu’elle refuse de reconnaître l’entité sioniste comme un État. Une position est claire et constante: seule une Palestine libre, souveraine et entière, peut constituer une solution juste et durable.

Cette position, loin d’être isolée, est juridiquement et moralement fondée. Elle rappelle que le droit à l’autodétermination, consacré par l’article 1er commun aux deux Pactes internationaux de 1966, est un droit imprescriptible. Elle affirme que l’on ne bâtit pas un État sur les ruines d’un peuple exterminé, ni sur la négation de ses droits fondamentaux.

Conclusion: l’ultime question

À quoi sert alors de proclamer la solution de deux États si, dans le même temps, l’entité sioniste détruit méthodiquement tout ce qui pourrait fonder un État palestinien: son territoire, sa population, ses institutions?

La vérité est simple: la reconnaissance proclamée n’a aucune portée tant qu’Israël jouit de l’impunité. La seule réponse à la hauteur du droit et de la justice est une action internationale déterminée, courageuse et coercitive. Faute de quoi, la communauté internationale se rend complice d’un mensonge: celui d’un État palestinien proclamé à New York, mais anéanti chaque jour à Gaza.

Khalil Tazarki

 

 

 

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