Yadh Ammar: Un avocat exemplaire

Par le bâtonnier Christian Charrière Bournazel - Yadh Ammar aurait eu 79 ans le 12 septembre de cette année. Il vient de nous quitter trop tôt, trop vite, et je dirais précipitamment.
C'est à l'occasion des rentrées du barreau de Tunisie, lorsque j'étais moi-même bâtonnier, que j'ai eu la chance de le rencontrer et de nouer avec lui une amitié qui ne s'est jamais altérée.
Notre première rencontre fut à l'hôtel où je logeais. Dans le salon de réception, nous nous sommes trouvés à la même table et je fus séduit par la qualité de son sourire, sa simplicité, alors qu'il était l'un des personnages les plus estimés du monde judiciaire. Les échanges furent parfaitement libres, sans aucune affectation, et portèrent sur des sujets les plus divers.
Il était toujours mesuré dans ses propos et ne manifestait jamais le moindre parti pris ni la moindre acrimonie contre quiconque. Il alliait à la fois la bonté et le caractère d'un homme empreint d'une grande culture.
Son parcours d'étudiant, il l'avait vécu à l'université de Paris I Panthéon- Sorbonne, où il enchaîne les maîtrises et les diplômes d'études supérieures.
Inscrit au barreau de Tunisie depuis 1977 et pratiquant son métier à Tunis, il a également été le mentor de nombre de futurs avocats ou de futurs magistrats qu'il a formés.
Consultant et professeur à l'université de Tunis, il a enseigné dans nombre de domaines du droit, en même temps qu'il a participé à des activités associatives au plus haut niveau, comme secrétaire général ou comme vice-président national de l'Union internationale des avocats, ainsi que de l'Union internationale auprès des organisations des Nations unies.
Il ne s'est jamais égaré dans la politique, n'ayant aucune autre ambition que celle de faire régner l'ordre du droit contre le désordre des forces.
Polyglotte, il était ouvert à toutes les cultures et incarnait au plus haut degré l'humanisme qui, faisant fi des frontières, établit des liens indissolubles entre les hommes et femmes de qualité, soucieux de contribuer à répandre la culture et la fraternité.
Ami incomparable, il avait le sens de l'accueil, aidé en cela par Rawdha, son épouse. Il recevait généreusement ses amis dans sa maison, située à Carthage. Toujours souriant, sans jamais manquer de caractère, il incarnait au plus haut degré cette part évidente de la société tunisienne, parfaitement enracinée dans son terroir et ses traditions historiques et totalement ouverte à la culture européenne, qu'il a magnifiquement mise en valeur. Il faisait partie de cette lignée tunisienne dont sont issus tant d'avocats remarquables, à la fois tunisiens et français, comme Gisèle Halimi, Bruno et Angelo Boccara.
Il me fit l'honneur, avec mon confrère et successeur, le bâtonnier Pierre-Olivier Sûr, de lui remettre les insignes de la Légion d'honneur qui lui étaient très naturellement destinés.
Yadh Ammar nous manquera, mais son souvenir continuera à éclairer le chemin de nos vies d'avocats.
Christian Charrière Bournazel
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