News - 16.06.2025

Et si notre santé dépendait aussi de celle de nos animaux et de nos écosystèmes ? (Album photos)

Et si notre santé dépendait aussi de celle de nos animaux et de nos écosystèmes ? (Album photos)

Dix pays de la région Afrique du Nord Moyen-Orient ont lancé « Une déclaration de Carthage » appelant à intégrer l’approche Santé globale (One Health) dans leurs politiques publiques nationales, renforcer les systèmes de surveillance et de protection, partager les donner et investir dans la recherche. Ils ont souligné l’impératif d’impliquer la société civile, de créer des organes de gouvernances coordonnés et la mise en place à partir de Tunis d’une plateforme d’échange d’expériences et de bonnes pratiques, le développement des compétences professionnelles et le renforcement des systèmes de contrôle. Cette déclaration a été adoptée à l’issue de la conférence régionale One Health pour les pays de la région MENA, organisée à Tunis, les 14 et 15 juin, au siège de l’Académie diplomatique 

Par Ridha Bergaoui - La santé est la condition essentielle pour vivre pleinement et profiter des plaisirs et de la joie que nous procure la vie. Elle influence tous les aspects de l’existence comme le travail, la famille, les relations sociales, la productivité, et même la paix sociale. La maladie c’est grave aussi bien pour la personne elle-même que pour sa famille et toute la société.  Rester en bonne santé, ne pas souffrir et ne pas dépendre des autres jusqu’au dernier souffle, est le souhait de chacun d’entre nous. « Mourir en bonne santé, c'est le vœu le plus cher de tout bon vivant bien portant » disait Pierre Dac.

La santé, un paramètre multifactoriel

Souvent on pense qu’être en bonne santé, c’est ne pas être malade, ne pas avoir de douleurs, souffrir d’un disfonctionnement d’un de ses organes ou d’une infirmité quelconque. En réalité, il s’agit là d’un seul aspect de la santé. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme suit : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social ». Être en bonne santé, ce n’est pas seulement ne pas être malade, c’est aussi se sentir bien dans son corps, dans sa tête et dans ses relations avec les autres.

Il est vrai que la maladie ne tue pas toujours et ne cause pas forcément des infirmités. Il est de nos jours possible de combattre la plupart des maladies et de guérir. Ce sont les guerres (voir ce qui se passe de nos jours au Moyen orient et plus précisément à Gaza par exemple où plus de 55 000 Palestiniens sont morts, dont au moins 15 000 enfants, en à peine 9 mois, soit plus de 200 personnes/jour, sans compter les milliers de blessés), les catastrophes naturelles (tremblements de terre, inondations, tempêtes, ouragans, éruptions volcaniques, tsunamis et glissements de terrain) qui tuent. C’est également la famine, environ 9 millions de personnes meurent de faim chaque année dans le monde. Ce sont aussi les accidents de la circulation où chaque année 1,35 million de personnes meurent dans des accidents de la route dans le monde. Les violences, homicides et suicides sont également à l’origine de pertes humaines graves. Tous ces fléaux laissent des infirmes, des handicapés et des personnes traumatisées qui souffriront, ainsi que leur entourage, durant le reste de leur existence.

Notre santé dépend de notre patrimoine génétique familial, transmis par nos parents, qui peut nous prédisposer à un ensemble de pathologies d’origine génétique. Elle dépend aussi de notre alimentation et de nos comportements. Une mauvaise alimentation, riche en sucres, en graisses saturées, en sel et en produits ultra-transformés, peut avoir de graves conséquences sur la santé. À long terme, elle favorise l’apparition de maladies chroniques telles que l’obésité, le diabète de type 2, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. Ces maladies, souvent silencieuses au début, réduisent l’espérance de vie et la qualité de vie. Manger trop, mal ou de manière déséquilibrée perturbe le fonctionnement du corps et surcharge les organes. Bien manger, c’est se soigner au quotidien. « Que ton aliment soit ta seule médecine ! » disait Hippocrate. Ces maladies sont également liées à des facteurs de risque comme le tabagisme, l'inactivité physique…

De nombreuses maladies infectieuses bactériennes ont été vaincues grâce aux antibiotiques. Des maladies autrefois mortelles comme les infections urinaires, la tuberculose, les pneumonies bactériennes, la typhoïde… sont combattues avec les antibiotiques. Toutefois à force d’usage abusif et de mauvaise utilisation (automédication, traitements incomplets…), une antibiorésistance est apparue rendant certaines maladies à nouveau difficiles à soigner. Par ailleurs l’usage des antibiotiques dans les élevages intensifs, surtout destinés à améliorer l’état de santé général des animaux et leurs performances, a également favorisé l’apparition de l’antibiorésistance. Celle-ci est de nos jours un défi important pour la santé, une menace silencieuse très sérieuse qui rend les bactéries résistantes aux antibiotiques et les infections plus difficiles, voire impossibles à traiter. Cette résistance se développe chez l’homme et chez les animaux d’élevage. Les bactéries résistantes peuvent circuler entre les humains, les animaux et l’environnement, via les aliments, l’eau, ou le sol.

De nombreuses maladies, appelées zoonoses, nous sont transmises par les animaux. La sécheresse, le changement climatique et la disparition de la biodiversité ont également une incidence sur notre état de santé.

Les zoonoses

De nos jours, l’homme ne peut pas se passer des animaux. Ils jouent un rôle fondamental pour nous nourrir, nous protéger, nous aider dans le travail, pour notre bien-être (animaux de compagnie) et pour l’équilibre des écosystèmes. Cette cohabitation n’est pas sans risques et de nombreuses maladies peuvent se transmettre de l’animal à l’homme. Ce sont les zoonoses comme la rage, les salmonelloses, la brucellose, la tuberculose, la peste… qui peuvent être mortelles ou engendrer des pertes économiques graves. On se rappelle tous de la pandémie mondiale du Covid19, survenue en 2020, et ses conséquences affreuses (elle avait occasionné plus de 6 millions de morts dans le monde), les pertes économiques énormes et les contraintes comme l’isolement, le confinement, le port du masque, les vaccinations, les dépistages, les hospitalisations et soins intensifs… Quoique l’origine exacte du virus reste encore inconnue, il est toutefois admis qu’il a été transmis à l’homme par un animal (le pangolin et la chauve-souris sont souvent évoqués). En été, et surtout dans les pays en développement en Afrique et Asie, la rage fait des ravages. Pas moins de 59 000 personnes meurent chaque année par ce fléau véhiculé surtout par chiens et chats errants. En Tunisie, la rage reste un problème de santé publique très préoccupant.

Incidence de l’environnement sur la santé

La pollution de l’environnement – qu’elle touche l’air, l’eau ou les sols – est une menace majeure pour la santé de tous les êtres vivants. Respirer un air chargé de particules fines augmente les risques de maladies respiratoires, cardiovasculaires et de cancers chez l’homme comme chez les animaux. Les eaux polluées par les déchets industriels, les pesticides ou les plastiques affectent la faune aquatique, contaminent la chaîne alimentaire et exposent les populations à des maladies digestives et infectieuses. Quant aux sols appauvris ou pollués, ils réduisent la fertilité des cultures, empoisonnent les plantes, les insectes utiles, et affectent la production agricole et la sécurité alimentaire.

Le changement climatique, avec la montée des températures, la sécheresse et la désertification, a des conséquences directes graves sur la santé de l’homme, des animaux et des écosystèmes. La raréfaction de l’eau, la dégradation des sols et la perte de couvert végétal fragilisent l’agriculture, entraînent des famines, des migrations forcées des populations et la disparition de nombreuses espèces animales et végétales. La perte des ressources fourragères affaiblit les animaux et peut conduire à des pertes importantes du cheptel et la résilience des éleveurs. Ces bouleversements provoquent chez l’homme des maladies respiratoires dues à la pollution de l’air, des coups de chaleur, la malnutrition et des troubles psychologiques liés à l’insécurité. Chez les animaux, le stress climatique et la perte d’habitat favorisent l’émergence de nouvelles maladies. Certaines pathologies infectieuses gagnent de nouveaux territoires et menacent directement la santé publique. Les événements climatiques extrêmes liés au dérèglement climatique (inondations,  incendies et canicules…) sont sources de décès, de destruction des logements, infrastructures, de l’environnement, forêts et écosystèmes.

Les maladies des plantes ont un impact important sur la santé humaine, animale et environnementale. Les récoltes peuvent être fortement réduites ou totalement perdues, menaçant la sécurité alimentaire. Pour lutter contre ces pathogènes, on utilise parfois à grande échelle des pesticides, dont les résidus peuvent contaminer les aliments, l’eau et l’environnement, exposant hommes et animaux à des risques toxiques ou cancérigènes. Certaines maladies végétales favorisent aussi la propagation de mycotoxines ou de moisissures dangereuses dans les céréales, les fruits ou les légumineuses.

La disparition de la diversité biologique, ou biodiversité, est l’un des grands dangers qui menacent la planète et notre propre survie. Chaque jour, des espèces animales, végétales, microbiennes disparaissent à cause de la pollution, de la déforestation, du changement climatique, de l’agriculture intensive ou de la surexploitation des ressources. Cette biodiversité est essentielle à la vie sur terre. Elle régule le climat, purifie l’air et l’eau, fertilise les sols, nous nourrit et nous soigne. Moins de diversité, c’est moins de résistance face aux maladies, aux sécheresses, aux crises alimentaires. En détruisant la nature, c’est notre propre existence que nous mettons en péril.

C’est cette interdépendance, entre les êtres humains, les animaux, les plantes et les écosystèmes, a donné naissance à une nouvelle vision de la santé appelée « One Health » ou « santé unique » en français.

Le concept One Health

Dans le concept « One Health », pour garantir la santé de l’homme, il est nécessaire de maitriser les pathologies animales ainsi que celle de l’environnement. Ce concept veut rompre avec le cloisonnement traditionnel entre médecins, vétérinaires, agronomes et autres spécialistes où chacun se limite à sa spécialité. Il encourage la collaboration transdisciplinaire, multisectorielle et globale pour mieux prévenir et répondre aux risques sanitaires, comme les zoonoses ou les résistances antimicrobiennes. Les spécialistes concernés par la santé en général doivent se concerter ensemble et collaborer. Cette approche vise ainsi à prévenir les crises sanitaires, à mieux contrôler les épidémies, à réduire les risques de résistance aux antimicrobiens et à améliorer la santé globale. Un système de surveillance coordonné entre santé humaine, animale et environnementale permet de détecter rapidement les risques de maladies avant qu’ils ne deviennent des épidémies.

Dans ce cadre, la Tunisie a coorganise, avec la Banque mondiale et les organisations des Nations unies, la première conférence régionale MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) les 14 et 15 juin 2025. Les institutions participantes clés comprennent les organisations des Nations Unies (OMS, FAO, Organisation Mondiale de la Santé Animale…), de grandes associations médicales et des réseaux scientifiques.

L’objectif principal de cette manifestation est de renforcer les partenariats et partager l’expertise. Les Ministères tunisiens de la Santé, l’Environnement et l’Agriculture sont directement impliqués. A cette occasion, il a été, procédé à l’adoption par les participants, de la « Déclaration de Carthage ». Celle-ci recommande l’intégration du concept One Health dans les politiques nationales et régionales pour un système de santé souple et durable, dans l’intérêt des générations actuelles et futures.

Conclusion

La pandémie, comme celle du Covid 19, nous a montré à quel point notre santé est devenue, dans un monde interconnecté, fragile. Un pathogène qui émerge quelque part peut contaminer des millions de personnes et mettre en danger l’humanité entière. Une telle situation peut se reproduire à la faveur des perturbations des écosystèmes et la possibilité de passage des agents infectieux des animaux à l’homme.

Il est nécessaire de repenser notre rapport à la nature et l’environnement, de renforcer la surveillance sanitaire et d’adopter une approche globale et solidaire de la santé. Notre santé passe inévitablement par celle des animaux et de l’équilibre de nos écosystèmes, fragilisés par les bouleversements climatiques et les interventions destructrices de l’homme.

Agronomes, vétérinaires, médecins et tous les spécialistes du vivant du monde doivent travailler ensemble pour favoriser les bonnes pratiques de production et de santé. Encore faut-il beaucoup de volonté politique et du sens de l’humanisme, loin des intérêts mercantiles des individus et des lobbies. La santé reste, pour l’homme et pour toujours, le bien le plus précieux au monde.

Ridha Bergaoui

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