Anne Guéguen: Nos pays méditerranéens doivent être à la pointe du combat pour la protection des mers et des océans

Par Anne Guéguen, ambassadrice de France en Tunisie - La France s’apprête à accueillir la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC3) du 9 au 13 juin prochain à Nice. Ce rendez-vous sera un moment décisif : il réunira une centaine de chefs d’Etat et de gouvernement, et plusieurs dizaines de milliers de participants, chercheurs, scientifiques, acteurs économiques, militants associatifs et citoyens du monde entier. A cette occasion, la France portera avec ses partenaires un objectif clair : protéger l’Océan par des actions concrètes. La Méditerranée sera mise à l’honneur et la conférence sera précédée le 9 juin par un sommet dédié aux enjeux de connectivité physique, numérique et énergétique en Méditerranée.
Les mers et océans sont notre bien commun. Ils nourrissent les peuples et les protègent. Ils nous font rêver et voyager. Ils nous offrent de l’énergie durable, des moyens de commercer, des ressources et un sujet inépuisable de recherche et de connaissances scientifiques.
Nous dépendons des mers et océans pour vivre, et pourtant, notre planète bleue est en danger. Les mers et océans sont un espace encore trop méconnu, pour lequel nous n’avons ni une gouvernance globale ni les financements nécessaires à sa préservation. Les chiffres sont inquiétants : plus de 8 millions de tonnes de plastique sont déversées dans les mers et océans chaque année, selon une étude de la revue Science. A cela s’ajoute la surexploitation, qui touche plus d’un tiers des stocks de poissons, mais aussi l’acidification des eaux, la montée du niveau de la mer et la destruction des écosystèmes marins. Et ces phénomènes s’accélèrent, conséquences directes du dérèglement climatique.
En Méditerranée, nous avons tissé avec la Tunisie un partenariat de longue date pour protéger ce ruban bleu qui est le berceau commun de nos sociétés et de nos cultures. L’Institut de Recherche pour le Développement et l’Institut National des Sciences et Technologies de la Mer tunisien (à Carthage) ont créé l’observatoire OMELI qui a mis en évidence la dégradation rapide du littoral et des écosystèmes marins. Avec l’Agence française de développement et Office national d’assainissement (ONAS), des projets de dépollution de la Méditerranée ont été mis en œuvre avec succès pour la réhabilitation et l’extension des stations d’épuration littorales pour l’assainissement des zones côtières et le traitement des pollutions industrielles. L’Institut de Recherche sur le Maghreb Contemporain et l’IRD participent au réseau international de recherche du (IRN) du CNRS « Mariti Med Seaties », qui étudie les grandes villes littorales et, en particulier, le rôle de la mer dans leur habitabilité. La France soutient chaque année le Forum de la mer de Bizerte, un rendez-vous unique pour protéger notre Méditerranée si fragile.
La « brûlante rumeur de la mer », pour reprendre l’expression du poète Tahar Bekri, gronde aujourd’hui face à l’urgence climatique. Il est temps d’agir. Plus que jamais, nous devons faire en sorte que l’action multilatérale soit à la hauteur des enjeux liés à la protection des mers et océans.
Dix ans après la COP21 et l’Accord de Paris, qui a permis d’établir un cadre mondial contraignant pour limiter le réchauffement climatique, l’UNOC3 est une nouvelle opportunité historique. Les « Accords de Nice » constitueraient un véritable pacte international pour la conservation et l’utilisation durable de l’Océan. Ce pacte serait ainsi directement en ligne avec les objectifs de développement durable (ODD) adoptés par l’ONU, en 2015.
Pour y parvenir, les discussions à Nice devront être concrètes et tournées vers l’action. Il s’agira d’œuvrer pour une meilleure gouvernance, davantage de financements et une plus fine connaissance de la mer. J’étais moi-même à Nice en mars de cette année pour assister à la préparation du volet méditerranéen de l’UNOC3, avec pour but le lancement d’une Coalition des villes littorales et régions côtières du monde.
En matière de gouvernance, le traité sur la protection de la biodiversité en haute mer (BBNJ) est un levier essentiel. La haute mer – plus de 60% des Océans – est aujourd’hui le seul espace qui n’est pas encore régi par le droit international. L’absence de surveillance et de règles communes entraîne un véritable désastre socio-environnemental : pollutions massives d’hydrocarbures et de plastiques, méthodes de pêche illégales et non régulées, captures de mammifères protégés. Pour mettre un terme à ce vide juridique, nous devons obtenir la ratification de 60 pays et ainsi permettre au traité BBNJ d’entrer en vigueur.
La protection des mers et océans passe également par la mobilisation des financements publics et privés et le soutien à une économie bleue durable. Nous devons faire en sorte que les ressources marines puissent se régénérer. A Nice, plusieurs engagements seront annoncés en matière de commerce international, de transport maritime, de tourisme et d’investissement.
Enfin, comment protéger ce que l’on ne connaît pas – ou pas assez ? Nous devons accroître notre connaissance des mers et océans et mieux la diffuser. Aujourd’hui, nous sommes capables de cartographier la surface de la Lune ou celle de Mars, mais le fond des Océans nous demeure inconnu. Ils recouvrent pourtant 70% de la Terre ! Ensemble, mobilisons la science, l’innovation et l’éducation pour mieux comprendre l’Océan et sensibiliser davantage le grand public.
Face au changement climatique qui s’accélère et à la surexploitation des ressources marines, l’Océan n’est pas un enjeu parmi d’autres. C’est l’affaire de tous. Nous avons une responsabilité commune. L’Océan est un lien universel, il est au cœur de notre avenir. Ensemble, nous pouvons faire de l’UNOC3 un tournant majeur pour nos peuples, pour les générations futures et pour notre planète.
S. Exc. Mme Anne Guéguen,
Ambassadrice de France en Tunisie