Quand Abdelaziz Bey revisite ‘’ Le Vieux Kram’’

C’est une monographie fouillée, richement documentée et abondamment illustrée qu’Abdelaziz Bey consacre à sa merveilleuse banlieue tunisoise natale, le Kram. Sous le titre de « Le Vieux Kram », et en sous-titre « Cité des figuiers au milieu des jardins légendaires de Carthage", il promène le lecteur dans une déambulation passionnante à travers l’histoire, les légendes, la vie sociale, l’urbanisme les maisons et les familles de cette cité. Ecrit « à l’ancienne », c’est-à-dire avec méthodologie, rigueur et raffinement, mais aussi détail, précision et passion à la fois, ce qui se fait rare, le livre pourrait inspirer des auteurs attachés à leurs villes, soucieux de les mettre en valeur.
Le nom du Kram fait-il référence à cet arbre fruitier si gouteux, le figuier, était répandu dans cet endroit ? Les figues brandies par Caton l’Ancien (Caton le Censeur), au sénat de Rome, l’an 150 av. JC, étaient-elles à l’origine de la destruction de Carthage. Caton avertissait les sénateurs romains : « La terre qui a produit ces figues n’est qu’à trois journées de navigation. Que se passera-t-il si les Carthaginois décident aujourd’hui de nous attaquer ? « Delenda est Carthago » : Il faut détruire Carthage ! » Et l'année suivante, Carthage fut détruite et complètement rasée. » L’auteur y revient en détail.
Dans sa préface, le professeur Mohamed El-Aziz Ben Achour, souligne que « l’auteur, descendant de la famille qui régna sur la Tunisie durant deux siècles et demi, nous relate avec simplicité et émotion l’histoire fort attachante de cette villégiature où il naquit et qui, jusqu’au milieu du XIXème siècle, n’était encore que le vaste domaine de Mustapha Bach Agha (ou Mustapha Agha, haut dignitaire beylical. »
« Abdelaziz Bey a voulu, écrit en postface le professeur Khaled Lasram, nous raconter l’histoire d’une ville telle qu’elle a été et telle qu’il a vécue, et transmettre avec autant de dévouement sa mémoire aux futures générations. Il y réussit pleinement. »
C’est là une deuxième édition de cet ouvrage, la première parue en 2015 étant épuisée, une version complétée et revue, publiée chez IHE Editions. Abdelaziz Bey propose une description fidèle et précise du Kram dans les différentes facettes de la vie citadine, l'évolution historique de la cité depuis les temps antiques puis sa fondation par Mustapha Bach Agha, Ministre de la Guerre de la Régence au XIXème siècle, en passant par les méandres de la 2ème Guerre Mondiale.
« Certes la nostalgie y est apparente, écrit le petit-fils de l’auteur Hussein bey, mais c'est le sens du devoir de la préservation de la mémoire commune qui semble le plus animé l'auteur. Le Kram y apparait comme une ville cosmopolite et multiconfessionnelle où se côtoyaient tunisiens, musulmans et juifs, italiens, maltais et français. Les traces de la tolérance des habitants se manifestaient surtout par la présence des lieux de cultes ; la mosquée, l'église et la synagogue se trouvaient dans un même voisinage. »
« Bien qu'il ne prétende aucunement être un historien, ajoute-t-il, Abdelaziz Bey a comblé un vide dans l'histoire de la banlieue nord de la ville de Tunis. Ainsi il a offert au Kram le premier ouvrage qui lui manquait car de la Goulette à Sidi Bou Saïd toutes ces localités disposent déjà de livres de références. »
Auteur d’un ouvrage intitulé « Ali Turki, père fondateur des Beys husseinites » M’rad Ben Hassine Bey (Abdelaziz) a le grand mérite de continuer d'enrichir la mémoire identitaire tunisienne par ses recherches poussées à travers l’histoire, et l’évocation de ses propres souvenirs. Ayant longtemps servi le pays à de hautes charges au sein de l’Administration, et à travers la coopération technique à l’étranger, il dédie sa retraite à l’éclairage de facettes peu connues de notre histoire et de la vie de notre société.