Opinions - 03.01.2025

Wahid Gdoura: Paxa sionita ou la paix à la manière sioniste au Moyen-Orient

Wahid Gdoura: Paxa sionita ou la paix à la manière sioniste au Moyen-Orient

Par Wahid Gdoura. Universitaire - Les Israéliens affirment avoir «pacifié» quatre fronts; la Bande de Gaza, la Cisjordanie, le Liban et la Syrie, et rêvent de créer un nouveau Moyen-Orient sans résistance, sans Palestiniens, ni Libanais, ni Syriens et ce au bonheur des extrémistes sionistes qui veulent réserver la « Terre promise » exclusivement au peuple juif. Ces derniers nient complètement tout droit des Palestiniens de vivre sur leur territoire.

C’est avec les massacres commis contre les Palestiniens, la dévastation systématique de Gaza et du Sud Liban, et la destruction du potentiel militaire syrien qu’on obtient, aux yeux des dirigeants israéliens, la paix au Levant. Cette paix est loin d’être atteinte, bien au contraire, l’entité sioniste n’a pas cessé de semer la terreur, les troubles et le désordre au Moyen-Orient  depuis 1948: déplacement massif des populations, des cruautés contre les citoyens palestiniens, des pillages de villes et villages palestiniens, des guerres contre des pays arabes.

A maintes reprises, ils saisissent des prétextes pour mener des répressions contre les palestiniens: capture de soldats israéliens, attaque surprise de combattants de Gaza (Déluge al-Aqsa du 7 octobre 2023), etc. Ils cherchent à justifier leurs actes barbares auprès de l’opinion publique internationale. En fait, tout a été planifié depuis plusieurs décennies dans l’objectif de créer le Grand Israël avec le soutien de l’Occident. Tous les moyens sont permis pour atteindre ces objectifs: déportation des Palestiniens ou extermination (génocide), répression de la résistance, conflits militaires avec les pays voisins, ou bien alliance avec des gouvernements arabes bienveillants qui acceptent de normaliser avec Israël, etc. Ce grand projet -qui est en train de se mettre en œuvre - figure depuis une longue date dans les discours  politiques et la littérature religieuse des juifs.

Notre objectif dans le présent article est de révéler les vraies raisons des «projets de paix» israélo-américains dans Gaza et dans toute la région du Moyen -Orient, d’expliquer les origines de la doctrine de génocide chez les Israéliens, et en même temps déplorer la faillite du système de valeurs en Occident qui s’est montré « complice » avec Israël dans ses crimes de guerre.

Le Grand Israël: soutien américain indéfectible 

Le président américain Harry S. Truman (1945-1953) qui a largué deux bombes atomiques sur le Japon (Hiroshima et Nagasaki) et qui a reconnu l’entité israélienne en Palestine le jour même de sa proclamation le 14 mai 1948, indique:

«L’émigration des juifs américains et l’occupation de la Palestine historique doivent se faire par étapes». Depuis cette date, le soutien américain inconditionnel à Israël perdure jusqu’aujourd’hui. Les raisons politiques et économiques qui expliquent ce soutien sont bien connues, mais la raison religieuse est la moins connue; pourtant elle n’est pas la moindre: certains présidents et hauts responsables américains sont évangéliques, fondamentalistes protestants; ils croient que: «Seule la reconstruction d’un Etat juif en Palestine permettra le retour du Christ sur terre».

Ces évangéliques sont des sionistes chrétiens qui pensent qu’il faut défendre la présence du peuple juif sur la Terre sainte qui s’étend du Nil à l’Euphrate (le Pasteur John Hagee). C’est le rêve du Grand Israël partagé aussi bien par les sionistes juifs que les sionistes chrétiens. Ce projet initial a été appuyé et inscrit dans un projet américain de grande ampleur, le nouveau Moyen-Orient. C’est la secrétaire d’état américaine Condoleezza Rice qui l’a annoncé en 2006, le projet du nouveau Moyen-Orient dessine les contours de la région: mise en cause des accords Sykes-Picot de 1916, reconfiguration des frontières dans le sens d’un morcellement de la région en petits états, domination d’Israël qui servira comme tête de pont militaire au Moyen-Orient, normalisation avec les gouvernements arabes et contrôle occidental des gisements d’hydrocarbures. Le plan américain consiste à créer «le chaos constructif» pour intimider les désobéissants (Irak, Syrie, Iran, Yemen, ...). Le projet  a échoué entrainant une instabilité dans la région, mais le premier ministre israélien Netanyahou ne fait que revivre ce projet, un nouveau Moyen-Orient, à sa manière. Il veut imposer une nouvelle carte politique de la région par la force contre Gaza, Iran, Syrie, Liban, Irak et le Yemen. (Son discours devant l’assemblée générale de l’ONU le 27 septembre 2024).

Delenda est Gaza ou détruire Gaza

Une destruction systématique de la Bande de Gaza a été perpétrée par l’armée israélienne depuis le 8 octobre 2023. Tout a été rasé: écoles, logements, hôpitaux, universités bibliothèques, monuments historiques. De même pour l’infrastructure routière, les conduites et réserves d’eau, les réseaux d’électricité, d’assainissement sont totalement ou partiellement endommagés. L’objectif est de priver les citoyens palestiniens des conditions de vie minimales en vue de les pousser à quitter le territoire. Le bilan humain est extrêmement lourd: plus de 45000 martyrs (dont 30% d’enfants et 30% de femmes), plus de 100.000 blessés, sans compter les milliers d’orphelins, de sans-abris, etc. la situation humanitaire est dramatique, puis que les habitants de Gaza sont privés de nourriture et de médicaments notamment dans le Nord de la Bande de Gaza.

La doctrine d’extermination n’est pas nouvelle dans la pensée occidentale. La destruction de Carthage par les Romains en 146 avant J.C. est considérée comme l’un des premiers exemples de génocide de l’histoire. Le sénateur romain Caton l’Ancien déclare à maintes reprises: Delenda est Carthago. Par la suite Carthage fut complètement rasée par Scipion Emilien qui chercha à anéantir une civilisation entière.

Dans les Temps modernes et contemporains, les occidentaux massacrèrent des populations entières en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse. On peut citer ici l’élimination des Indiens d’Amérique (XVIe-XIXe siècles), des tribus Hereos et Namas de Namibie (1904-1907) les juifs d’Europe (1939-1945), les japonais de Hiroshima (1945) etc. Par la suite, l’Occident «transmet» ces pratiques aux Sionistes, et se montre complice d’Israël dans ses crimes de guerre à Gaza avec la fourniture d’armes et de mercenaires à l’armée sioniste.

La doctrine de génocide dans les textes et discours juifs

Avant d’analyser l’éthique de guerre des juifs, nous essayons de voir la morale de guerre des musulmans puis tirer des conclusions.

Selon la tradition du Prophète Mohamed (SAW) et les discours des premiers Califes (successeurs du Prophète) les règles de la guerre dans l’Islam sont fermes. Il faut protéger la population civile; ne pas tuer de femmes, ni de vieillards, ni d’enfants, ni de nourrissons. Ne touchez pas aux moines et aux lieux de culte. Eviter la destruction d’un lieu habité et ne pas abattre d’animaux, ni arracher d’arbres. Ces règles de conduite ont été observées par les conquérants musulmans. En témoigne Gustave Le Bon (1841-1931) qui souligne dans son livre  «La Civilisation des arabes» le caractère tolérant des conquêtes arabes, il  poursuit dans ses conclusion l’écrivain et  philosophe français Voltaire (1694-1778) qui affirme dans son ouvrage: Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, que:

“Les Arabes étaient les plus cléments de tous les conquérants de la terre”  Voltaire ajoute Les vainqueurs n’abusèrent point du succès de leurs armes; ils laissèrent aux vaincus leurs biens, leurs lois, leur culte, satisfaits d’un tribut et de l’honneur de commander.

Qu’en est-il de la morale de guerre sioniste?

Dans une interview publiée par le journal américain juif (Moment, 2009), le Rabbin M. Friedman parle de la manière idéale pour les Juifs de Palestine occupée de traiter avec leurs voisins arabes, il est affirmatif dans ses propos:

“La seule manière de mener une guerre morale est la manière juive: détruire leurs lieux saints et tuer leurs hommes, leurs femmes, leurs enfants, et leur bétail. C'est le seul véritable moyen de dissuasion pour se débarrasser  de la résistance constante des Palestiniens, et que ce sont les valeurs de la Torah qui feront des Israéliens la lumière qui brille pour les nations”.

Le discours sioniste sur le génocide s’est servi de la Torah et de ses livres pour légitimer ses crimes et ses pratiques en Palestine. Malgré la contradiction flagrante entre le sionisme en tant que mouvement laïc et la Torah en tant que texte religieux, le premier a exploité la loi juive pour réaliser ses ambitions coloniales en Palestine.

La Terre de Palestine historique appartiendrait aux enfants d'Israël par un droit sacré et divin (d’après les juifs orthodoxes).

Le Livre du Deutéronome (la Torah) سفر التثنية explique clairement la stratégie militaire qui doit être suivie par l’armée juive lors  de la conquête d’un pays:

«Lorsque vous vous approchez d'une ville pour la combattre, appelez-la à faire la paix. Si elle accepte de faire la paix, alors tous les gens qui s'y trouveront seront à vous pour les travaux forcés et seront vos esclaves. Mais si elle n’accepte pas de faire la paix avec vous, vous déclarez la guerre, alors vous l'assiégerez, et lorsque l'Éternel votre Dieu, le livrera à vous, vous frapperez tous ses mâles au tranchant de l'épée, et vous prenez comme butin les femmes, les enfants, le bétail et tout ce qui est dans la ville pour vous-même».

Dans le même sens, des ordonnances religieuses (Takkanot) émanant d’autorités rabbaniques autorisent aux soldats israéliens de tuer, pendant la guerre, des populations civiles palestiniennes, à l’exemple Dov Lior.  Ce grand rabbin de la colonie de Kiryat Arba (située à Hébron), qui est une figure influente dans l’armée et les colonies, déclare que:

“La loi juive permettait de bombarder des cibles civiles palestiniennes si cela était nécessaire pour protéger les citoyens israéliens”. Il a également soutenu que:
“La Torah autorisait le tir d'obus sur la source des attaques, même en présence de résidents civils”.

Ces lois écrites sont ce que les dirigeants israéliens considèrent comme source d’inspiration et comme loi sacrée pour accomplir leur mission en Palestine sur la base que tout crime devient légitime et légal afin d’accomplir la promesse de Dieu:

David Ben Gourion a déclaré un jour que l’armée israélienne doit suivre à la lettre ces directives sacrées.
Netanyahou se réfère dans son discours du 28 octobre 2023 au récit des Amalek pour justifier les massacres de Gaza. Qu’en est-il de cette histoire des Amalek?

Amalek, ennemis jurés des juifs العماليق

Ce qui fait de l’histoire d’Amalek une légende, c’est le manque de référence historique du récit biblique autre que celui-ci.

Le récit mentionne que le peuple d'Amalek (ou Amalécites) habitait la péninsule du Sinaï et une partie du pays de Canaan (l'actuelle Palestine), et qu'il menait fréquemment la guerre contre les juifs et l'affaire revint enfin au prophète Samuel d'exterminer le peuple d'Amalek, ses animaux et tout ce qui donnait la vie à son pays (Samuel).

Le récit a une portée symbolique, il nous explique la vision du sionisme sur l'autre  et vise toujours à traiter avec les Amalek contemporains (les Palestiniens), sans  pitié, donc ils doivent être tués, hommes femmes et enfants  même les nourrissons, selon les dires de deux rabbins qui publient un ouvrage dans ce sens.

Ouvrage de La Torah du Roi كتاب شريعة الملك

C’est un traité de théologie publié par deux rabbins en 2009 (en hébreu et traduit en arabe en 2011): Dov Lior et Yaakov Yossef qui s’appuient sur des textes bibliques et des écrits de philosophes et de rabbins. L’essai La Torah du Roi justifie l'exécution d'innocents non-juifs (les Gentils) «parce qu’ils sont par nature sans compassion (pitié) et que les attaques contre eux infléchissent leurs mauvais penchants». Le livre explique qu’il est religieusement permis aux juifs de tuer aussi des enfants et des bébés du camp ennemi, «à cause du danger futur qu'ils peuvent représenter, vu qu'en grandissant ils vont devenir aussi mauvais que leurs parents.»

Le droit de guerre israélien n’a rien à voir avec la morale de guerre islamique. Voltaire remarque, à propos des conquêtes des juifs qui, “victorieux, ne pardonnaient jamais: Ils mettaient à feu les villages, coupaient le cou à tous les habitants même les vieillards et les enfants” (Essai sur les mœurs et l’esprit des nations).

Cette doctrine d’éradication, soutenue par des mythes religieux, justifie les décisions politiques et militaires israéliennes d’établir la paix à leur manière: mettre le Moyen-Orient à feu et à sang pour atteindre “le paradis sioniste”.

Faillite du système de valeurs occidental

Le système de valeurs occidental, inspiré de traditions philosophiques, religieuses, politiques et culturelles, a développé des idéaux et principes sur les libertés individuelles, les droits de l’Homme, la tolérance religieuse, la diversité culturelle, la démocratie, etc. A partir de ces idéaux, l’Occident a contribué à l’élaboration de normes internationales comme la déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et les conventions humanitaires internationales.

Toutefois, ces valeurs sont souvent compromises par des actions qui privilégient les intérêts géopolitiques et économiques étroits des pays occidentaux:

Reconnaissance de l’entité israélienne par les Nations Unies, sous l’influence des puissances occidentales  l’année même où  la déclaration universelle des droits de l’homme fut adoptée (1948). Ce qui constitue une violation flagrante des droits de l’homme palestiniens qui voit la moitié de son territoire confisquée et des centaines de milliers de citoyens déplacés.
Position de l’Occident à l’égard du génocide de Gaza: les Etats-Unis et ses alliés européens soutiennent Israël dans cette guerre et continuent à lui fournir une aide militaire et économique massive et lui apporter un appui diplomatique sous prétexte de «légitime défense».  Ces puissances adoptent un double standard (deux poids et deux mesures); condamner la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine, condamner le mouvement de résistance palestinien Hamas et se montrer «complaisant» avec Israël en appelant timidement à un cessez-le-feu.

Les intérêts géopolitiques et les alliances stratégiques au Moyen-Orient expliquent cette position : maintien de la stabilité de la région riche en hydrocarbures et lutte contre l’influence économique de la Chine. Les Etats-Unis ont annoncé le projet Initiative Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC) connu sous le nom de “corridor économique”, en septembre 2023, visant à relier l'Inde, le Moyen-Orient (y compris Israël, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis) et l'Europe. Ce corridor inclura des infrastructures ferroviaires et maritimes, visant à offrir une alternative à la Route de la Soie chinoise dans la région. Israël jouera un rôle central en tant que carrefour reliant le Moyen-Orient à l’Europe.

C’est ainsi que les valeurs morales sont trahies au profit de ces intérêts, avec l’émergence d’un sentiment international de méfiance et de désespoir envers les pays occidentaux  et envers les organisations internationales, qui dominées par l’Occident, se sont montrées “paralysées” et incapables d’agir pour rendre justice et pour venir en aide au peuple palestinien. Est-ce l’effondrement de l’ordre mondial actuel?

Conclusion

Israël veut imposer la paix à sa manière en Palestine et au Moyen-Orient, une «paix illusoire» avec des conditions qui favorisent l’injustice, la répression latente et laisse les tensions en suspens. Cette situation tendue ne peut que provoquer de nouveaux conflits, d’autant plus que la solution de deux états (Israël-Etat Palestinien) -même provisoire- est devenue dans ce contexte irréalisable. Toutefois, les Israéliens n’ont pas compris qu’ils sont entrain de démolir à Gaza le bâtiment et non l’humain.

تدمير البنيان وليس الانسان

Ils ne doivent pas se laisser tromper par leurs «réalisations militaires» dans le conflit actuel car elles n’ont pas donné lieu à une victoire politique ou stratégique ; le mouvement de résistance est toujours en action (Hamas et Jihad), les prisonniers de guerre israéliens sont toujours détenus, la population de Gaza n’a pas quitté son territoire ancestral. La répression et la brutalité contre cette population ne peuvent pas inverser le cours de l’histoire. Rappelons que Saladin avait réussi à libérer Jérusalem des mains des Croisés après 89 ans d’occupation (1099-1187). La bataille est encore longue et le peuple palestinien a manifesté une résistance héroïque, voire surhumaine à Gaza, dont le nom de la ville veut dire «force» dans les langues sémitiques. Ce bastion de la résistance a réussi à déplacer la guerre au cœur d’Israël, à ressusciter la cause palestinienne, à déjouer «l’Accord du siècle de Trump» et à mobiliser l’opinion publique mondiale, notamment celle de la jeunesse, en sa faveur. La cause palestinienne n’est pas une affaire humanitaire, comme le prétendent les Américains, mais plutôt une affaire de l’Humanité.  

Enfin, pour préserver la mémoire palestinienne il est urgent d’archiver les vidéos, les images et les enregistrements sonores du génocide de Gaza. Ces ressources serviront de preuves sur les crimes de guerre, des références pour les historiens et chercheurs, et des témoignages pour les générations futures.

Wahid Gdoura
Professeur d’enseignement supérieur
Université de la Manouba

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