News - 17.10.2024

Cadeau de son centenaire : Driss Guiga publie ses mémoires « Sur le chemin de Bourguiba »

Cadeau de son centenaire : Driss Guiga publie ses mémoires « Sur le chemin de Bourguiba »

Il célèbrera ce lundi 21 octobre 2024, le 100ème anniversaire de sa naissance en 1924 à Testour. Dieu a prêté à Driss Guiga une longue vie qui lui a permis de servir la Tunisie à de hautes fonctions très sensibles, pendant près de 30 ans de 1954 à 1984 et de nous livrer avec le recul son témoignage et ses analyses. Sous le titre de "Sur le chemin de Bourguiba 1934 -1984", par aux Editions Cérès, il nous gratifie d'une véritable mine d’informations, soigneusement choisies, et d’enseignements qui éclairent la vie publique d’aujourd’hui.

A 26 ans, Driss Guiga a été en mars 1954, le chef de cabinet du ministre de la Santé, le Dr Hamadi Ben Salem, par ailleurs gendre de Lamine Bey. Il sera, au lendemain de l’indépendance, directeur de la Sureté nationale, pendant 6 ans, plusieurs fois ministre (Affaires sociales, Santé, Education, Intérieur), et ambassadeur en Allemagne fédérale.

Que de moments forts vécus en tant qu’acteur, souvent, et de témoin, parfois. Comme ce jour, le 25 juillet 1957, il a fait descendre des marches de son trône, le dernier husseinite, Lamine Pacha Bey. Mais aussi, la guerre de Bizerte, les complots déjoués contre Bourguiba, jusqu’au grand complot de 1962 qui a marqué un durcissement du régime, les relations avec l’Algérie (GPRA…), les fresques de Kadhafi, et la «révolte» du pain en 1984 qui a causé son départ du ministère de l’Intérieur. Tout est soigné dans son récit: Driss Guiga ne verse ni dans les révélations sensationnelles, ni dans la glorification d’une époque et d’un leader Bourguiba. Il s’emploie, alors qu’une «grande confusion» règne dans les esprits, a traiter équitablement «la part d’ombre» du premier septennat de grands défis, dès l’indépendance, et la part de « son éclatante lumière». Sans concession, ni excès, l’ensemble avec un grand talent.

Des exemples sont cités: l’affaire Tijani Ktari, commandant de la Garde nationale, qui a subi l’ire de Bourguiba. Celle des bijoux confiés dans une mallette par la princesse à une dame de confiance, juste au lendemain de l’abolition de la monarchie, ou encore une perquisition menée au siège du parti Néo-Destour, alors tout puissant. Des évènements majeurs sont succinctement analysés: la bataille de Bizerte lancée par Bourguiba. «Il a voulu défier le général De Gaulle, il a perdu. Parce qu’on ne peut pas toujours gagner. » Bourguiba le souligne, Guiga érigeait le défi en politique systématique. Le complot de 1962: à l’origine, «incontestablement un malaise économique et social entretenu par tous les mécontents du régime», et « une lacune regrettable» au niveau sécuritaire. La crise du pain en 1984: «une crise de légitimité ou de gouvernance».

Driss Guiga nous décrit un Bourguiba différent de celui plus connu: «Il n’était pas bavard et ne faisait pas de confidences. Ce qu’il disait au compte-goutte était voulu.» Ce qui lui importait le plus, c’est l’efficacité: «L’essentiel, c’est ce que ça marche!», Faisait-il confiance à ses collaborateurs? La prééminence doit revenir à l’Etat par rapport au parti. L’ordre doit l’emporter sur la justice.»

Sans vouloir donner de leçon, Driss Guiga pointe des dangers qui refont surface après 2011 et guettent la Tunisie, comme le tribalisme, ou le conservatisme social, ou encore les problèmes identitaires centraux. Lui qui «n’était pas né Tunisien, mais l’ai devenu» estime que «Être africain, arabe, musulman, européen, asiatique, n’a aucun sens. Il faut acquérir une capacité scientifique, technique, économique et culturelle affirmée, pour être entendu des autres nations.»

Avec sobriété et en toute élégance, Driss Guiga revisite une période des plus intéressantes de l’histoire contemporaine de la Tunisie. Habile, doté d’un grand sens politique, décantant les évènements, et dépassant les passions, il témoigne de l’essentiel. Il écrit à froid, on le lit en frissonnant. Et on découvre le revers d’un récit national officiel qui reste à écrire. Des photos historiques, quasiment inédites, puisées dans le fonds de l’auteur et celui de l’éditeur, viennent illustrer ce texte bien déroulé.

Joyeux anniversaire, Si Driss et Merci pour ce beau cadeau que vous nous faites.

Sur le chemin de Bourguiba
de Driss Guiga
Cérès Editions, 2024, 262 pages, 32 DT