Habib Touhami: L’IPC et ses fausses interprétations
L'indice des prix à la consommation (IPC) de l’Institut national de la statistique (INS) fait l’objet d’attaques redondantes, abusives parfois. L’IPC n’est pourtant qu’un indicateur statistique « classique » dont la tâche est de mesurer l’inflation (augmentation générale et durable des prix des biens et des services). Il n’a jamais eu la prétention de mesurer l’évolution du coût de la vie, du niveau de vie ou du pouvoir d’achat. Telle est au demeurant la position officielle de l’INS telle qu’elle figure dans sa brochure intitulée «Méthodologie de l’Indice des prix à la consommat ion familiale». Comment expliquer alors que l’on continue à lui faire certains reproches injustifiés au regard de la mission qui lui a été assignée? Manque d’expertise ou procès délibéré? La question se pose !
L’IPC de l’INS a pour mission de mesurer «la variation dans le temps du coût d’un panier constant de biens et services représentatif des achats d’un ménage tunisien en accordant à chaque produit l’importance qu’il a dans le budget du consommateur». Rien de plus ! Ainsi l’IPC ne prend pas en charge les dépenses d’investissement des ménages. Il fut même un temps où la prise en compte des impôts locaux faisait débat entre spécialistes (Zebla wel kharrouba). Sur ce plan, l’IPC ne diffère pas beaucoup des autres indices de prix connus. Nonobstant les critiques habituelles, il semble que la raison profonde de son rejet est qu’il nous renvoie une photographie du «réel» telle qu’elle ressort de l’enquête sur le budget de consommation des ménages. Or personne ne se retrouve dans un réel insatisfaisant par nature, ni en tant qu’individu isolé ni en tant que membre d’un ménage ni même en tant qu’unité de consommation selon le jargon cher aux statisticiens.
Toutefois, l’IPC de l’INS accuse des faiblesses notoires. La composition de sa population de référence (nombre et représentativité des ménages enquêtés) est critiquable, de même son champ géographique (répartition spatiale des points de vente) ou bien encore le panier de consommation de référence et la structure de pondération qu’il retient. La raison impose de mettre ces points d’achoppement sur la table afin d’en débattre et de leur trouver des solutions acceptables. Hélas, les autorités du pays s’obstinent à faire la sourde oreille. Il est vrai que l’exigence de la réforme est constamment parasitée par les nombreux procès intentés à l’INS et à ses procédures. Ce blocage concerne tout aussi bien la réforme d’autres indicateurs statistiques de l’INS comme le taux de chômage ou le seuil de pauvreté. Déterminer ce dernier sur les seuls résultats de l’enquête de consommation est devenu franchement suranné et antisocial au fond.
Pour conclure, un rappel s’impose. Les salaires sont un prix. Il s’agit du prix du travail. Dès lors, la confrontation entre le prix du travail et les prix des objets et services produits par le travail se justifie pour comprendre les lois générales de la formation des prix et pour apprécier leurs conséquences (positives ou négatives) sur le profil de la demande (et donc sur le processus de développement lui-même). Le pouvoir d’achat d’un salaire SR (ou revenu) par rapport à un objet (ou service) OS n’est finalement que le rapport de la valeur monétaire du salaire SR (ou revenu) au prix monétaire de l’objet OS (ou service) considéré. Cela conduit à formuler deux remarques: 1- tel qu’il est, l’IPC ne peut en aucun cas servir à mesurer l’évolution du coût de la vie, du niveau de la vie et du pouvoir d’achat ; 2- pour ce faire, il faudrait recourir à d’autres indicateurs, se défaire de l’omnipotence du conjoncturel (IPC) et se placer résolument dans une perspective du plus long terme.
Habib Touhami