L’emploi et le chômage en Tunisie : de cause nationale à priorité dégradée
Par Habib Touhami - Au lendemain de la «révolution» de 2011, il n’a été question en Tunisie que d’emploi et de chômage. Médias, opinion publique, organisations sociales et politiques, société civile, intervenants étrangers et Université ont fait de l’emploi et du chômage le thème dominant des débats politiques et socioéconomiques post-révolution et la priorité des priorités de tout nouveau gouvernement. Treize ans après, le thème a quasiment disparu du débat public et des préoccupations des gouvernants. Tous ou presque ont tourné casaque, les uns par fatalisme, les autres par cynisme. Le problème de l’emploi et du chômage est devenu un thème dégradé dans tous les sens du mot.
Pourtant, la situation de l’emploi et du chômage ne cesse de s’aggraver malgré l’émigration. Mais les chiffres du chômage publiés par l’INS ne traduisent pas assez la dimension de cette aggravation. En effet, ceux-ci n’insistent pas beaucoup sur le développement accéléré du chômage structurel, la précarisation accrue de l’emploi dans le secteur privé, l’insuffisance des créations nettes d’emploi en général et l’absence de toute perspective d’amélioration à moyen terme, en raison notamment du maintien d’une politique de l’emploi ayant montré toutes ses limites. En effet, rien n’a bougé à ce propos, la preuve est le maintien de la fiction attentiste selon laquelle le chômage se réduirait automatiquement avec un taux de croissance élevé.
Quoi qu’il en soit, le taux de chômage global s’est situé à 16,2% au premier trimestre 2024, le taux de chômage masculin à 13,6% et le taux de chômage féminin de 28,2%. Mais le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur n’a pas connu l’embellie que l’on espérait. Certes, celui-ci est passé de 33,1% au quatrième trimestre 2011 à 23,2% au quatrième trimestre 2023, mais cette baisse est moins due à la hausse des créations nettes d’emploi qu’à la baisse relative de la population active potentielle (émigration + effets structurels). Pour sa part, la population active occupée s’est située à 4 096 mille au deuxième trimestre 2023 contre 3 909 mille au quatrième trimestre 2011, enregistrant ainsi une hausse nette de 187 mille, ce qui est peu pour une période longue de douze ans.
Au-delà des chiffres et de leurs interprétations forcément contradictoires, ce qui compte dans la situation présente est la dégradation de la problématique de l’emploi et du chômage au niveau médiatique, gouvernemental et politique. Cette problématique n’est plus la priorité n°1 pour le pays, ni même la priorité n°10. La hausse des prix à la consommation et la réduction du pouvoir d’achat de l’immense majorité des Tunisiens ont tout chamboulé dans l’ordre des priorités nationales. C’est regrettable.
Habib Touhami