News - 07.07.2024

Kamel Deguiche: Repenser le sport, repenser la jeunesse

Kamel Deguiche: Repenser le sport, repenser la jeunesse

Le grand enseignement qui sera retenu de la participation tunisienne aux Jeux Olympiques Paris 2024 viendra conforter une conviction déjà acquise et une démarche entamée : repenser le sport tunisien. Une vision et une stratégie qui accompagneront celles qui sont également portées à la jeunesse à l’horizon 2035. Ministre de la Jeunesse et des Sports, depuis octobre 2021, après un bref passage de cinq mois en 2020-2021, Kamel Deguiche est à l’œuvre. Ancien champion de Tunisie au triple saut et président de fédération (boxe), ce juriste, enseignant en droit et membre de diverses structures sportives, apporte son expertise. Loin du vacarme d’une actualité sportive nécessairement chahutée, il pousse les équipes à réfléchir, à consulter et à conceptualiser, avant qu’il ne finalise et soumette à la décision au plus haut niveau de l’Etat.

Sa vision pour la refonte du sport tunisien et sa relance repose sur des piliers fondamentaux : une nouvelle législation relative aux structures sportives, la mobilisation de nouvelles ressources financières et l’incitation à l’investissement dans les activités sportives, une motivation plus grande pour les athlètes et un statut avantageux pour les sportifs d’élite. De manière plus précise, la sortie de crise de la Fédération tunisienne de football (FTF) et le renouvellement des 51 fédérations sportives et du Comité national olympique. Le tout d’ici à la fin de l’année.

Des révélations inédites ne manqueront pas dans l’interview que le ministre Deguiche a accordée à Leaders.

Comment se dessine la nouvelle réglementation relative aux structures sportives?

Quatre principes fondamentaux, retenus après de larges consultations, ont été érigés pour présider  à l’organisation, à la gouvernance et au fonctionnement des structures sportives, de divers niveaux et diverses disciplines. Il s’agit de:
• La transparence: la publication des rapports, les états financiers, les décisions et autres, en facilitant l’accès à l’information et en mettant fin à toute opacité,
• Une structure transversale de régulation sera mise sur pied pour jouer à cet effet un rôle essentiel.
• L’accès aux structures: dans un fonctionnement ouvert et démocratique, permettant à tout un chacun d’adhérer, de se porter candidat, etc.
• La justice sportive: en créant une sorte de cour arbitrale dans les conflits sportifs, le recours à l’arbitrage sera obligatoire - si nécessaire - et les décisions prononcées obligeront les parties concernées,
• La gouvernance: mettre en place des dispositifs et procédures pour assurer une bonne gouvernance.

La mise en œuvre de ces quatre principes, la nouvelle législation en cours d’élaboration finale, apporteront au sport tunisien une base solide, de refonte et de relance. Outre le renforcement institutionnel et structurel, elle imprimera une vision innovante, injectera un sang neuf et ouvrira de grandes opportunités.

Comment se déroulera le renouvellement des fédérations et du Cnot?

La fin des olympiades, c’est aussi la fin du mandat pour les fédérations sportives (51) et le Comité national olympique tunisien (Cnot). Tous doivent en effet procéder à de nouvelles élections de leurs instances dirigeantes d’ici à fin décembre. La conformité avec la nouvelle législation sur les structures sportives sera de rigueur. Si les élections interviennent avant la parution de cette législation, les fédérations concernées et le Cnot auront à s’y soumettre par la suite.

Quelle sortie de crise pour la FTF?

Tout doit être bouclé dans six mois. La sortie de crise est bien amorcée, conformément à la feuille de route arrêtée de concert avec la Fifa et la CAF. Le bureau fédéral actuel poursuivra sa mission, avec les commissions, jusqu’au 15 juillet 2024. Un comité de «normalisation» sera constitué en concertation entre le ministère de la Jeunesse et des Sports et la Fifa. Il aura deux tâches majeures à accomplir. La première est de modifier tous les textes électoraux, et les mettre en conformité avec les dispositions de la Fifa. La seconde est d’organiser l’élection, sur cette base, du nouveau bureau fédéral. Le mandat du comité de «normalisation» est fixé à 6 mois au plus tard.

Vous plaidez en faveur d’un statut de l’athlète de haut niveau?

La Tunisie a beaucoup investi dans les élites sportives, créant des centres spécialisés, un lycée sportif, et autres structures, mobilisant des budgets, malgré les faibles ressources et le très peu d’autres moyens disponibles. Cette «formule magique» a jusque-là fonctionné. Mais elle est à bout de souffle, arrivée à une fin de cycle, faute essentiellement de vision rénovée et de financements plus accrus. Elle a été marquée notamment par une faible motivation des athlètes en général et par rapport à de grands champions, ainsi que par l’absence d’un statut de l’athlète de haut niveau, avec une véritable reconnaissance nationale de ses mérites et des services qu’il rend à la partie. Il nous appartient de faire évoluer ce dispositif, motiver davantage tous les athlètes et encourager les sportifs d’élite.

Quelles solutions innovantes envisagez-vous pour financer le sport?

Le financement des sports individuels repose dans une très grande partie, voire la quasi-totalité, sur le budget de l’Etat. Les crédits publics ne sont pas très fournis, surtout que nous devons répondre aux sollicitations de 51 fédérations et de très nombreux clubs et associations.

Nous œuvrons à ce que le sport devienne un véritable investissement économique. Des possibilités s’offrent en mode partenariat public-privé (PPP), crowdfunding, RSE et autres, mais des aspects juridiques restent à régler afin de lever des entraves et apporter des incitations spécifiques. L’activité sportive devient de plus en plus attractive pour des promoteurs de projets, mais la législation est dépassée. Nous cherchons à ouvrir aux entreprises privées, académies sportives et autres structures de larges perspectives, tout en respectant le service public.

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