News - 17.06.2024

L’amandier: Arbre mythique, symbole de renouveau et d’immortalité

L’amandier: Arbre mythique, symbole de renouveau et d’immortalité

Par Ridha Bergaoui - L’amandier (Prunus amygdalus) est originaire du Proche-Orient, il s’est développé en Egypte et a été emmené par les Arabes dans le bassin méditerranéen. Au 18e siècle, il fut introduit aux Etats-Unis (Californie) où il a connu un grand succès.

La production mondiale a atteint 2, 2 millions de tonnes d’amandes en 2017, soit environ 750 000 tonnes d’amandons ou amandes décortiquées. La Californie assure presque la moitié de la production mondiale. Le reste provient surtout des pays méditerranéens et particulièrement de l’Espagne (210 000 t/an) qui se classe deuxième au niveau mondial. La Tunisie produit en moyenne 60 000 tonnes d’amandes/an.

Symbolique de l’amande

Dans les croyances populaires, l’amande jouit, dans les diverses civilisations et sociétés, de préjugés favorables. L’amandier est le premier arbre à fleurir dès la fin du mois de février alors que l’arbre est encore nu sans feuilles, de belles petites fleurs blanches avec une teinte rosée. C’est pour cette raison que l’amandier symbolise l’immortalité et le renouveau. Ces fleurs annoncent l’arrivée du printemps et des beaux jours et signifient la gaieté, le bonheur et la fertilité. Elles symbolisent également la chance (porte-bonheur), la santé et la pureté.L’amande est associée aux événements heureux et on la distribue souvent aux invités lors des fêtes. Les délicieuses dragées, ces amandes enrobées de sucre, sont incontournables lors des fêtes et surtout les fiançailles. On distribue généralement un bouquet de 5 dragées qui symbolisent bonheur, abondance, fertilité, accueil et partage.

Utilisation des amandes

Partout, l’amande est le fruit le plus populaire et le plus apprécié par tout le monde à la fois pour son goût, sa texture, son croquant et également pour sa bonne valeur nutritionnelle et ses bienfaits sur la santé. Sa facilité de conservation à l’état naturel est également un important avantage.Le fruit peut être consommé avec ses enveloppes dès le début de sa formation. Certains aiment ce goût particulier un peu acide. Plus tard, le fruit est cueilli en vert. La coque est enlevée (il est important de rechercher des variétés faciles à décortiquer) et l’amande (avec ou sans la dernière enveloppe brune) est consommée. En bouche, l’amande est juteuse, légèrement laiteuse et très agréable avec son goût fin particulier. Elle est consommée seule ou pour accompagner une boisson comme un verre de thé à la menthe ou une limonade.Le fruit sec est commercialisé soit en coque, soit décortiqué. Il est important de bien préciser en citant des chiffres qu’il s’agit d’amandes entières ou décortiquées. Les amandes décortiquées constituent une matière intéressante pouvant être utilisée dans de nombreux domaines et consommée de plusieurs façons et sous différentes formes. Elles entrent de plus en plus dans des préparations industrielles comme les chocolats et barres chocolatées, la confiserie, nougats et dragées, la fabrication de sirops, de laits d’amande et boissons diverses… Les amandes sont utilisées également comme ingrédient pour la boulangerie-pâtisserie, les céréales du petit-déjeuner, les glaces et on les utilise pour parfumer des aliments divers. La pâte d’amande est la base de nombreux gâteaux et pâtisseries. L’amande grillée est également un fruit sec très apprécié aussi bien nature que salé. En cuisine, les amandes ont également une place de choix pour préparer ou garnir et agrémenter certains plats salés ou sucrés.L’amande est riche en huile très appréciée pour les soins capillaires et de la peau, éliminer les rides, cicatriser, hydrater et comme démaquillant. Elle est utilisée également pour la fabrication de savons et comme laxatif.

L’amande possède de nombreux atouts nutritionnels. Elle est riche en acides gras insaturés et permet de réduire le taux de cholestérol dans le sang et les risques de maladies cardiovasculaires. Ses protéines favorisent le maintien et le développement de la masse musculaire. Sa haute teneur en fibres permet de réguler le transit et prévenir les cancers du côlon. Sa richesse en vitamines, minéraux et anti-oxydants participe à la lutte contre le stress oxydatif, les dommages cellulaires et certains cancers. Eviter toutefois de trop en manger, surtout quand elle est salée.

Sfax, royaume de l’amandier

La culture de l’amandier est très ancienne et remonte aux Carthaginois. Quoique cultivé un peu partout, c’est particulièrement dans la région de Sfax que l’amandier a trouvé les conditions pédoclimatiques et socioéconomiques idéales. La région de Sfax produit la moitié de la production nationale d’amandes.

Pour les Sfaxiens, l’attachement à l’amandier est très particulier. D’ailleurs, ils l’appellent «jellouz» (جلوز) ou «zellouz» (زلوز) au lieu de «louz » (لوز) comme tout le monde. Ce sont surtout les Sfaxiens qui ont développé les techniques de production et la sélection de l’amandier. La plupart des variétés actuelles portent les noms des familles sfaxiennes qui les ont obtenues, sélectionnées et multipliées comme Ksontini, Elleuch, Fakhfakh ou Ben Smail.Les Sfaxiens ont également développé les techniques de conservation des amandes et ont inventé les diverses utilisations possibles des produits de l’amandier et des fruits. Tout est utile dans l’amandier. Le bois est utilisé pour la clôture du « jnen », la confection d’abris et d’outils divers ou pour la cuisson. Les feuilles et les branches tendres sont utilisées comme aliment pour animaux. Les coques des amandes et les enveloppes sont un excellent combustible.

Les Sfaxiens excellent surtout dans l’utilisation de la pâte d’amande dans la pâtisserie. Baklaoua, mlebbess, kaak louz, tajines, bejaouia et autres sont de formidables gâteaux traditionnels qui, provenant de la région de Sfax, possèdent un goût et une saveur extraordinaires. Ces gâteaux ont acquis une réputation internationale. L’orgeat ou « rouzata», à base d’amandes (douces et amères) parfumée à l’eau de rose, est la boisson des fêtes et événements heureux par excellence (mariages, naissances, circoncision…).

Depuis quelques années, Sfax abrite, fin mai, le festival national de l’amandier, une occasion pour mettre en valeur ce riche patrimoine socioculturel et développer la valorisation des divers produits de l’amandier.

Quelques données sur la culture de l’amandier

Au niveau national, l’amandier occupe la deuxième place, après l’olivier, soit 200 000 ha. La région de Sfax représente la moitié de la surface. La culture est plutôt traditionnelle, artisanale et extensive. La production annuelle d’amandes a atteint 68 000 tonnes en 2018. La sécheresse a largement contribué ces dernières années à la réduction de la production.

L’amandier est un arbre rustique et peu exigeant. Il a besoin de beaucoup de chaleur et de lumière. Il commence à produire à partir de la quatrième année. Il est en pleine fructification à sa dixième année et peut vivre jusqu’à 30 ans. Toutefois, le rendement chute sensiblement après 18 ans. La floraison est très précoce, à la fin du mois de février. Au mois de mai, le fruit est bien formé, bien plein et peut être cueilli et commercialisé. De forme allongée et aplatie, il est de couleur vert pâle et duveteux au toucher. Il comporte un noyau à coque dure qui abrite une amande blanche enveloppée d’une peau brune et qui peut facilement se diviser en ses deux cotylédons. Plus tard, laissé sur l’arbre, au mois de juillet et août, le fruit vire au beige et l’enveloppe externe finit par éclater, s’ouvrir et parfois tomber. C’est le moment de le cueillir, le laisser encore sécher et le stocker ou le commercialiser ainsi. Il est également possible de casser la coque et de ne garder que l’amande interne, la partie consommable.La Tunisie dispose de plusieurs variétés bien adaptées au climat semi-aride comme Achaak, Ksontini, Elleuch, Fakhfakh et bien d’autres. L’amandier peut être cultivé seul ou en intercalaire avec l’olivier. La densité est faible et les soins sont très limités. La productivité est forcément faible et tourne entre 200 et 300 kg/ha.

L’amandier se prête bien à l’intensification et la mécanisation. Aussi bien en Californie qu’en Espagne, ainsi que d’autres pays, la production peut atteindre dans de bonnes conditions de conduite les 3 000 kg/ha, soit environ 1 000 kg d’amandons. Ceci est obtenu grâce à un choix judicieux de ou des variétés, une densité élevée allant jusqu’à 300 arbres/ha, une irrigation complémentaire adéquate, une bonne fertilisation et une taille correcte. La plupart des variétés ne sont pas sujettes à l’autopollinisation, aussi les abeilles et autres insectes jouent un rôle important pour la fécondation des fleurs, la formation des fruits et la productivité. La récolte et l’écalage (enlever l’enveloppe externe du fruit) sont mécanisés.

Conclusion

Les amandes sont de plus en plus consommées et utilisées pour la confection de produits alimentaires et de boissons. Dans le monde, elles connaissent une demande explosive, avec surtout le développement du marché asiatique (Chine, Corée du Sud et Inde), et des prix en augmentation constante.La Tunisie dispose de conditions parfaites pour le développement de la culture de l’amandier (climat, sol, variétés adaptées, savoir-faire…). La Tunisie bénéficie également de la proximité des pays importateurs comme la France ou l’Allemagne. Le créneau amandes produites selon le mode biologique est en vogue, surtout pour l’amande de bouche.

Il est nécessaire d’améliorer la productivité et de développer la mécanisation aussi bien au niveau de la culture qu’à celui de la récolte afin d’améliorer la rentabilité des amanderaies et d’être compétitif au niveau mondial.

Ridha Bergaoui