Visite : Hassan Massoudy, le calligraphe fraternel
Par Tahar Bekri - En me raccompagnant à la porte de son atelier, il regarde passer La Marne, il dit : l’eau du fleuve qui miroite est pour moi comme une calligraphie. Heureux d’avoir pu lui rendre visite après tant d’absence involontaire. Je le retrouve égal à lui-même, tel qu’en lui-même, comme je le connais depuis très longtemps: accueillant, hospitalier, chaleureux, simple, modeste. C’est ici que travaille le calligraphe iraquien, Hassan Massoudy, l’un des plus importants calligraphes arabes actuels. C’est ici qu’il a reçu le long des années, des centaines de visiteurs, pour découvrir son art. Partout, des calligraphies, sur les murs, sur les tables, dans les cartons. Un ami m’accompagne, Hassan lui explique sa démarche, montre les dizaines de bocaux de couleurs qu’il utilise, les calames qu’il découpe dans les roseaux qu’il cherche lui-même dans les roselières.Depuis des décennies, Hassan Massoudy œuvre à populariser la calligraphie arabe, comme art et fait de civilisation, à la rendre accessible auprès du public français et européen. Livre après livre, exposition après exposition, il calligraphie ce qu’il considère comme important dans la culture arabo-musulmane: poésie, savoir, sagesse, aphorismes, proverbes. Mais il ne se limite pas à cela, il s’ouvre bien volontiers sur la culture universelle, en choisit des poèmes, des paroles de sagesse, des extraits littéraires qui expriment l’humanisme, la fraternité humaine, Dans un besoin d’échanges, de dialogue des cultures, de connaissances mutuelles et réciproques, l’esthétique faite de beauté en partage.Hassan Massoudy, né dans le Najaf, installé en France depuis la fin des années soixante-dix, a poursuivi ses études aux Beaux Arts à Paris après celles en Iraq, il ne se suffit pas des enseignements des écoles de calligraphie qu’il a appris dans la tradition auprès de Maîtres-calligraphes, il innove dans le mouvement de la lettre, dans sa gestuelle, sa thématique. Il fait entrer la calligraphie de plain-pied dans la modernité artistique mondiale. La connaissance et la maîtrise de l’ancien, n’empêchent pas de chercher un nouveau langage, un nouveau style.
Il est en face de moi, nous parlons du calligraphe de Kairouan, Ali Ibn Ahmed al-Warraq qui calligraphia en 401 de l’Hégire /1020 ap. JC, Le Coran, connu sous le nom de Moshaf al–Hâdhina, la nourrice de l’émir ziride, Ibn Badis. L’œuvre d’Al Warraq a donné à Kairouan une école de calligraphie kufique spécifique. Des feuillets de ce Coran, se trouvent aujourd’hui dans certains musées d’Europe ou hélas, vendus par les marchands d’art.
L’effort louable de Hassan Massoudy est d’avoir mis au jour et fait connaître des centaines de vers de poètes anciens et modernes, arabes et étrangers. Toujours aux aguets du sens profond, ouvert, significatif, humaniste, qui pourrait rapprocher les humains. Il a contribué ainsi à réduire la méconnaissance, pour ne pas dire, le mépris de la culture de l’autre avec la meilleure image. Pour le bonheur du lecteur spectateur.
Engagé comme artiste, depuis longtemps en exil, il s’emploie à faire de sa calligraphie une belle rencontre, une voix pacifique, une affirmation de la reconnaissance de l’art auprès du public le plus large, un chant de beauté pour l’entente cordiale.
Tahar Bekri