Blogs - 03.01.2011

La Tunisie a mal à son tourisme !

 Quand le tourisme éternue, c’est toute l’économie tunisienne qui s’enrhume : un secteur-clé qui représente entre 5 et 7% du PIB, assure 15% des recettes d’exportation et emploie 400000 personnes (entre emplois directs et indirects).  Depuis quelque temps, le tourisme, jadis  locomotive de notre économie,  en est devenu l’homme malade. Selon les derniers chiffres, 2010 ne sera pas et à l’instar des années précédentes,  un bon cru, malgré les prévisions optimistes qui relèvent davantage de la méthode Coué que d’une analyse objective de la situation.

On est tenté d’incriminer la conjoncture internationale comme on a souvent tendance à le dire pour masquer nos échecs. Par malchance,  ce secteur se porte comme un charme chez nos concurrents turcs et surtout marocains ou égyptiens qui se sont largement inspirés de l’expérience tunisienne pour diversifier leur produit et attirer de nouveaux segments de touristes. Bien plus, ces deux pays sont devenus des destinations people attirant les politiques et la  jet set. Une clientèle très intéressante en termes de pouvoir d’achat et d’image qu’on s’échine  à attirer sans y parvenir.

Comment en est-on arrivé là ? Le secteur avait connu son âge d’or au cours de la période 1970 - 2000, « les trente glorieuses », avec une croissance à deux chiffres. Tout, alors, baignait dans l’huile : l’afflux des touristes, les investissements, les hôtels pimpant neuf. Avec ses 800 hôtels et ses 240000 lits, le parc hôtelier tunisien était le plus important de la région. En 2001, on en était à plus de 5 millions de touristes essentiellement européens dont plus de 850000 allemands. Les hôteliers étaient sur un nuage alors que ce secteur était en plein marasme dans les autres pays de la région. On venait de partout pour admirer nos marinas  et éventuellement s'en inspirer. Pour faire face à la demande, on a dû bétonner à tour de bras comme sur la Costa Del Sol espagnole ou la Riviera italienne,et on a oublié l'essentiel, que les touristes des années 2000 ne ressemblent pas à leurs parents. Plus instruits, ils veulent se distraire, mais aussi se cultiver, faire connaissance avec le pays profond. Ils sont plus sensibles  au respect  de l'environnement.

Puis arrive septembre 2001 suivi huit mois plus tard, en avril 2002,  de l'attentat contre les touristes allemands à Djerba qui va accélérer la chute. Et c’est le cercle vicieux : les investissements s'amenuisent, les enseignes mondiales (Marriot, Accor, Méridien, Sheraton et surtout Hilton, présent, pourtant, en Tunisie depuis 1965), quittent le pays l'un après l'autre, le nombre de touristes européens se stabilise à six millions alors qu’on en  prévoyait 10  en 2010  et les recettes en devises se tassent. Même l'afflux des touristes libyens et algériens ne suffit pas à atténuer  la crise. Du coup, les hôtels bradent les prix et inévitablement, la qualité des services s’en ressent. Rien qu'en 2010, 156 établissements ont été déclassés, alors que 16 unités seulement ont amélioré leur classement. Bien qu’on n’ait jamais construit autant de 5 et 4**** et diversifié autant le produit, le tourisme tunisien  est resté prisonnier de son image low cost et de sa composante balnéaire.

La situation est-elle pour autant désepérée ? Depuis maintenant bientôt un an, le nouveau ministre du Tourisme, M. Slim Tlatli a préféré, aux effets d’annonces et mesures cosmétiques, s’attaquer au fond des choses. Tolérance zéro quant à la qualité, mise à niveau des unités, innovation produit, formation de haut niveau, attraction de grands enseignes, recentrage d’image et de nouvelles ressources pour le marketing : agir sur les fondamentaux. Espérons que la profession s’y implique totalement.

Hédi Béhi