Recueil de poésie «Les cendres rosacées»: Une lecture critique par Ali Ben Larbi
Il dédie les «visions poétiques», de ses 36 poèmes, écrits de sa propre plume, «A ceux qui m’ont fait jaillir du néant», « A ceux qui portent mon nom..., A mes parents, A mes enfants».
A tous ceux-ci, il dédie ses visions. Donc mettons-nous d’accord, il les dédie explicitement à un cercle familial bien restreint. Malheureusement ses amis en sont exclus, disons plutôt oubliés... dans sa transe. Voyons d’abord pourquoi des visions. Généralement les poètes s’expriment en sensations. Comme écrivain-voyageur, seul Jules Verne, se disait visionnaire.
A-t-il alors des perceptions imaginatives… pour ne pas dit imaginaire, visionnaires…
Il est vrai que lorsque l’on s’y prête à consulter ce qui est visionnaire de ce qui ne l’est pas, l’on s’aperçoit des fois de la véracité de ces visions. Voyons de plus près combien nos vues s’approchent de ses visions.
Les poèmes Seul (le 3ème), Gaia (le 33ème), Virginie (le 21ème) et Transes (le 20ème), sont plutôt ceux qui semblent le plus étayer la thèse visionnaire.
Encore faut-il préciser que ces visions se transforment vite en cendres, qui finissent ce qui est plus est, rosacées. Quel beau titre pour le recueil de poèmes.
Ces visions sont donc d’abord cendrées puis ensuite, ou en même temps, rosacées, prenant de très jolies formes de pétales de roses multicolores. Des visions bien féeriques édulcorées.
De tous les trente-six (36) poèmes, celui qui s’éloigne le plus de ces visions est le 35ème intitulé, «la mère». «Cet ange bienfaisant», écrit M. Kéfi que «l’on me n’entend jamais lever la voix, elle se plaint mais pas gémît et souffre en silence, pour nous donner la vie, plus qu’un père, mieux qu’un maitre, cet ange bienfaisant». Elle est mielleuse cette expression poétique réelle qui fend le cœur de celui qui la proclame.
Mais le poème le plus tremblant que tous les autres, c’est le dernier, le 36ème, celui intitulé «Hédia». Ce prénom qui revient aussi dans le recueil des nouvelles. Apparemment c’est un personnage réel, souffre-douleur. Hédia, écrit M. Kéfi est-elle «ange ou démon», (c’est le dernier ver du poème).
Ange, par ce que sa beauté et son charme peuvent faire perdre la raison à la personne, à l’homme qui s’y attache, qui s’en est épris. Démon, par ce quelle capable de se suffire de ce seul homme que s’en est épris. Infidèle elle est capable d’atroces trahisons visions comme l’épouse de la Nouvelle (la 4ème) intitulé Naufrages. Qui un «corps gracile de sylphide des hanches rondes et des seins fermes de «Néréides» et dont son homme «frémit» quand-il effleure de ses lèvres le téton aréole rosacée…». Et pourtant, le regard froid, elle laisse tomber comme un couperet «par ce soir je suis lessivée». Voilà un portrait de la femme adultère qui trompe son mari avec un «gringalet» au su et vu des voisins. Un «Yago» toujours accoutré à sa balustrade et dont la femme l’a planqué pour aller faire fortune en Australie, qui en le voyant rentrer du travail, ramenant sa fille de l’école bien assise sur ses épaules, ne manque pas de lui faire remarquer les mouvements de l’épouse et là où elle s’est dirigée chez le domicile de son amie infirmière du rez de chaussées absentes peut- être elle est tombée sur le marquis y est présente.
«Scène burlesque il ne manquait que "l’amant berné " vienne pleurnicher sur l’épaule du mari trompé, laissant le yago pérorer sur son balcon, je me dirigeais vers le logis où, selon lui, ma moitié devait s’y trouver… «Sa copine m’ouvrit la porte… m’informant que ma femme est partie après avoir pris un café ensemble, il y a quelques instants pour aller chercher sa fille à l’école!»... Me dirigeant vers le vernissage de mon exposition où m’attendaient mes invités, je l’ai fugué à l’école à côté, pour embrasser ma fille aimée, et j’ai la surprise de ma vie: ma femme avec son amant.»
« …Ma femme avec un autre homme que je ne connaissais pas…ils semblaient heureux d’être ensemble…En me voyant, elle sursauta, puis vite se ressaisit. Même prise en flagrant délit, elle arrive toujours à trouver la parole qu’il faut»… «Nous ne faisons que nous promener, il n’y a pas de mal à cela s’adresse l’homme mari alors que sa moitié lancé « ce n’est pas ce que tu pensais»… où discute. Vous discutez de quoi dit le mari offusqué. Un goût de cendre se mêlait à sa salive, peut-être de Spinoza ou les décisions de l’ONU. «Arrête, tu ne vas pas me faire une scène en pleine rue, lui réplique sa femme».
De «l’indifférence» (10ème poème du recueil), et «clochard» (11ème poème y reflétant l’égoïsme des riches et l’arrogance des impies, à «l’exorde» (2ème) et « l’oracle » (4ème) demain (16ème), la faim (9ème,) Mouldi s’exprime en observateur méticuleux, la morale à sa droite et la révolte à sa gauche… Il tisse ses toiles avec patience et passion à la fois.
Dans «ma Tunisie» (32ème), il explose, il fait corps «Contre les intrus payés par les ennemis pour rayer le passé glorieux de la mère-patrie» et la faire dégringoler les siècles moyens âges, ces monstres hideux les rejetons à qui elle a tout donné. Ma Tunisie» Ces charognard, ces pochards, tu resteras la Tunisie éternelle, verte accueillante, ensoleillée et tolérante…si douce et charmante. Mais les poèmes les plus inspirés sont ceux de vers politique:
D’abord «Bourguiba» (24ème) ou il déclame:
De Gafsa au Kef
Vous avez immolé
Sur l’autel de la liberté
Votre jeunesse et votre santé
Comme les Tunisiens
Pourront-ils vous oublier.
Ensuite Mama Africa (26ème)
Plus belle qu’une Déesse
Vénus noire
Symbole d’espoir
…
Pour quand
Et donc la délivrance
Et puis Machel (25ème)
Samouraï mozambicain
Héros de combat
…
Arrosé par ton sang
Celui de Lumumba
Des fils de Soweto.
Tous les poèmes sont légions, notamment le poème de «Sakiet» (13ème) ou «El Kef» (18ème), et encore «Heidi» (17ème), chez qu’il est allé demander la main:
De mon Kef adoré
Mon paradis
Mon nid douillet
…
Entre Eddyr et Zâafrane
Les vieux qui sirotaient leur thé
L’été à l’ombre des figuiers.
Ali Ben Larbi
Les cendres rosacées
- Poèmes -
Du Mohamed Mouldi El Kéfi
Editions Leaders, 2023,
116 pages, 20 DT
Disponible en librairie et sur www.leadersbooks.com.tn
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