News - 20.11.2023

Habib Touhami: Le redécoupage du territoire national, quelle signification ?

Habib Touhami: Le redécoupage du territoire national, quelle signification ?

Le Président de la République a décidé de diviser le territoire tunisien en cinq districts. Le premier comprend les gouvernorats de Bizerte, Béja, Jendouba et Le Kef; le second les gouvernorats de Tunis, l’Ariana, Ben Arous, Manouba, Zaghouan et Nabeul; le troisième les gouvernorats de Sousse, Monastir, Mahdia, Siliana, Kairouan et Kasserine; le quatrième les gouvernorats de Sfax, Gafsa, Sidi Bouzid, et Tozeur; le cinquième les gouvernorats de Gabès, Médenine, Tataouine et Kébili. Bien que Kébili et Tozeur aient des économies similaires sinon complémentaires (dattes et tourisme) et des liens culturels ancestraux, le choix a été de les séparer. Ce n’est pas le seul accroc, ni la seule incohérence.  

Géographiquement parlant, le redécoupage zèbre grossièrement le territoire national d’est en ouest, des gouvernorats du littoral vers les gouvernorats de l’intérieur, des régions les plus développées vers les régions les moins développées. La continuité territoriale y est  observée. On conçoit mal en effet un district comprenant des gouvernorats non attenants. Cependant, ni le poids démographique des gouvernorats, ni leur niveau de développement tel qu’il est établi par l’INS ou l’Itceq, ni les relations historiques inter-gouvernorats, ni le sens et l’intensité des courants migratoires intérieurs récents ou anciens ne semblent avoir décidé du regroupement tel qu’il est.

On peut donc penser que ce sont des motifs de développement socioéconomique qui ont présidé au choix des autorités tunisiennes. Autrement dit, ce serait la potentialité attendue de constituer au sein des nouveaux districts des espaces de développement qui a commandé le plus au redécoupage. Dans cette éventualité, l’on est contraint de rappeler a minima que les expériences passées d’édifier deux espaces de développement, l’un à Gabès, l’autre à Kasserine, ont tourné court toutes les deux. Dans un cas comme dans l’autre, il y a eu tout au plus un développement du pôle et non un pôle de développement. Point de globalité et d’intégration du processus, point d’effets d’entraînement signifiants, point d’activités annexes et connexes en nombre suffisant. Bref, point d’espace de développement.

Le discours officiel justifiant le redécoupage du territoire national tait les raisons de cette introversion et ses conséquences bien qu’il s’agisse là de l’origine essentielle du renforcement des disparités démographiques et économiques régionales. Aussi, ce redécoupage ne constitue-t-il, dans l’état, qu’un acte politico-administratif. D’aucuns prétendent que même sur ce plan, il crée plus de problèmes qu’il n’en résout, mais passons! La seule question qui vaille en la circonstance peut être formulée ainsi : si le redécoupage du territoire national a pour objectif suprême le développement socioéconomique du pays et l’équilibrage de ses régions, il aurait été naturel qu’il procède d’une stratégie corrective de la politique du développement, au plan national comme au plan régional. Ce n’est pas le cas, loin s’en faut.

Habib Touhami