Mohamed Nafti - Delenda Gaza: L’objectif de la guerre d’Israël
A partir de données collectées sur le déroulement des guerres, les penseurs militaires ont fondé un raisonnement qui va leur servir de point de départ pour des recherches visant l’interprétation de ces données et statistiques. Le résultat de ces recherches a débouché sur la formulation de lois qui régissent la guerre, ses règles et sa conduite. Il va constituer une partie importante de la doctrine militaire des pays développés qui disposent de puissantes armées. Je n’ai pas dit grande armée, parce qu’on peut avoir un grand effectif et un important arsenal militaire sans pour autant être qualifié de puissant. Ce qui fait défaut aux pays qui ont des moyens financiers illimités pour acheter des armes et copier l’intelligence des puissances militaires, c’est en premier lieu l’inexistence d’une doctrine militaire adaptée à leur réalité.
Ceci est dit en passant parce que je suis contraint de me référer à la pensée américaine de la guerre qui est publiée dans des sources ouvertes que chacun peut vérifier et qui me servira d’argument dans mon analyse de la guerre à Gaza et du fait que je n’invente rien. Mon analyse reste une interprétation et des conjectures. Dans ce qui suit, je vais parler des objectifs de la guerre à Gaza. Je citerai les objectifs exprimés par les antagonistes à travers les médias. Ceci servirait ensuite de support d’analyse pour ce papier.
Dès le premier jour des hostilités, les deux parties ont exprimé clairement leurs objectifs. Le Hamas par l’intermédiaire d’un responsable sur le terrain et devant les caméras des journalistes d’Al Jazeera a déclaré que l’objectif de leur attaque est «la libération des prisonniers palestiniens détenus dans les geôles israéliennes et la protection de la Mosquée sacrée de Jérusalem». Un objectif certes très modeste mais réalisable.
Hamas a-t-il commis un péché mortel en déclarant un objectif aussi modeste? La grande majorité de l’Occident condamne toute action du Hamas parce que c’est la consigne donnée par le «Maître de l’Occident». Le prétexte c’est de dire que Hamas est terroriste, Israël a le droit de se défendre, on condamne Hamas et on soutient Israël. Et aucun pays occidental n’aura le courage de se soustraire à cette règle imposée par le «Maître». Il est inutile de dire que tous les pays de l’Occident ont soutenu les groupes terroristes issus des pays arabes musulmans dans leur combat en Afghanistan durant la guerre contre URSS, qu’ils ont appuyé les groupes terroristes contre Bachar Assad, que Daech était soutenues par des puissances occidentales en 2014 lorsqu’il s’agissait de détruire l’Irak. Le comble c’est que le meilleur allié arabe d’Israël finance le Hamas, a financé Daesh et Al Qaeda. Ce pays est le plus «respecté» par les Occidentaux, un respect machiavélique certes, mais c’est le réalisme politique dira-t-on.
Le premier ministre israélien était aussi clair dans son annonce: «Puisque Hamas veut la guerre, on va faire la guerre et l’objectif est de vaincre Hamas». Et d’ajouter qu’on «n’entendra plus parler de Hamas. Gaza sera un champ de ruines et que cela prendra le temps qu’il faut pour que notre action servira de leçon à qui pensera à nous provoquer». Enfin dit-il: «Je vais changer la face du Moyen Orient.»
Pour comprendre ces déclarations il est utile de revenir sur la définition du concept «objectif de la guerre». La meilleure définition de la guerre moderne prend origine dans le livre Vom Krieg (De la Guerre) de Clauwesvitz: «La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens». La guerre est ici perçue au niveau de l’Etat, le plus haut niveau de l’action militaire. La guerre étant décidée par la plus haute instance politique de l’Etat doit avoir des objectifs purement politiques. En d’autres termes, si en décidant d’entrer en guerre vous ne réalisez pas vos objectifs politiques, vous aurez perdu la guerre tout simplement.
L’exemple le plus connu c’est la guerre du Vietnam. Selon les américains eux-mêmes: l’armée américaine n’a perdu aucune confrontation avec les Vietnamiens durant 20 ans, de 1955 à 1975 et a infligé de très lourdes pertes aux Vietnamiens en vies humaines et en infrastructures. Mais, à la fin, ils ont quitté le Vietnam du Sud qui a été englouti par le communisme. A la fin de leurs victoires innombrables sur le terrain et la perte de près de 55.000 soldats les Etats-Unis d’Amérique, première puissance militaire du monde ont subi un échec cinglant au Vietnam parce qu’ils n’avaient pas un objectif politique. La victoire sur le théâtre d’opération ou sur le terrain n’est pas une assurance de la victoire politique qui est la finalité de la guerre.
Pour Israël, l’objectif est de détruire Hamas, ce qui devrait constituer la finalité de cette guerre et que la victoire sur Hamas serait l’objectif de cette guerre. Cet objectif n’est pas très difficile à réaliser. Même les plus petits pays qui ne disposent que de moyens très modestes à leurs dispositions sont en mesure d’atteindre leurs objectifs qui consistent à vaincre les groupes dissidents armés. Ils n’auront pas besoin des plus grands porte-avions américain et des flottilles du Royaume Uni pour vaincre.
Aucun analyste militaire ne doute des possibilités militaires israéliennes pour vaincre Hamas et le Jihad islamique à Gaza en quelques jours au grand maximum. On parle ici de confrontation militaire. Israël pourrait même raser Gaza en des temps très réduits. Et qui peut lui interdire d’utiliser n’importe quel moyen militaire pour se défendre? Il n’y a que les Etats-Unis d’Amérique qui sont en mesure de le faire. Les Etats-Unis, il faut le savoir, n’ont pas signé les Conventions de Genève de 1949 et ses Protocoles additionnels.
Mais Israël n’a en réalité aucun objectif politique dans cette guerre pour deux raisons. La première est qu’elle était toujours opposée à une solution politique qui reconnait le droit aux Palestiniens d’avoir un Etat. La deuxième est corollaire de la première raison, cette guerre comme toutes les guerres passées est motivée par un désir de vengeance. Tuer et détruire lentement tout processus de paix et détruire et tuer toute entité humaine palestinienne qui ose lutter pour la reconnaissance d’un droit.
Ce qui a changé cette fois, c’est que des groupes minuscules qui ne disposent que de moyens militaires rudimentaires ont réussi ce qu’aucune armée arabe n’a fait depuis l’existence d’Israël en 1948. Imaginer des combattants avec quelques AK7 rouillés et une dizaine de RPG réussisse à pénétrer en territoire israélien et à entrer dans les casernes militaires et à capturer des gradés et des soldats et les ramener à Gaza à bord de jeeps militaires israéliennes.
Comment effacer cette «déculottée» de la cinquième puissance militaire mondiale et celle du service de renseignement le plus performant du monde? Tout simplement il ne faut pas parler de ça. Il faut créer un narratif motivé par la lutte contre le terrorisme et agir en conséquence. Après tout, dira Israël, Hamas a été élu par les habitants de Gaza qui le soutiennent, l’abritent et lui fournissent les combattants. Le bébé qui est né le 6 octobre 2023 est, pour Israël un terroriste potentiel. «Preemptive Attack» oblige, il vaut mieux l’éliminer dès sa naissance.
Les israéliens savent tirer les leçons du passé. Pharaon n’a pas assassiné Moise le faible et le résultat c’est Pharaon le puissant qui a péri. Tuer les terroristes, démolir leur infrastructure démolir les hôpitaux faire un blocus total sur Gaza, tuer tous les habitants de Gaza et raser Gaza. Delenda Gaza!
Mohamed Nafti