News - 29.08.2023

Des universités pour retraités pour bien vieillir en société

Des universités pour retraités pour bien vieillir en société

Par Ridha Bergaoui - La Tunisie compte environ 12 millions d’habitants dont près de 12% de plus de 60 ans (soit 1,356 million de personnes). En 2030, la population serait de plus de 13 millions. L’espérance de vie à la naissance, selon l’INS, est en moyenne pour 2022, de 76,9 ans. Elle serait, à l’horizon 2040, de 80,5 ans pour les femmes et de 78,4 pour les hommes.

L’augmentation démographique de la population et l’allongement de la durée de vie vont entrainer, dans les années à venir, un vieillissement plus important de la population. La tranche de la population de plus de 60 ans représentera, en 2030, probablement plus de 14%. 

Des retraités plus nombreux et bien portants

Quoique nous ne sommes pas tous égaux face au vieillissement (celui-ci dépend aussi bien de facteurs génétiques, de l’environnement et du comportement individuel de chacun d’entre nous), il est toutefois indéniable que l’avancement dans l’âge et le vieillissement s’accompagnent de la réduction des capacités physiques et de la détérioration de l’état de santé. Les défenses immunitaires diminuent et la personne est fragilisée. Avec le vieillissement on assiste souvent à une apparition ou aggravation des maladies chroniques, tel le diabète, tension, rhumatismes, problèmes cardiaques ainsi que des maladies spécifiques aux personnes âgées comme la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer.  

Toutefois, grâce aux progrès de la médecine moderne, on peut considérer qu’il est possible de garder, jusqu’à 75 ans, une santé satisfaisante, sans dépendance et qu’il est envisageable de continuer, jusqu’à cet âge, de mener une vie active normale. D’ailleurs, nombreux sont ceux, dans le secteur privé, qui continuent à travailler après 60 ans. Pour la frange de la population de 60 à 75 ans, les personnes dépendantes ne représentent qu’une minorité très réduite.

La retraite est pour certains une étape difficile à vivre

Le départ à la retraite, et l’arrêt du travail, constitue pour le retraité un virage important. C’est une rupture avec le monde du travail avec ses deux aspects, d’une part l’inactivité et l’arrêt du travail et d’autre part une coupure avec le milieu professionnel, ses collègues et l’ambiance qui va avec. Ce départ à la retraite s’accompagne généralement d’une fonte brutale des relations amicales et sociales. Pour le retraité, le fait de rester sans rien faire à la maison peut être source d’ennuis à l’origine de tracas et de conflits conjugaux surtout que, généralement à cet âge, les enfants auraient quitté le domicile parental et pris leur indépendance.

Le départ à la retraite, qui survient parfois après plus de 40 ans d’activité durant lesquelles des routines et certaines habitudes se sont bien installées, marque d’une façon définitive le retraité. Elle peut le conduire à l’isolement et parfois la déprime. Cette situation contribue à la dégradation de son état de santé et accélérer le vieillissement.

Dans de nombreux pays, des organisations, des associations, des cellules d’écoute et d’aide s’occupent des retraités et les aident à résoudre leurs problèmes quotidiens. Certains pays comme le Japon tolèrent et encouragent les séniors à travailler jusqu’à l’âge de 80 ans. Il faut signaler qu’un retraité japonais touche beaucoup moins que la même personne en exercice et connait une dégradation de son pouvoir d’achat. En plus avec la faible croissance démographique de la population le nombre d’actifs diminue sans cesse et le Japon a besoin de main d’œuvre pour son développement économique. Pour toutes ces raisons le japonais continue à travailler au-delà de 75 ans. Il est évident que le travail confié aux séniors est en rapport avec leurs capacités physiques et la plupart des retraités au Japon sont employés dans des travaux légers de jardinage, gardiennage, accueil, circulation…

Les universités pour retraités

Dans de nombreux pays, des universités accueillent les personnes âgées et leur permettent de suivre des cours, de se former. Elles leur permettent également de rencontrer des personnes ayant les mêmes centres d’intérêt et de sortir de l’isolement.

Conçues initialement pour les personnes âgées à la retraite, ces universités ont progressivement élargi leur champ d’activité pour intéresser d’autres couches sociales d’où des appellations différentes: universités du troisième âge (UTA), universités du temps libre (UTL), universités tous âges (UTA), universités inter-âges (UIA) ou universités pour tous (UPT). Pour une raison de commodité on va désigner dans ce qui suit toutes ces universités par Université pour tous (UT).

Ces universités ne délivrent ni diplôme, ni attestation ni un quelconque certificat. Elles ne préparent à aucun diplôme ni à l’emploi.

Elles sont dédiées à dispenser une certaine formation dans un souci pour le candidat d’élargir son champ des connaissances et de culture générale, le tout dans un cadre universitaire, convivial et détendu. L’échange, le partage et la création de nouvelles amitiés et relations représentent des a touts importants.  Elles sont ouvertes aux personnes âgées et aucun diplôme n’est exigé. Elles sont enfin rattachées à une université ou un établissement de l’enseignement supérieur.

Elles dispensent un ensemble d’activités en rapport avec les conditions physiques, les besoins et les désirs des apprenants sous forme de conférences, de rencontres et des discussions, des ateliers, des activités sportives, des activités culturelles et littéraires, des excursions et sorties…. Suivre, dans certaines conditions et dans la limite des places disponibles, certains cours des programmes officiels de l’université en question est également possible. Les candidats ne sont pas considérés des étudiants et ne peuvent pas bénéficier des avantages réservés aux étudiants normaux de ces établissements.

Ces universités, étant basés sur le bénévolat, leur rattachement à des établissements publics leur permet de profiter de leurs infrastructures, des services et des moyens logistiques, dans les limites do possible.

Les universités pour tous existent partout

De nos jours, ces Universités existent partout dans le monde. Le concept et l’appellation peuvent varier d’un pays à un autre toutefois l’idée principale reste la même, celle de permettre, surtout aux personnes âgées, de se cultiver, de rencontrer d’autres personnes afin de rester actif, maintenir ses facultés cognitives, éviter l’isolement. Ils permettent ainsi à leurs adhérents, de s’épanouir pour bien vieillir en société.

Quoique l’objectif principal soit le même, à savoir apprendre pour se former et s’ouvrir sur son environnement, les universités dont on parle ici sont des structures différentes de celles destinées à l’élimination de l’analphabétisme orientées vers les personnes analphabètes, peu alphabétisés ou ceux qui ont interrompu prématurément.

En France, les UT existent depuis 1973. La France dispose de nos jours de plus de 250 UT réparties sur tout le territoire.  Elles ont pris la forme juridique d’associations à but non lucratif et sont rattachés à des universités ou des établissements d’enseignement supérieur classique public (facultés, écoles, instituts...). L’adhésion se fait en payant des frais de participation généralement modiques.  Les UT sont groupés dans une fédération dénommée Union française des universités de tous âges faisant partie elle-même de l’Association internationale des universités du troisième âge.

La prestigieuse et la plus ancienne université de France, l’Université de la Sorbonne, dispose d’une université Inter-âges rattachée à la faculté des lettres. Elle dispense des cycles de conférences, accessibles à tous et ouverts également aux étudiants, dans divers domaines (lettres, civilisations, humanités et sciences). Les conférences peuvent se faire en présentiel ou à distance, en utilisant la plateforme Moodle.

En Tunisie rien ne s’oppose à la création des universités pour retraités

En Tunisie, la retraite est fixée à 62 ans sauf exception pour certains corps comme les enseignant du supérieur qui peuvent travailler un peu plus longtemps. Avec les progrès de la médecine et l’amélioration des conditions de vie quotidienne et surtout l’hygiène, une personne normalement constituée possède à 62 ans encore toutes ses aptitudes aussi bien physiques que mentales.

Par ailleurs, il est interdit, dans le secteur public, d’employer des personnes mises à la retraite bénéficiaires de pensions (loi n° 87-8 du 6 mars 1987). Dans le secteur privé, le cumul d’une pension de retraite et un revenu permanent est prohibé. Les retraités sont ainsi condamnés à ne rien faire et à périr doucement et lentement dans les cafés ou chez eux.

L’apprentissage tout le long de la vie est un des objectifs de l’université tel qu’il est rapporté dans l’article 2 de la loi n°2008-19 du 25 févier 2008, relative à l'enseignement supérieur qui stipule entre autre que «l’enseignement supérieur et la recherche scientifique ont pour mission fondamentale de: …. Assurer la formation présentielle, la formation à distance, la formation à la demande, et offrir les opportunités d’apprentissage tout au long de la vie…».

Rien ne s’oppose donc pour l’ouverture des universités et des établissements de l’enseignement supérieur aux retraités et à ces formations. Il n’y a pas d’âge pour apprendre, maintenir ses facultés cognitives éveillées et bien vieillir en société. La retraite signifie la sortie du monde du travail, elle peut correspondre à l’entrée dans une nouvelle étape pleine d’activités et de participation à la vie sociale.

L’ouverture des établissements de l’enseignement supérieur aux retraités leur permet d’améliorer leur niveau culturel, de se former et de stimuler leur intellect. Elle permet ainsi, à ceux qui le désirent, d’apprendre, de sortir de la solitude, de s’épanouir, de participer à la vie sociale et donner du sens à ce qui reste de leur existence. Elle leur permet également de rester en bonne santé et d’éviter la dégradation de leur état de santé. Il faut rappeler que les personnes âgées sont les premiers clients des médecins, hôpitaux, cliniques et toutes les structures de la santé. La bonne santé du retraité permet à la société de faire des économies de soins de santé de plus en plus onéreux.

Il n’y a pas d’âge pour apprendre

De nos jours, le monde connait un profond changement à tous les niveaux (climatique, politique, économique, scientifique et technologique. Notre environnement devient de plus en plus complexe et «high-tech». Avec les nouvelles technologies et l’Internet, rien n’est plus aussi simple qu’avant. Utiliser correctement son smartphone, bien profité de sa smart-tv… nécessite certaines connaissances préalables.

Les retraités ne doivent pas être mis à l’écart. Ils ont besoin, autant que le reste de la population si non plus, d’être encadrés et soutenus. Il est important de leur permettre d’acquérir les connaissances nécessaires pour leur intégration dans la société et éviter des conflits générationnels.

En Tunisie, tout le monde reconnait que l’école publique nationale est en crise. Faible niveau des élèves, abandon scolaire important, augmentation sensible du taux d’analphabétisme… Connaissant l’importance de l’éducation dans le développement des sociétés et des pays, la constitution 2022 a instauré un Conseil national de l’éducation et une Consultation nationale pour la réforme de l’éducation va démarrer très bientôt (probablement le 15 septembre). Dans ce projet important et décisif pour l’avenir du pays, il est essentiel de ne pas ignorer et marginaliser une frange importante de la population, celle des retraités.

Tout le monde reconnait qu’il n’y a pas d’âge pour apprendre. Ne dit-on pas qu’il faut apprendre de la naissance à la mort? «اطلبوا العلم من المهد إلى اللحد». Le savoir est un facteur important de liberté.

Ridha Bergaoui
 

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