Lilia Bouguira: Bourguiba, la légende et son legs immortel (Album photos)
Tuer le père pour pouvoir naître.
La fougue de la jeunesse pousse aux extrêmes, aux remises en questions, au break down. Tous sans exception, nous avons tenté à un âge donné de notre existence surtout l'adolescence de nous éloigner de nos parents, de refuser de leur ressembler, de ne pas aimer leur façon de faire, d'avoir honte de les retrouver à la sortie d'école quand les premiers duvets de l'âge ado ont commencé à pointer , de les contredire, de nous opposer en permanence à leurs idées et décisions, de les traiter de mille et un qualificatif pas toujours beaux, de les détester même voire de souhaiter leur disparition . Leur mort pour pouvoir vivre et émerger au monde des adultes.
Certains trouveront mon écrit exagéré, farfelu ou peu conforme.
L'hypocrisie sociale n'a pas de limite. Mon" je m'en contrefiche" encore plus.
Tout cela pour dire, les adolescents rejettent tout pour mieux grandir.
Pour mon cas, j'ai grandi avec Bourguiba. Il était à son déclin. Et quand mes amis en France ou ailleurs me félicitaient pour notre président et qu'ils me le présentaient avant gardiste surtout avec l'histoire, je ne comprenais pas. Du voile des femmes qu'il avait osé lever au lendemain de l'indépendance, du jeûne qu'il avait interdit par un jour de canicule qui avait fait des morts, pour l'avortement qu'il avait permis et la contraception généralisée, pour les mesures de vaccination de masse pour éradiquer le trachome, la tuberculose et beaucoup d'autres épidémies, pour les sages et courageuses positions qu'il avait sues prendre et assumer, pour sa communauté juive qu'il considérait plus tunisiens que tous les tunisiens. Il préférait devancer le monde, marcher sur des tessons de verre, se bruler les ailes mais jamais la nation. Soigner et éduquer son peuple étaient saission, son seul objectif. D'ailleurs, il pensait sérieusement que le sort de son peuple lui appartenait. Nous lui appartenions comme un enfant à sa mère. Ce qui l'avait finalement perdu l'âge y faisant également.
Des œillères de jeunesse indispensables pour mon passage à l'âge adulte m'imposaient une opposition farouche. C'était le propre de mon âge. La rébellion, le refus, le déni, l'opposition, le clivage et l'ambivalence.
Aujourd'hui avec du recul, je comprends mieux.
Surtout après 2011 où un tsunami a tenté d'emporter le plus gros de ses œuvres.
Bourguiba a permis aux esprits de penser librement. Il a levé le joug patriarcal en touchant au cœur d'une société misogyne et combien hostile à l'émancipation de la femme.
Il a saisi et cela a été son plus grand fort. Le pouls des nations passe par la femme qu'il lui fallait libérer.
Il en a fait un jour de fête le 13 Aout.
Pour beaucoup et surtout depuis 2011 et aujourd'hui plus que n'importe quel moment, des pensées obscurantistes jalouses veulent ternir ce mythe: Bourguiba.
Et pourtant Bourguiba gagne à outrance chaque jour un peu plus du terrain dans le cœur des hommes et des femmes tunisiennes. Justement parce qu'une fois qu'on a goûté au fruit interdit, il devient plus sucré que jamais.
Bourguiba a fait du 13 Août notre fête, soyons en fières et la tête haute car il n'est pas encore né celui qui veut faire de la femme un complément, une ombre, un mouroir qui ne sait que hocher de la tête ou acquiescer sans piètre mot.
Bourguiba a forcé l'histoire d'une Tunisie beylicale vendue et tourmentée par les vautours d'antan. Aujourd'hui encore, le risque est gros. A la seule différence que nombre de ses femmes sont éduquées comme filles et descendantes de Bourguiba et qu'elles se refuseraient violemment au harnais. Et s'il le faut, elles n'hésiteraient pas un instant à rejoindre le maquis comme jadis leur père spirituel l'avait fait.
Lilia Bouguira