Opinions - 01.04.2023

Taoufik Habaieb - Eau et réchauffement: deux grandes alertes

Taoufik Habaieb - Eau et réchauffement: deux grandes alertes

Quelle que soit son ampleur, la crise politique et économique ne saurait occulter la grande alerte du stress hydrique et du réchauffement climatique. Deux fortes menaces, mondiales certes, mais très redoutables pour la Tunisie. La toute récente conférence de l’ONU sur l’eau (22-24 mars 2023) et le sixième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec, 20 mars 2023) nous le rappellent et nous interpellent.

Les risques s’aggravent. La Tunisie enregistre depuis le mois de septembre dernier un déficit d’apports pluviométriques de 1.190 millions de m3 d’eau, par rapport à la même période de l’année précédente. De 1.517 millions de m3, nous n’en sommes qu’à 327 millions seulement. Le taux de remplissage des barrages n’est que de 31%. Celui de Sidi Salem, pièce maîtresse dans l’appareil hydraulique, n’est qu’à 17% de sa capacité. Pour la première fois depuis 50 ans, le mois de décembre dernier n’a enregistré aucune précipitation. Il aura fallu le mois de février dernier pour que des pluies salutaires, bien que limitées, viennent au secours des oliveraies et des grandes cultures.

Les conséquences sont multiples. La récolte des céréales s’annonce amputée de moitié, se réduisant de 7.5 millions de quintaux à un peu plus de 3.5 millions selon les estimations, ce qui accroîtra davantage les besoins en importations et leur coût pour le budget de l’Etat. Les cultures irriguées en feront également les frais. Mais, c’est surtout l’eau potable qui risque de se faire plus rare et sa distribution par la Sonede contrainte à des restrictions inévitables.

Les robinets sont à l’arrêt de 23 heures à 11 heures du matin dans plusieurs agglomérations. Il va falloir s’y résigner. Nous ne sommes pas à l’abri d’un été au sec.

La sécurité hydrologique est en jeu pour chacun et pour tous. Depuis des années déjà, les pouvoirs publics et les experts n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme. Epuisement des ressources, mauvais usage et pollution s’ajoutent à une pluviométrie en forte baisse.

Mettre l’eau sur l’agenda politique et sur la place publique s’impose de toute urgence. Le plan pour faire face au stress hydrique, élaboré par le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, sera crucial. Aux différentes mesures réglementaires et techniques, la priorité sera donnée à l’implication de l’opinion publique quant à la rationalisation de l’usage de l’eau. Si de nouvelles politiques publiques sont indispensables, un véritable changement de notre rapport à l’eau est urgemment requis.

Agir, c’est anticiper au maximum. Par la dissuasion et par la persuasion. L’augmentation des tarifs de la Sonede et la limitation des horaires de distribution et d’arrosage ainsi que de certains usages ne suffiront pas. C’est une prise de conscience individuelle et collective qui est à générer par un travail massif d’explication à entreprendre à tous les niveaux. Des objectifs sont à fixer, des indicateurs de performance à mettre en place et des résultats probants à célébrer, en impliquant notamment les gros consommateurs d’eau. Plus de place au gaspillage.

Le réchauffement de la planète s’inscrit dans la même urgence. Le rapport du Giec indique qu’il atteindra 1,5°C à 2°C d’ici à 2030, c’est-à-dire demain. L’enjeu est mondial, ses répercussions se ressentent aussi en Tunisie où la vulnérabilité des écosystèmes et des populations s’accroît. Des températures extrêmes et des sécheresses sévères provoqueront des impacts irréversibles. S’impliquer dans des mesures d’adaptation et promouvoir un développement résilient relève du devoir national.

La nature nous interpelle. Des changements profonds s’opèrent sous nos yeux. Le déni n’est plus possible. Agissons !.

Taoufik Habaieb