News - 02.02.2023

Taoufik Ayadi - Le conflit en Ukraine, bientôt une année: Analyse d’une guerre qui aurait dû être conjurée

Taoufik Ayadi - Le conflit en Ukraine, bientôt une année: Analyse d’une guerre qui aurait dû être conjurée

«L'analyse géopolitique est aussi un moyen de conjurer des guerres ou de trouver une solution à certains conflits.», disait Yves Lacoste

La guerre entre l’Ukraine et la Russie déclenchée depuis près d’une année est d’un point de vue non aligné le résultat d’un manque d’une vision géopolitique et stratégique judicieuse de la part de tous les acteurs concernés, pour faire de Kiev un statut de neutralité et éviter au peuple Ukrainien et à l’économie d’une grande partie des pays du monde les répercussions négatives de ce conflit.

En effet compte tenu de plusieurs facteurs géopolitiques propres à l’Ukraine, essentiellement sa situation géographique limitrophe à la Russie en rivalité avec l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), il aurait mieux valu pour cela que ce pays soit un Etat neutre, un facteur non seulement favorable à la stabilité et à la paix en Europe, mais aussi à la sécurité alimentaire de pas mal de pays puisqu’il est le grenier du monde.

Avec cette guerre, le monde a raté une occasion historique de faire de l’Ukraine une interface de paix entre l’Europe qui aspire à devenir une puissance capable de contribuer à la stabilité d’un monde multipolaire et une Russie craintive de tout rapprochement de l’OTAN à ses frontières. L’Ukraine neutre possèderait tous les atouts pour jouer ce rôle, car ce pays est de culture russe de par son histoire et l’origine d’une grande partie de sa population, et en même temps de culture occidentale de par sa position géographique et son ouverture sur l’Europe depuis la fin de l’URSS.

Pour le moment cette guerre ne présente aucun signe quant à sa fin. Au contraire elle s’annonce malheureusement de longue durée avec le risque d’escalade à cause des armes de plus en plus sophistiquées fournies par l’occident au profit de Kiev. La situation actuelle sur le théâtre des opérations se caractérise par un équilibre entre les deux armées ennemies; des offensives et des contre-offensives des deux côtés sont quotidiennes.

Les deux belligérants sont en train de se préparer à une phase d’hostilité et de combats de haute intensité à partir du printemps prochain. La Russie est en période de régénération de ses forces en vue d’une opération d’envergure dont les objectifs ne sont pas encore annoncés, les Ukrainiens ne cessent de demander plus de renfort en chars et en avions de combat de la part de l’occident. Cet amassement de forces et d’armements soulève à l’échelle mondiale beaucoup d’inquiétudes et de questions quant à l’issue de cette guerre et les dégâts qu’elle va continuer à engendrer!

Dès lors un certain nombre d’aspects doivent être analysés avant d’étudier les scénarii envisageables pour l’issue de ce conflit; le rapport des forces, les phases de la guerre et les enseignements tirés.

1-Le rapport des forces et les acteurs de l’extérieur

1.1/ Les facteurs communs aux deux belligérants

Les équipements des deux armées appartiennent au même modèle, celui de l’ex-URSS. Donc elles ont déployé au début de la guerre pratiquement les mêmes types d’armements; avions et chars de combat, systèmes de défenses sol-air, pièces d’artillerie, armes légères, etc...

Sur le plan doctrine militaire les deux armées ont conservé pendant longtemps pratiquement les mêmes concepts de fonctionnement et d’emploi des armes, il s’agit des concepts soviétiques, connus par la centralisation du pouvoir décisionnel, la rigidité et le manque de délégation.

1.2/ Les capacités propres à chacune des deux armées

Du point de vue équipements, Moscou dispose d’un arsenal (tous les types) environ 10 fois plus important que celui de Kiev, généralement avec un standard plus avancé. Du point de vue marine de guerre, celle de l’Ukraine est classée symbolique face à la puissante flotte Russe classée deuxième mondialement.

L’Ukraine a bénéficié d’un important soutien en équipements de la part des pays occidentaux au fur et à mesure du déroulement de la guerre. Vers la fin du mois de janvier 2023, certains pays ont promis de fournir même des chars à technologie moderne. 

Ainsi sur le plan équipements le rapport de puissance est en faveur des Russes qui aurait dû faire la différence, mais cela n’a pas été le cas pour des facteurs développés dans le paragraphe 2 (ci-dessous).

Sur le plan doctrine, l’Ukraine, outre le fait qu’elle a connaissance des concepts appliqués par l’armée russe, depuis 2014 elle a commencé à évoluer progressivement vers le modèle occidental, ce qui va constituer un avantage pour son armée. En effet depuis 2014, l’OTAN, les USA, la Grande Bretagne et le Canada ont commencé à former l’armée ukrainienne. Au début de la guerre (février 2022) parmi les 80 000 soldats de l’armée régulière ukraine, un peu plus de 50% ont été formés par les occidentaux et ont appris à combattre à l’occidentale.

Du point de vue potentiel humain, l’Ukraine a mobilisé son armée de réserve dès le 1er jour du conflit, alors que Moscou s’est appuyée sur son armée régulière. Ce n’est que vers la fin du mois de septembre 2022 que Poutine a ordonné la mobilisation partielle de la réserve.

Ainsi au début de la guerre sur le plan équipement la Russie dépasse de loin l’Ukraine, tandis que du point de vue potentiel humain la balance est en faveur de Kiev.

1.3/ les acteurs de l’extérieur

Les principaux acteurs extérieurs dans cette guerre sont les pays occidentaux avec des livraisons massives d’équipements militaires à l’Ukraine. D’abord les équipements ex-soviétiques de la part des anciens pays du pacte de Varsovie (Pologne, pays Baltes…), puis très rapidement des équipements occidentaux.  

Les armes livrées par l’occident au début du conflit étaient des armes légères et de défense qui ont permis aux Ukrainiens de résister face à une armée puissante (chose qui a été une surprise pour Moscou et les observateurs). Dans un second temps c’étaient des armements plus lourds, comme les pièces d’artillerie. Vers la fin du mois de janvier l’Allemagne, les USA et le Royaume-Uni ont décidé de livrer des chars de leur fabrication respectivement ; Léopard, Abrams et Challenger. 

Au début du mois de février 2023, la situation du point de vue rapport des forces peut se résumer comme suit:

Les Ukrainiens ont des combattants en nombre important, mais pas assez d’armements malgré le soutien de l’occident,

Les Russes ont beaucoup d’armement et sont en train de renforcer leur potentiel en combattants grâce à la mobilisation partielle de sa réserve initiée depuis fin septembre 2022.

2- Les cinq phases de la guerre

La guerre depuis son déclenchement c’est une succession de batailles en "dents de scie" pour les deux belligérants. Ces combats peuvent se décomposer en 5 phases que j’intitule : la tentative d’invasion échouée, la prise d’un "gage territorial", l’opération de déception, la campagne aérienne et le ralentissement des opérations terrestres.

2.1/ La Tentative d’invasion échouée

La première phase a commencé le 24 Février 2022 avec le déclenchement de l’« Opération spéciale » et s’est terminée vers la fin du mois d’avril.

Durant cette phase Kiev et plusieurs régions sont ciblées, l’objectif bien qu’il n’ait pas officiellement déclaré serait d’envahir la totalité du pays. Les principales attaques ont visé Kiev (notamment depuis la Biélorussie), Kharkiv (la 2ème ville du pays), Marioupol (port stratégique du Donbass) et les villes du sud depuis la Crimée occupée par les Russes en 2014.               

En parallèle la Russie mène des attaques aériennes et navales. Ainsi Lviv et Odessa sont également touchées durant les premiers jours.

A la surprise des Russes l’armée de l’Ukraine résiste bien aux offensives, ce qui a causé l’enlisement des forces russes sur plusieurs fronts. La tentative d’invasion de l’Ukraine s’est soldée par un échec, essentiellement pour les raisons suivantes:

Une sous-estimation de la part des Russes des capacités de combat de l’armée ukrainienne. En fait cette dernière a acquis beaucoup d’expérience depuis 2014, juste après l’annexion de la Crimée, dans le cadre de sa lutte contre les groupes séparatistes dans les régions du Donbass (la guerre du Donbass).

L’entrainement et la formation assurés par les pays occidentaux des militaires ukrainiens depuis 2014.

Le soutien en matériel et en renseignements fourni par les pays occidentaux dès le déclenchement de l’agression. Il s’agit surtout d’armes de défense ; des missiles antichars Javelin, Milan, des missiles sol-air Stinger, des pièces d’artillerie Caeser…etc.

Cette première phase se termine vers la fin du mois d’avril par un évènement humiliant pour la Russie; le naufrage du plus puissant navire de la flotte russe en mer noire, le bateau amiral « Moskva ». Kiev soutient le fait que deux missiles type «Neptune» tirés par l’une de ses batteries côtières l’ont touché. Les Russes ont essayé de le cacher le plus longtemps possible, tout en contestant la version de Kiev en avançant la cause de l’explosion d’une munition à bord.

Les Ukrainiens sont considérés par les observateurs comme les gagnants de cette 1ère phase de la guerre, puisque les Russes ont renoncé à la conquête de l’ensemble du territoire ukrainien pour concentrer leurs efforts sur la région du Donbass (le nord-est du pays). C’est le début de la deuxième phase.

2.2/ La prise d’un «gage territorial»

Vers la fin du mois d’avril les Russes ont changé de stratégie, l’effort principal de «l’opération spéciale» n’est plus axé sur Kiev mais il s’est concentré dans toutes les régions côtières du pays ; du Donbass au nord jusqu’à la Crimée au sud.

La plupart des analyses soutiennent le fait que les Russes en optant pour une nouvelle tactique auraient changé d’objectif pour «l’opération spéciale», qui serait d’occuper des régions stratégiques (surtout pour l’économie) de l’est de l’Ukraine en vue d’obliger Kiev à entrer en négociation et obtempérer aux conditions de Moscou pour conclure la paix. Ce genre de mode d’action est généralement dénommé dans le jargon militaire ; «prise d’un gage territorial». Les Russes sont arrivés à contrôler presque tout l’est de l’Ukraine vers mi-août.

Malgré une résistance acharnée de son armée, l’Ukraine semblait, dans un premier temps, dépassée par la puissance de feu de la Russie pendant 3 mois de combat (mai, juin et juillet). Pendant ce temps Kiev bénéficiait de livraisons de matériel militaire occidental : blindés allemands et polonais, canons français Caesar et systèmes anti-aériens américains via leur base de Ramstein en Allemagne.

2.3/ Opération de déception

En fait depuis le mois de juin, l’Ukraine préparait sa contre-offensive annoncée dans le sud de la frange côtière contrôlée par les Russes pour amener ces derniers à y redéployer leurs troupes, alors que l’objectif réel était le Donbass (au nord).

Ce stratagème, dénommé dans le jargon militaire «opération de déception» a induit les Russes en erreur, puisqu’ils ont procédé à l’allègement de leur dispositif dans le Donbass pour se concentrer dans le sud (région de Kherson). Ainsi leur front nord s’est dégarni (région Donbass).

Tout en profitant des capacités de renseignement de ses alliés (notamment les USA, le Royaume-Uni et la France), Kiev achemine en toute discrétion 15 000 soldats vers le Donbass à des horaires pendant lesquels les satellites russes ne survolent pas la zone.

Les Ukrainiens s’organisent et passent à la première contre-offensive le 29-août dans la région de Kherson (au sud). L’armée ukrainienne reprend 1 000 km2.

Ensuite à partir du 6 septembre, la deuxième contre-offensive est lancée dans la région du Donbass, les Russes ont essuyé des dégâts et des pertes énormes sur le plan matériel et humain.

Ainsi en quelques mois Kiev a réussi à reprendre l’initiative grâce bien sûre à l’aide matérielle précieuse de l’Occident; en particulier les Américains qui reconnaissent que la contre-offensive a été planifiée dans les salles opérations du Pentagone, avec la participation d’officiers Ukrainiens.

Le 21 septembre, face à cette situation, Poutine déclare la mobilisation partielle et procède à l’annexion de quatre régions; Zaporijia, Kherson, Lougansk et Donetsk.

Début du mois d’octobre, un nouvel évènement tournant et choquant pour Poutine se produit; celui de la frappe qui a ciblé le pont de Kertch le 8 octobre 2022. La guerre entre ainsi dans une nouvelle phase: «La campagne aérienne»

2.4/ La campagne aérienne

L’évènement générateur de cette phase est donc l’attaque du pont de Kertch qui relie la Crimée à la Russie, sa construction a été décidé et inaugurée par Poutine.

Le chef du Kremlin réagi rapidement et procède à la nomination d’un nouveau général à la tête des opérations en Ukraine, c’est le général Sergueï Vladimirovitch Sourovikine. Ce dernier n’est pas un aviateur, c’est un terrien, mais il a commandé les forces russes en Syrie là où il a utilisé de façon soutenue l’aviation de bombardement. A partir de sa nomination la guerre va changer de nature avec le lancement de la première campagne aérienne russe efficace grâce à:

Des raids par les bombardiers stratégiques type Tupolev 160 qui décollent des bases russes. Ces bombardiers, grâce à la grande portée de leurs missiles, n’ont même pas à franchir la frontière pour frapper leurs cibles. Ils n’ont pas à s’exposer aux systèmes de défense anti-aérien de l’adversaire.

Des raids incessants de drones de fabrication iranienne Shahed 136, et autres.

D’après les Russes les cibles visées sont des sites militaires (usines d’armement et autres) pour freiner l’effort de guerre de Kiev, alors que les Ukrainiens parlent de sites d’infrastructures civiles et de pertes de vies humaines au sein de la population.

Les Ukrainiens par manque de système de défense antiaérien pour intercepter une véritable "pluie" de missiles et de drones kamikazes, ils vont réclamer le soutien des occidentaux. Les USA fourniront plus tard les systèmes de missile sol-air Patriot.

Les Ukrainiens au début du mois de décembre sont arrivés à frapper deux bases aériennes russes avec des drones de renseignement qu’ils ont transformés en missiles de croisière. Certaines sources parlent de deux bombardiers russes endommagés, ce qui a constitué un nouveau tournant dans la guerre.

Début décembre 2022 l’hiver s’installe et c’est le début de la cinquième phase ; le ralentissement des opérations terrestres à cause de la neige, et la boue. Mais c’est aussi le temps pour la régénération des forces côté Russe, et les demandes de renforts en chars de fabrication occidentale pour Kiev.  

2.5/ Le ralentissement des opérations terrestres

Avec l’entrée de l’hiver la boue et la neige empêchent surtout les opérations terrestres. Alors que les Russes continuent les frappes avec les missiles et les  drones pour conserver les espaces qu’ils ont conquis et affaiblir les capacités de combat des Ukrainiens, ces derniers tentent de récupérer davantage de terrains contrôlés par l’adversaire.

Chacun des deux belligérants commence à se préparer pour le printemps et l’été. Alors que Kiev demande de l’occident plus d’équipements militaires, des chars et même des avions de combat, la Russie procède au recyclage des personnes de son armée de réserve.

Poutine nomme au début du mois de janvier 2023 un nouveau commandant des opérations en Ukraine, il s’agit de son chef d’état-major des armées le général Valéri Guérassimov en remplacement du général Sergueï Sourovikine en poste depuis début octobre. Guérassimov est nommé dans un contexte de divergences et de luttes de pouvoir relatif au contrôle des régions conquises en Ukraine entre le commandement des  forces armées et le groupe Wagner.

D’après la plupart des sources et des observateurs, la situation sur le terrain vers la fin du mois de janvier 2023 est comme suit:

L’Ukraine a récupéré 54% des régions que la Russie a saisies depuis le 24 février 2022.

La Russie contrôle encore 18% du territoire ukrainien y compris la Crimée occupée depuis 2014.

(Carte ci-dessous : la situation à la date du 31 janvier 2023, source Wikipédia)

3- Les enseignements tirés de cette guerre

Bien que cette guerre s’annonce de longue durée et n’a pas encore livré tous ses secrets et ses leçons, certains enseignements importants font l’unanimité des observateurs:

3.1/ L’armée de réserve reste toujours importante pour la défense d’un pays

Les observateurs affirment que l’Ukraine a pu résister à la tentative d’invasion par la Russie (objet de la 1ère phase, ci-dessus analysée) grâce à son armée de réserve qui a été mobilisée dès le début du conflit. En effet l’Ukraine a fait l’effort de se constituer des réserves humaines bien entrainées qui ont vraisemblablement sauvé la situation.

Tout d’abord la première tranche des réservistes (ayants quitté l’armée fraichement) ont complété les forces d’actives, ce qui a permis de constituer quatre brigades complètes de réservistes. Ces dernières ont par la suite encadré plus d’une vingtaine de brigades territoriales constituées de réservistes plus anciens et de volontaires.

Cette réserve est constituée des Ukrainiens qui dans le cadre de leur service militaire ont été bien formés et ont participé à la guerre du Donbass qui a duré 8 ans depuis 2014.

C’est une véritable surprise pour la Russie qui a lancé sa tentative d’invasion sous forme d’une «opération spéciale» n’impliquant que les forces régulières sans mobilisation.

3.2/ La supériorité aérienne reste indispensable pour la réussite des opérations terrestres

Les Russes n’ont pas acquis la supériorité aérienne, ce qui a été pour beaucoup une surprise. En effet bien que Moscou alignât près de 600 chasseurs, dont plus de 300 produits durant les deux dernières décennies et 120 bombardiers tactiques face à l’aviation Ukrainienne de 40 appareils, les russe n’ont pas acquis la maîtrise des airs à cause du système de défense antiaérienne performant hérité par Kiev de l’époque soviétique et des armes sol-air livrées par l’occident. Durant la tentative d’invasion les Russes ont évité d’exposer leurs avions de combat en limitant leur usage, au prix d’importantes pertes au sein de ses forces terrestre. C’est aussi un des facteurs de l’échec de la tentative d’invasion de l’Ukraine. 

3.3/ Importance des munitions rôdeuses, le drone est une arme d’avenir pour les guerres

Cette guerre a vu l’utilisation massive par les deux belligérants des drones équipés de munitions à haute précision, appelés aussi minution rôdeuse ou drone kamikaze. Ce sont des engins pilotés par des combattants à distance, qui grâce à l’intelligence artificielle choisissent eux-mêmes leurs cibles.

Côté russe, les observateurs ont surtout identifié les Orlan-10 et les drones iraniens « Shahed 136 », tandis que les Ukrainiens ont fait usage avec succès des drones «Bayraktar TB2» de fabrication turque.

Ce type de munition précise réduit considérablement le coût de la guerre; car avec une munition classique (peu précise) il faut parfois tirer 200 obus sur une cible pour la détruire.  

Conclusion

Quatre scénarii sont envisageables

Dans une guerre quel que soit le belligérant qui va se déclarer vainqueur, en réalité il n’y a pas de gagnant, il n’y a que des perdants à des niveaux différents l’un par rapport à l’autre. Dans la plupart des conflits de l’histoire de l’humanité le dirigeant du pays qui perd un peu moins que son ennemi se déclare vainqueur pour sauver la face et parfois pour se justifier auprès de sa population.

Dans le cas du conflit en Ukraine, en se basant sur cette "règle", celui qui se positionne en situation de vainqueur pour le moment c’est la Russie, car ses pertes sont jugées beaucoup moindre que celles de l’Ukraine. Cette dernière a perdu 18% de son territoire, à part son infrastructure sévèrement endommagée, les pertes en vies humaines militaires et civiles et les millions de sa population qui sont déplacés.

Ainsi la Russie peut se déclarer vainqueur et par voie de conséquence elle peut se contenter du la «Conservation du statut quo», c’est le scénario le plus probable :

1- Conservation du statut quo (c’est le plus probable)

Dans ce cas la Russie se contenterait de défendre les régions qu’elle a annexées qui correspondent à des régions côtières de l’Ukraine qui risque de se trouver dans une situation d’enclavement. Kiev continuerait à essayer de récupérer ce qu’elle a perdu (puisqu’il s’agit des régions stratégiques pour son économie). Mais vraisemblablement son armée ne pourrait pas remporter le combat même avec le soutien en équipements militaires de l’Occident, compte tenu de l’arsenal colossal en armement et en usines d’armes de son adversaire.  La Russie a tout ce qu’il faut pour remplacer ses pertes en matériel et en hommes, la population Russe est 3 fois celle de l’Ukraine.

En outre à long terme le soutien occidental n’est pas garanti, car son artisan principal sont les USA, devenus un allié non fiable, après l’abandon de l’Irak et de l’Afghanistan et d’autres théâtres où ils sont intervenus. Il n’est pas exclu que Washington tourne le dos à Kiev.

Les deux scénarios suivants ne sont envisageables qu’en cas d’une surprise stratégique comme suit :

2- Soulèvement à Kiev (assez probable)

Un tel évènement pourrait se produire pour renverser le régime en place et installer un autre plus favorable à négocier un accord de paix avec Moscou. Ce scénario est assez probable compte tenu de la souffrance du peuple Ukrainien et l’impasse dans laquelle se trouve le pays actuellement et la fuite en avant de Zelesky.

3- Changement de régime à Moscou (à probabilité moyenne)

Le départ de Poutine est aussi un évènement qui pourrait surgir en Russie, l’homme est pratiquement depuis 1999 à la tête de l’exécutif de son pays.

Mais quel que soit le successeur, la Russie continuerait toujours sa politique actuelle envers Kiev, car Moscou ne renoncerait pas à sa rivalité envers l’OTAN et l’occident en général, à cause du soutien illimité apporté à Kiev, les sanctions économiques et l’isolement de la Russie. Ces actions de la part de l’occident à l’encontre de Moscou sont ressentis comme une humiliation par les Russes.

Pour finir, le quatrième scénario qui reste aussi envisageable est celui que j’intitule « Escalade et élargissement du conflit », en cas d’entrée de l’occident dans cette guerre. C’est un scénario à probabilité faible :

4- Escalade et élargissement du conflit (à probabilité faible)

Dès le début du conflit l’occident a exclu d’intervenir militairement (avec des troupes) à côté de l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie, malgré les appels de Zelensky pour au moins l’application d’une zone d’exclusion aérienne. Les pays qui ont apporté un soutien en matériel à Kiev, par crainte de devenir cobelligérant, se sont fixé une ligne rouge quant à la nature des armes fournies.

Ces dernières ne peuvent être que des armes légères du type défensif ne permettant pas de frapper des cibles sur le territoire russe.

Cette ligne rouge est de moins en moins respectée, à la fin du mois de janvier dernier certain des pays occidentaux ont promis de livrer des chars très sophistiqués comme réclamé par Kiev qui demande aussi d’avions de combat. C’est le franchissement de cette ligne rouge qui est présenté par les observateurs comme un facteur d’escalade.

Le scénario de l’élargissement du conflit est à probabilité faible pour au moins deux raisons visibles ; tout d’abord il est extrêmement exclu de voir des pays occidentaux participer avec des troupes à côté de l’armée ukrainienne, en plus l’occident craint l’usage des armes nucléaires tactiques de la part des Russes.

Taoufik Ayadi