Wessim Jouini : L’accord avec le FMI une occasion unique de créer du momentum politique autour de l’implémentation des réformes
Par Wessim Jouini, Ens (Ulm) - Hec Paris. Bonne nouvelle du Week-End : le gouvernement tunisien a trouvé un accord avec les services du FMI, portant sur un prêt de 1.9 Mds$ au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC), adossé à un programme sur 48 mois.
Le MEDC est un soutien de moyen-terme qui permet à la fois de faire face à des déséquilibres de la balance de paiements (et surtout dans le cas Tunisien des finances publiques) et d’accompagner les réformes structurelles nécessaires pour corriger durablement ces déséquilibres.
C’est un beau programme (3x la quote-part de la Tunisie) et à la clé, un premier décaissement a priori dès décembre 2022 (après validation du programme par le board du Fonds).
Le montant est certes inférieur au plafond permis pour un tel programme (environ 2.8 Mds$ pour la Tunisie, au dollar actuel) et inférieur à ce que le gouvernement aurait pu espérer : le prêt sur 48 mois ne représente que 2/3 du déficit budgétaire de 2023 (selon le WEO), sans compter les multiples échéances obligataires cette année-là qui ne pourront être refinancées aisément dans un contexte de perte d’accès aux marchés.
Mais l’essentiel n’est pas là. La conclusion de ce programme implique que le Fonds croit en un retour possible à une soutenabilité de long-terme et illustre la volonté des IFI de continuer de soutenir la Tunisie (1.5 Mds$ déjà déboursés par le Fonds depuis 2021, en incluant les distributions de DTS).
C’est surtout une occasion unique de créer du momentum politique autour de l’implémentation des réformes nécessaires contenues dans le programme, parmi lesquelles :
1. La modernisation de la protection sociale (développement des transferts directs)
2. L’amélioration de l’équité fiscale (notamment par l’accroissement de la base fiscale, dans un contexte d’informalité devenue endémique)
3. L’assouplissement du code des investissements (nécessaires pour compenser dans la BdP les capital outflows liés aux maturités à venir)
Cerise sur le gâteau : le programme mentionne la nécessité de protéger le pouvoir d’achat dans un contexte d’inflation & de hausse du coût des importations.
Il faudra maintenant tout mettre en oeuvre pour atteindre les cibles/jalons qui permettront à ce programme d’arriver à son terme, et orienter les investissements pour adoucir l’effet des réformes et éviter que cela conduise à de la destruction de richesse / chute du PIB (cf. cas grec).
La pilule sera tout de même amère, mais c’est la seule voie susceptible de restaurer la confiance et de renouer avec le chemin du développement.
Bon courage à celles et ceux à qui revient cette lourde tâche : ils feront comme ils peuvent et seront beaucoup critiqués.
Wessim Jouini